Dead Past

Un texte signé Sophie Schweitzer

Melissa, l’épouse de David, est assassinée par un rôdeur dans leur maison de campagne. Fou de chagrin, et parce que l’enquête piétine lamentablement, David décide de s’installer dans la dite maison afin de trouver lui-même les réponses à ses questions. Convaincu que l’assassin va revenir sur les lieux du crime, il l’attend de pied ferme, ne se doutant pas que des visions étranges et des apparitions vont se manifester, le faisant peu à peu douter de la réalité. Et si l’assassin mystérieux était un esprit mauvais, quasi diabolique ? Pour percer le mystère, David va devoir s’enfoncer dans les ténèbres de la prétendue forêt maléfique.

Deuxième long métrage de l’Allemand Daniel Flügger, DEAD PAST est un film à petit budget sorti directement en DVD en France. Nous pourrions le qualifier de cinéma bis. Et pas uniquement parce qu’il connaît une sortie direct-to-dvd en France.

Quand on parle de cinéma bis, on pense bien souvent aux films des années 70 produits pour les drive-in et les doubles séances. Ces productions à petits budgets, qui se voulaient populaires et généreuses, n’ont jamais cessé d’exister. Certes, le film d’exploitation n’est plus destiné à abreuver les drive-in, mais ce marché nommé les direct-to-dvd existait déjà auparavant en VHS. Ils alimentent un marché fructueux, aux USA, mais aussi en Allemagne.

On remarque au pays de la bière et des Mercedes un goût certain pour l’action. En effet, l’action est très souvent présente dans les productions germaniques, qu’elles soient télévisées ou destinées au marché du dvd. Cependant, celle-ci ne nuit pas du tout au cinéma bis, c’est même devenu l’une de ses figures de proue comme en témoignent les nombreux films de ninjas reposant essentiellement sur des séquences de combat souvent hallucinées. DEAD PAST verse aussi dans l’action, fortement présente. On en retrouve les codes, avec la séquence d’entraînement ou l’« ère combat » servant de préparatif au héros, les ralentissements en plein duel ou encore l’utilisation de quelques trampolines pour faire sauter le héros plus loin et ainsi donner l’illusion de terribles coups échangés avec l’adversaire.

L’action n’est cependant pas le point d’orgue de DEAD PAST.

En effet, le film se veut plus fantastique virant à l’horreur que de pure action, même si celle-ci reste néanmoins fortement présente tout au long du métrage. Nous avons ainsi droit à une ambiance très pesante, limite lugubre, à des manifestations d’esprits dont on ne sait jamais s’ils sont bienfaisants ou pas… Tout cela met le spectateur dans une position inconfortable, à l’instar de celle du héros. Ce parti pris est une très bonne chose car cette atmosphère fortement horrifique n’a pas à rougir devant de plus grosses productions. Le film évite également le cliché du gentil esprit versus le méchant esprit. Nous avons affaire à plusieurs manifestations et elles ne sont pas spécialement bienveillantes. En réalité, elles sont tellement omniprésentes qu’elles finissent par aliéner le héros qui ne sait plus quand commence l’hallucination et où retrouver la réalité.

Bien sûr, le film reste bis, c’est-à-dire généreux, et parfois what the fuck, notamment avec les flics qui sont au sommet du cliché (mais on sent que c’est voulu) puisque plus occupés avec des mots croisés cochons que par l’enquête.
L’esprit bis du film croise parfois un esprit gore grand-guignol surprenant. En effet, à un moment, un arbre pousse à travers le torse du héros dans une séquence hallucinante. Plus loin, il vomit des litres et des litres d’un liquide rose passablement dégoûtant. Ainsi DEAD PAST réussit le délicat équilibre entre garder un aspect bisseux généreux attendu par les amateurs du genre et dans le même temps proposer une atmosphère hallucinée et glauque, parvenant même à transformer le manque de moyens en atout. Chose possible uniquement dans les films d’horreur bis comme nous le prouve DEAD PAST.

En référence, on pourrait dire que le métrage se situe à mi chemin entre un EVIL DEAD fauché et un film de ninja délirant, bien que cela serait occulter l’aspect onirique de l’œuvre, teinté d’une touche de glauque limite gore (donnée par une séquence de baise dans la forêt assez démente et très bien pensée). En dépit d’un manque de moyens et d’acteurs ne jouant pas toujours juste, Daniel Flügger a réussi à faire de DEAD PAST un film généreux doté d’une véritable atmosphère et réjouissant dans le même temps le public bisseux. On souhaite au réalisateur plus de moyens la prochaine fois, ne serait-ce que pour le maquillage et les effets spéciaux. Néanmoins, ce DEAD PAST est un pari réussi !


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà

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