Deadly Weapons

Un texte signé Tom Flener

USA - 1974 - Doris Wishman
Titres alternatifs : Teuflische Brüste 1
Interprètes : Chesty Morgan, Harry Reems, Richard Towers, Saul Meth, Phillip Stahl

Née en 1912 et morte en 2002, Doris Wishman est une figure culte du cinéma d’exploitation. Et même à côté d’autres réalisateurs du genre comme Ed Wood ou Roger Corman, elle s’avère être marginale. De 1960 à sa mort, elle a à son actif une trentaine de films. La plupart de ces titres ne sont pas connus, même par les fans d’exploitation. Seule une poignée de ses films a été sauvée de l’anonymat. Parmi ceux-ci, LET ME DIE A WOMAN (1978) peut être considéré comme le chef-d’œuvre de Doris Wishman. Il forme un triptyque avec les deux films qu’elle a concoctés assistée par Chesty Morgan en 1974, DEADLY WEAPONS et DOUBLE AGENT 73.
Crystal, la responsable d’une entreprise de publicité, a enfin réussi à tirer une promesse de mariage de son petit ami. Celui-ci, dans l’emploi d’un chef de gangsters, essaie de rouler son employeur, et est illico éliminé. Crystal, qui a assisté à son meurtre par téléphone, se met à la recherche des tueurs pour se venger en les étouffant avec ses seins énormes.
Soyons francs et honnêtes, comparer DEADLY WEAPONS à un bon film, même un film compétent, c’est comparer Ed Wood à du CITIZEN KANE.
Et Chesty Morgan en est l’une des raisons. Polonaise de naissance, née Lillian Wilczowski, elle est dotée de seins tout à fait démesurés qui semblent constamment vouloir s’échapper de leur prison vestimentaire à la moindre occasion. Leur volume, non seulement peut effrayer même les plus inconditionnels des gros seins mais force Chesty Morgan à se mouvoir précautionneusement. Cette démarche, continuellement lente et prudente, n’aide aucunement à générer du suspense ou du rythme dans l’intrigue. Néanmoins, il n’y a jamais le moindre doute sur le fait que ces deux atouts sont les principales raisons de l’embauche de cette actrice. Malheureusement, il s’agissait là d’une grave erreur de jugement de Doris Wishman. En effet, loin d’ajouter de l’érotisme au métrage, l’apparence de Chesty Morgan ne fait que générer, soit le fou rire, soit l’incrédulité du spectateur. A notre plus grand dam, Chesty Morgan est certainement la plus mauvaise actrice jamais placée devant une caméra, tous genres confondus. La seule expression qu’elle affiche est un mélange de surprise de se retrouver devant l’objectif et de constipation constante.
En revanche, ceci ne devrait pas détourner l’attention du spectateur des autres acteurs. DEADLY WEAPONS affiche un ensemble d’acteurs carrément mauvais, même pour un film d’exploitation. Harry Reems est le seul à tirer son épingle du jeu car il ne rate aucune occasion pour montrer qu’il ne prend pas ce film au sérieux. Que dire si finalement un acteur porno doit freiner son jeu pour s’adapter au niveau de ses collègues ?
Même si la performance des acteurs suffirait à elle seule pour catapulter cette œuvre dans le royaume des films ratés, Doris Wishman y ajoute son grain de sel. Ceux qui connaissent l’œuvre de cette dame savent bien à quoi s’attendre. La mise en scène est soit inexistante, soit incohérente, au point de laisser perplexe le plus attentif des spectateurs. Les faux raccords sont légion et le nombre de plans ne filmant que des pieds rendra jaloux un Quentin Tarantino. Les acteurs sont constamment filmés de dos, quand ils ne sont pas simplement abandonnés au profit d’une petite statuette ou d’un téléphone, de sorte que toute atteinte au dialogue postsynchronisé puisse être échouée. Ainsi, Doris Wishman n’abandonne aucunement sa tendance à filmer des objets inanimés, et la caméra traîne, même après que les acteurs aient maladroitement quitté son champ de vision. Ces traits caractéristiques de la réalisatrice nous font amplement profiter des décors, particulièrement kitsch et de mauvais goût, même pour l’époque.
Finalement, n’oublions pas la garde-robe de Chesty Morgan qui entre en symbiose parfaite avec les meubles et autres décors du film. Ses vêtements sont absolument hilarants, d’autant plus qu’elle est supposé être une femme d’affaires à succès.
Il est donc outrageusement facile de dénigrer le film sur la base de tous ces défauts. En revanche, ce sont en fait ces mêmes éléments qui transforment le film en l’équivalent d’un accident de voiture : on aimerait bien l’ignorer, mais on regarde quand même. Il est vrai que tout ce qui constitue du bon cinéma fait cruellement défaut à DEADLY WEAPONS. L’absence de talent devant et derrière la caméra est presque absolu. L’intrigue souffre d’une mort lente et agonisante par manque de motivation et rythme quelconque. Néanmoins, tout ceci rend DEADLY WEAPONS étrangement regardable. Involontairement hilarant, ce film, un monument d’incompétence et de mauvais goût, est une véritable mine d’or pour tout adepte de bad movies. En ce sens, les scènes fortes ne manquent pas. Christy Morgan nous offre la scène de danse et de strip-tease la plus lamentable jamais vue. Alors qu’elle ne fait que soulever ses bras, se mouvoir maladroitement d’un pied à l’autre, elle reste néanmoins bizarrement attachante.
En outre, DEADLY WEAPONS nous propose quelques-uns des meurtres les plus bizarres dans l’histoire du cinéma, quand l’héroïne avance lentement, les bras (et les seins) soulevés, un visage au regard vide, vers ses victimes droguées. Et finalement, Doris Wishman nous fait imaginer un univers parallèle où les femmes d’affaires portent des vêtements que, dans notre monde, les SDF refuseraient. Un monde où Chesty Morgan devient la femme la plus désirable de toutes et où tout le monde agit comme dans un mauvais film.
Ainsi, tout adepte de bons scénarios, de cinématographie et de jeu d’acteurs compétents devra éviter ce film comme la peste. Pour les autres, fans de cinéma tellement-mauvais-qu’il-devient-bon, DEADLY WEAPONS constitue un monument. Ainsi, il deviendra comme un fils laid : on sait qu’il est moche, mais on ne peut éviter de l’aimer.

Retrouvez notre couverture de Offscreen 2013.


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- Article rédigé par : Tom Flener

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