Dérive mortelle – Open Water 2

Un texte signé André Cote

USA - 2006 - Hans Horn
Titres alternatifs : Open Water 2 : Adrift
Interprètes : Susan May Pratt, Richard Speight Jr., Nicklaus Lange, Ali Hillis, Cameron Richardson...

Un groupe d’amis partent en virée à bord d’un yacht. Voulant profiter du beau temps, ils se jettent tous à l’eau, oubliant de déployer l’échelle. A cause de cette erreur, le week-end qui s’annonçait idyllique tourne rapidement à l’horreur.
Avec ce deuxième opus, nous devions assister à la naissance d’une bien étrange franchise. Le premier OPEN WATER – EN EAUX PROFONDES reposait sur un concept des plus atypiques : le croisement entre un film de monstre et une histoire vraie, en l’occurrence LE PROJET BLAIR WITCH et LES DENTS DE LA MER comme le claironne si bien l’affiche. En effet, la tension de OPEN WATER 1 provenait principalement de la suspension de crédulité accordée par le spectateur : on s’attachait aux personnages parce qu’ils devaient avoir vraiment “existé”. Une expérience de “cinéma vérité” justifiant l’utilisation de la caméra DV qui renvoyait au PROJET BLAIR WITCH justement. L’influence des DENTS DE LA MER, elle, résidait dans la présence des requins dans le métrage.
Mais pourquoi faire une suite à un film-concept qui n’est pas destiné à une quelconque extension ? On se le demande encore. D’une part, il est difficile pour les personnages du premier volet de rempiler. Par conséquent, l’histoire ici narrée n’a aucun lien avec la précédente, ce qui annihile toute légitimé à ce nouvel épisode. Ensuite, le croisement entre un documentaire et un film de monstre fait place à une simple “histoire inspirée d’un fait réel”. Dès lors, à travers cette différence de traitement, on constate deux perceptions du cinéma dit “vérité” : le premier OPEN WATER se voulait la reconstitution d’un événement, le second bénéficie en revanche d’une écriture plus élaborée. On souligne alors un paradoxe : le métrage qui se voulait proche d’un film à suspense parait moins structuré comparé à sa séquelle qui omet de signaler sa filiation avec le cinéma de genre.
En effet, les scénaristes ont construit un canevas dramatique pour dynamiser un concept proche d’un film du Dogme, et dont le premier volet découvrait les limites. Aussi, comme dans EN EAUX PROFONDES, les personnages révéleront leur vrai visage à travers leur détresse. Toutefois, contrairement à son prédécesseur qui racontait l’histoire d’un seul couple, le principal atout de DERIVE MORTELLE est de s’évertuer à être un film choral en décrivant ce groupe d’amis. Cet état permet à l’intrigue de rebondir aisément, et c’est un fait d’autant plus flagrant lors d’une scène où sont montées en parallèle les actions de deux protagonistes agissant dans le même espace de temps. Malheureusement, la présence du groupe occulte quelque peu le chemin de croix d’un personnage qui aurait mérité d’être le pivot du film : Amy. Mère traumatisée, Amy est quasi-hydrophobe suite à un événement dans son enfance qui se dévoile en flash-back.
D’autre part, cette structure parasite quelquefois la tentative de “cinéma vérité” qui aurait du être la caractéristique des OPEN WATER. Certaines scènes où les personnages se confessent auraient dû être filmées d’une seule traite et non en montée en jump-cut (coupures au sein du même plan). La raison pour cette approche était peut-être de conserver un rythme soutenu de bout en bout, mais cela produit un dysfonctionnement de la scène qui, dès lors, ne fonctionne plus : à cause du sur-découpage, nous avons l’impression que le personnage ne s’est pas totalement livré à nous, privant le spectateur du lien d’intimité que le plan était censé nous procurer.
De surcroît, à l’image du précédent volet, DERIVE MORTELLE n’évite pas la redondance puisque Hans Horn, dont il s’agit du premier film américain, finit par répéter les mêmes prises de vue de son océan. Il convient de faire preuve d’indulgence puisqu’à part ce paysage maritime, on ne lui offre pas grand chose d’autre à filmer. En fait, il cherche même à pallier ce manque de diversité de cadre par un travail sur la photographie. On remarquera que la lumière assombrit progressivement la mer (l’image semble surexposée au soleil dans les premières scènes) jusqu’à faire naître un véritable orage, ultime épreuve de ses naufragés.
Ainsi, DERIVE MORTELLE constitue un énième témoignage de la volonté des producteurs à vouloir créer une franchise à partir de n’importe quel succès, à l’image de la courte série des PROJET BLAIR WITCH (deux films et quelques produits dérivés au compteur). Cependant, grâce aux efforts des scénaristes et aux chefs opérateurs, cet OPEN WATER 2 s’avère nettement supérieur à son prédécesseur. Il reste malgré tout plusieurs lacunes à cette franchise naissante pour mériter le détour.


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- Article rédigé par : André Cote

- Ses films préférés : Dark City, Le Sixième Sens, Le Crime Farpait, Spider-Man 3, Ed Wood

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