Dossierreview

Derrière les murs

Au siècle dernier, au début des années 20, une jeune femme interprétée par Laetitia Casta, s’installe dans un village perdu en Auvergne. Elle vient de la ville, de Clermont, sa venue dans ce hameau vivant encore au 19ème siècle, excite les villageois. C’est une femme écrivain qui vit seule, fume des cigarettes et porte des tenues sophistiquées, les hommes et surtout le maire-épicier du village ne sont pas insensibles à cette modernité, et voient en elle une femme aux mœurs légères. Le premier jour de son emménagement dans sa demeure, elle fait la connaissance de la fille d’un paysan à qui elle offre de lui dispenser gratuitement des cours de lecture. Dans les jours qui suivent, elle tente d’écrire les premières pages d’un nouveau roman en s’isolant dans la cave pour mieux se concentrer. Piquant rapidement du nez, à moitié-endormie, elle est assaillie par les apparitions fantomatiques d’une petite fille et de nuées de rats l’encerclant. Les nuits se succèdent avec leur lot de cauchemars. Cette demeure est-elle maudite, cache-t-elle un secret morbide, d’autant que la gamine qu’elle a prise sous sa protection vient à disparaître.

C’est un plongeon dans la France rurale au lendemain de la 1ère guerre mondiale, dans une campagne toujours ensoleillée, dotée d’une lumière plus proche du Midi que de la région des volcans. La reconstitution est soignée, peut-être un peu trop d’ailleurs, tout semble rutilant, les vêtements, les accessoires, les quelques tractions qui passent sur la route. Tout au long de ces 90 minutes, le sentiment d’être face à un téléfilm adapté d’un Maupassant mâtiné d’une bonne dose de surnaturel semble la comparaison la plus élogieuse que l’on puisse décerner à ce film. Mais à cette adaptation manquerait ce qui fait la saveur du romancier, son regard amusé et mordant de la société.

Cinématographiquement, les intentions étaient bonnes et les précédents essais dans ce genre bénéficiaient d’un succès critique et public manifeste, qu’il s’agisse du ténébreux film d’Alejandro Amenábar LES AUTRES ou dans des temps plus reculés les différentes adaptations de la nouvelle du romancier Henry James LA TOUR D’ECROU.

Alors pourquoi en effet ne pas tenter le fantastique dans un environnement champêtre façon début 20ème siècle. Seulement il est préférable de ne pas tomber dans les écueils classiques, notamment ceux d’une reconstitution historique “muséifiant” le film et d’une présentation du monde rustre de la campagne française avec excès de caricatures dans les tempéraments des paysans. Sur ce dernier point, le film évite involontairement cet écueil tant il ébauche à très grands traits les quelques figures importantes évoluant autour de Laetitia Casta. Il s’agit surtout d’instiller un élément fantastique dans cet univers, lequel n’est tout de même pas le plus favorable pour des apparitions surnaturelles et ce malgré les succès évoqués plus haut. Le film échoue sur ce plan et malheureusement sur bien d’autres. Les cauchemars de l’ex top model où des petites filles surgissent brusquement ont déjà été vus cent fois et beaucoup mieux, les films coréens et japonais étant en la matière des références absolues, voire indépassables. La campagne de messieurs Sid et Lacombe est bien trop propre, trop belle, trop fleurie pour être crédible. Il manque tout simplement la crasse, le fumier, des vêtements qui font usés, des dentitions un peu moins blanches. Quant à la reconstitution, elle étouffe le peu d’oxygène du film, tout est si clinquant, semble si neuf, cette envie de prouver à chaque image avec quel soin les réalisateurs ont souhaité recréer le passé produit une impression de glaçage conduisant paradoxalement à accentuer ce sentiment de faux, de simulacre. Ce qui n’empêche pas la photographie du film, le travail sur cette lumière dorée d’un été toujours égal, de rendre la vision de ces scènes champêtre agréable à l’œil, tel un beau livre d’images.

Pour conclure, L’actrice principale, Laetitia Casta, avec sa dimension de star pour couvertures de magazines people, fait tout son possible pour incarner cette Georges Sand perdue dans une nouvelle d’Edgar Allan Poe. Elle s’applique, regarde dans la vague avant de plonger dans ces cauchemars, froisse son visage quand elle est énervée, fronce les sourcils quand elle est en colère. Malgré ses efforts certains, elle n’incarne pas avec suffisamment de sincérité son personnage tant elle est occupée à faire ses gammes. Bien en deçà de l’envergure, de la folie présumée de son rôle, elle participe activement au profond ennui que suscite ce film. Au préalable, le produit avait de quoi faire saliver quelques producteurs, une star en tête d’affiche dans un film d’époque baignant dans le fantastique, le résultat est décevant, une narration essoufflée dès le début, des réalisateurs dépassées par leur ambition et une actrice sans relief si ce n’est sa plastique qui ne nous sera jamais dévoilée, le film nous refusant même ce dernier plaisir.

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