retrospective

Désir Meurtrier

Le tournant des années 1990 a été particulièrement meurtrier en ce qui concerne le paysage cinématographique italien. L’argent public des divers systèmes d’aides s’est considérablement réduit et la télévision est devenue le nouvel eldorado, entre émissions de plateau ne volant pas très haut et fictions planant plus bas. Plus encore que pour leurs collègues, les réalisateurs de film populaires, de films de genre, ont connus de réelles difficultés à mener à bien leurs projets. Si Joe D’Amato s’est lancé corps et âme dans le porno (il en avait déjà tâté au début de sa carrière), d’autres, comme Lucio Fulci ou, ici, Sergio Martino, tentent de faire exister leurs films vaille que vaille, quitte à faire de grandes concessions.
Pour Luigi, trentenaire séducteur, tout va bien dans le meilleur des mondes : il est en passe de se marier à une belle et riche héritière, a un très bon job et possède un grand appartement avec vue sur mer. Mais voilà que débarque un jour, au milieu de cette sympathique routine, la sublime cousine de Luigi, Sonia. Celle-ci vient juste de regagner l’Italie suite au décès de ses parents au Venezuela où elle vivait depuis toujours. D’apparence douce et innocente, la belle Sonia, qui a toujours désiré Luigi en secret, va vite faire de semer le trouble dans la vie de son cousin…
Symptomatique de l’après BASIC INSTINCT, DESIR MEURTRIER est donc l’un de ces ersatz qui ont fleuri après la bombe de Paul Verhoeven, un thriller érotique dont l’argument de vente principal demeure la sublime Vittoria Belvedere. Projet opportuniste, projet de producteur, il est au prime abord difficile de reconnaître la patte de son réalisateur, tant ce DESIR MEURTRIER est larvé de tares inhérentes aux téléfilms italiens de l’époque : interprétation en total décalage avec le texte, découpage fonctionnel, photographie morose, direction artistique inexistante. En l’état, le scénario ne dépasse pas non plus celui d’un drame familial lambda. Il est alors intéressant de voir comment Sergio Martino, du haut de son expérience et de son talent, s’amuse à pervertir une histoire digne d’une saga de l’été de notre service public télévisuel français. Assumant ses partis pris esthétiques imposés, le réalisateur insuffle une tension sexuelle palpable en dirigeant Vittoria Belvedere de ma manière à la transformer en une féline prédatrice. Et celle-ci d’afficher avec une insolence mutine, ses charmes, de la manière la plus innocente et la plus révélatrice qui soit. Martino l’a bien compris : son film repose entièrement sur les douces épaules (et plus, si affinités) de sa jeune comédienne et ne se prive pas de jouer avec ses formes, montrées tour à tour en contre-jour, en pleine lumière, simplement nues ou relevées d’une touche de lingerie fine. L’exercice n’est pas sans risque, car alors, tout le reste du casting, qu’il soit féminin ou non, apparaît bien fade. Qu’importe Vittoria Belvedere est l’argument de vente d’un film, qui, à ce niveau-là, ne cherche pas à flouer le spectateur et ce, jusqu’à la sidérante scène finale où, sous une pluie battante, Martino livre un duel sexuel d’anthologie. Malheureusement, cinématographiquement parlant, cette scène est la seule qui vaille le détour, le reste du film n’étant rythmé que par les déshabillages successifs de sa comédienne principale. DESIR MEURTRIER n’est donc pas à retenir dans la riche filmographie (en nanars comme en grands films populaires) de cet artisan qu’est Sergio Martino.

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