Donkey Punch

Un texte signé Nassim Ben Allal

Royaume-Uni - 2008 - Oliver Blackburn
Interprètes : Robert Boulter, Sian Breckin, Tom Burke, Nichola Burley

Après deux courts-métrages et autant de téléfilms, l’auteur réalisateur Oliver Blackburn signe son premier film de cinéma avec DONKEY PUNCH. Co-scénariste du controversé VINYAN de Fabrice Du Welz, il livre ici un thriller psychologique en eaux troubles.
Palma de Majorque. Trois copines anglaises sont en vacances sous le soleil méditerranéen pour faire oublier sa rupture amoureuse à l’une d’entre elles. Après avoir sympathisé avec trois de leurs compatriotes dans un bar branché, celles-ci décident de les suivre pour continuer la fête sur leur yacht. Mais alors que la débauche bat son plein quelque part au milieu de la mer, une des jeunes filles décède tragiquement lors d’une levrette particulièrement rude. A partir de là, tout va aller de travers dans ce petit groupe uni par la fête. Les interrogations sur la manière de gérer l’incident vont permettre à chacun de révéler une personnalité bien plus trouble et retorse que ce qu’il donnait à voir jusque là…
Une petite mise au point s’impose en amont de cette critique : qu’est-ce qu’un donkey punch ? Comme l’explique l’un des personnages masculins, obsédé sexuel de son propre aveu, le donkey punch est une pratique sexuelle qui consiste, lors d’une sodomie, à frapper l’arrière de la tête du partenaire pour provoquer chez elle ou chez lui une contraction de l’anus, ce qui aurait pour effet d’augmenter le plaisir pour les partenaires. Malheureusement pour le jeune homme timide qui décide de s’encanailler ce soir là, cette pratique est potentiellement mortelle car administrer un coup du lapin à quelqu’un ne fait jamais de bien. Et c’est là que tout dérape. Auparavant, le réalisateur aura simplement mais efficacement caractérisé chacun de ses personnages (des jeunes comme tous les autres, avec leurs peines, leurs doutes et leur envie de s’amuser pour tout oublier) tout en magnifiant les décors naturels de l’île grâce à une photographie de papier glacé, à la lumière savamment travaillée. Seyant particulièrement aux clubs et autres endroits chics fréquentés par ses protagonistes, les effets et mouvements de caméra de Blackburn apportent une touche de classe supplémentaire et permet au spectateur de l’emmener vers des vacances luxueuses, de le faire rêver avant de la plonger en plein cauchemar. Mais alors que les évènements vrillent sévèrement pour les protagonistes, les choses se compliquent pour le spectateur. En effet, si le réalisateur tire magnifiquement partie de ses décors et joue de l’espace de manière pertinente (90% du film se passe sur le yacht), il saborde ses propres effets à cause de l’esthétique mise en place précédemment. Ne mettant jamais de coté son look froid de magazine de mode, Oliver Blackburn coupe alors son public de toute véritable émotion forte. Sans jamais être glaçantes, ses images demeurent froidement belles, lisses, tranchant net avec l’horreur vécue par les personnages. Les cadrages et mouvements de caméra demeurent eux aussi fluides et calculés, particulièrement léchés…et s’avèrent donc totalement détachés des troubles et questionnement psychologiques des protagonistes. Il en va de même pour les rares mais percutantes envolées de violences : passé l’effet de surprise, leur mise en scène achève de les banaliser alors qu’elles devraient être mises en avant comme conséquence des choix terribles pour lesquels ont optés les personnages. Sans céder aux sirènes actuelles de la « shaky cam », quelques plans de travers à l’instar du CALME BLANC de Philippe Noyce auraient pu suffire pour insuffler un quelconque trouble.
Imposant une distance entre son film et les spectateurs, le réalisateur rate le coche alors que son scénario à la fois surprenant, intelligent et assez subtil, aurait mérité un meilleur traitement visuel pour en faire le reflet du tourment des protagonistes.


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- Article rédigé par : Nassim Ben Allal

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