Dorian Gray

Un texte signé Yannik Vanesse

Irlande - 2009 - Oliver Parker
Interprètes : Ben Barnes, Colin Firth, Rebecca Hall

Dorian Gray est un jeune homme d’une vingtaine d’années. Innocent et timide, il arrive à Londres après la mort de son père, un personnage cruel. Il fait rapidement la connaissance d’un peintre talentueux qui va faire son portrait, et de Lord Henry, qui va lentement le corrompre et, involontairement, lui faire vendre son âme au diable. Alors qu’il s’enfonce toujours plus loin dans le vice et la perversion, il reste aussi jeune et beau qu’à la date d’achèvement du portrait. Mais ce dernier, reflet de la noirceur putride de son âme, se corrompt et se détériore. Dorian Gray le dissimule à la vue de tous et continue son cheminement vers les abysses.

DORIAN GRAY est avant tout un roman d’Oscar Wilde. Ce classique connut de nombreuses adaptations. Au cinéma, notamment, dès 1910, mais la littérature s’en saisit aussi à nouveau, Graham Masterton en livrant ainsi une passionnante déclinaison avec Le Portrait du mal, et nous n’évoquerons même pas les adaptions en bande-dessinée ! La nouvelle version filmée, sobrement intitulée DORIAN GRAY, est réalisée par Oliver Parker. Si ce dernier n’a certes pas marqué le cinéma , il démontre son intérêt pour les classiques littéraires : on lui doit en effet une autre adaptation, celle d’Othello de William Shakespeare.

L’homme qui incarne notre déchu est Ben Barnes, le prince Caspian du MONDE DE NARNIA CHAPITRE DEUX et TROIS. L’acteur a certes le physique de l’emploi puisqu’il fallait quelqu’un de particulièrement beau et angélique pour incarner Dorian Gray, mais il livre une interprétation remarquable, rendant son personnage crédible et intéressant. Il porte le film sur ses épaules, et s’en sort donc plutôt bien. Pourtant, c’est Colin Firth qui restera l’acteur à émerger plus particulièrement du lot, par la grâce de son incarnation de Lord Henry. Il se révèle tout simplement parfait en hédoniste un peu frustré qui conduit Dorian Gray au fond de la perversion. Ce docteur Frankenstein va modeler l’impressionnable Dorian Gray pour créer un monstre. Et, tout comme le héros de Mary Shelley, il finira par le regretter amèrement.

L’histoire reste assez fidèle au récit d’Oscar Wilde, nous évoluons donc dans l’ère victorienne. Cette dernière est bien recréée, avec de jolis intérieurs et de beaux costumes, auxquels sont adjoints quelques plans plus globaux en images de synthèses. Ces derniers détonnent (on pense à VIDOCQ) mais sont heureusement trop rares pour gâcher notre plaisir. L’intrigue, bien qu’archi-connue, est passionnante, et n’hésite pas à verser dans la dépravation. Le réalisateur sait raconter une histoire malsaine et déviante, et n’hésite donc pas à montrer les exactions de son antihéros. Le métrage est donc ainsi souvent sulfureux et malsain, et même par moment assez sanglant puisque nous suivons la déchéance sauvage de Dorian Gray.

C’est d’ailleurs le seul vrai reproche à adresser au film. Sans doute destinée à éviter la lassitude, le basculement entre l’innocence du début et la perversité se montre à l’arrivée trop brutal. De même, les doutes et peurs du héros apparaissent trop abruptement. Ce sont certes de grosses ficelles, la psychologie aurait, il est vrai, mérité un peu plus de subtilité, mais ce DORIAN GRAY se veut film d’horreur, et non drame psychologique. Et l’horreur contentera le spectateur, les apparitions du tableau étant à cet égard les passages les plus passionnants du film. Si les plans digitaux de Londres sont ratés, ceux de détérioration du personnage peint est, elle, magnifique. Et même si on regrette l’exagération du final, sa vision n’en est pas moins déstabilisante et horrifiante.

Le métrage est certes alourdi de quelques longueurs, surtout vers la fin, mais rien de trop gênant, et la réalisation se montre des plus dynamiques, déployant certaines bonnes idées, comme ces quelques plans en vue subjective du tableau, ou encore cette scène où se mêlent repas mondain et scènes atroces de dépravations.

DORIAN GRAY n’est certes pas inoubliable, mais il possède assez d’éléments intéressants pour offrir un agréable moment aux fans de films d’horreur.


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- Article rédigé par : Yannik Vanesse

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