horizons

Dr Gore

Antoine Pellissier est un personnage fascinant qui œuvre, depuis son adolescence, dans le gore le plus extrême. En 1977, il tourne son premier court-métrage, suivi de trois autres, avant de passer au long-métrage avec LES PROIES DU MAL, réalisé en 1982. Et long-métrage est un euphémisme puisque le film dure 2h52 ! Revenant à une durée plus digeste, Pellissier enchaine deux moyens métrages (FOLIES MEURTRIERES et L’ELUE DES ENFERS) avant de proposer son « grand œuvre », MALEFICIA, en 1998, dont il boucle la suite, HORRIFICIA, en 2010. Le documentaire Dr GORE revient sur la carrière atypique de ce cinéaste amateur passionné par les films d’horreur surtout s’ils sont les plus sanglants possibles. Authentique médecin nîmois, le brave Antoine apparaît immédiatement sympathique et totalement habité par une passion communicative. Pourtant, les obstacles sont nombreux, à commencer par la désapprobation amusée de sa « mater », laquelle se désespère des choix artistiques du fiston « qui pourrait être riche s’il tournait de belles histoires ». Mais Antoine passe outre et sublime son éducation religieuse stricte pour mettre en scène d’incroyables boucheries, tournées de manière amateur et avec les moyens du bord, c’est-à-dire un budget proche du zéro, les frileux producteurs refusant d’investir dans de pareils métrages. En 50 minutes, Dr GORE nous présente le quotidien du cinéaste, ses difficultés et son enthousiasme, sa quête d’un producteur acceptant de financer un scénario de trente pages faisant la part belle au gore jusqu’au boutiste. Puis, on suit le « cinéaste du dimanche » (car la semaine il se consacre à son activité professionnelle médicale) sur le tournage d’HORRIFICIA en compagnie d’un invité de marque, Lloyd Kaufman, le fondateur de la mythique compagnie Troma. Dr GORE nous propose ainsi de découvrir l’envers du décor d’une production bis française, avec sa recherche des figurants, parfois recrutés parmi les patients du docteur, ses retards de tournage, ses « acteurs » qui n’arrivent pas,…Car le brave Antoine voit grand et, plutôt que de shooter un torture porn dans sa cave avec trois copains, préfère jouer la carte de l’excès et de la « superproduction », multipliant les figurants costumés (250 !) et tournant dans de grandioses décors naturels son film d’horreur historique.
Un second documentaire « Médecin malgré lui », résume de son côté, et en une demi-heure, quelques étapes de la carrière du docteur. Nous découvrons encore les réactions de personnalités liées au cinéma fantastique, comme par exemple Christophe Lemaire ou Jean Pierre Putters, le légendaire créateur de Mad Movies, à la projection de ses œuvres. Des avis tour à tour amusés, admiratifs ou consternés devant les excès cinématographiques de Mr Pellissier.
Le second disque de ce copieux coffret est, pour sa part, consacré à deux films du Dr Gore. FOLIES MEURTRIERES, tout d’abord, fatigue par son amateurisme, son montage approximatif et son scénario minimaliste prétexte à une demi-douzaine de meurtres très sanglants filmés en super8. Beaucoup plus ambitieux, MALEFICIA s’avère plus divertissant pour quiconque apprécie le gore à l’ancienne et les métrages comme LE MANOIR DE LA TERREUR et autres joyeusetés bis des années ’80. En dépit d’acteurs pas très convaincants et d’une prise de son rendant les dialogues inaudibles (heureusement des sous-titres anglais optionnels aident à la bonne compréhension des rares répliques) MALEFICIA donne dans la barbaque pure et dure avec de la tripaille en provenance directe des abattoirs locaux. Bref, ça charcle durant plus d’une heure et demie et les nombreux figurants finissent, pour la plupart, couverts de barbaque et de sang. Dommage qu’emporté par l’enthousiasme, Mr Pellissier allonge la plupart des scènes plus que nécessaire, diluant l’intérêt au bout d’une demi-heure. Quoiqu’il en soit la bonne humeur communicative rend le long métrage sympathique et s’avère un parfait complément à cet excellent documentaire à découvrir pour tous les amateurs de cinéma d’horreur apôtres de la débrouille et du système D érigé en nécessité artistique.

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