El Club

Un texte signé Sophie Schweitzer

Dans un village isolé sur la côte chilienne, des prêtres excommuniés vivent ensemble dans une maison régie par une bonne sœur. Passant leur temps à prier, chanter et participer officieusement à des courses de lévriers, ils voient d’un mauvais œil l’arrivée d’un nouveau venu. Ce dernier va, sans le savoir, bouleverser l’équilibre de la maison et briser le silence tabou.

Pablo Larraín est un cinéaste chilien remarqué à Cannes pour ses films NO sorti en 2012 et TONY MANERO en 2008, ainsi qu’à la Mostra de Venise avec SANTIAGO 73 POST MORTEM sorti en 2010. Son nouveau métrage, EL CLUB est une immersion dans un film social abordant un sujet tabou de nos sociétés. Le film traite d’un drame intime bouleversant, touche aux perversions, à la culpabilité et à l’amoralité. Ce thriller dramatique nous plonge dans les abîmes des secrets de l’Église.

Les premières images de EL CLUB éveillent la curiosité. Tout d’abord, avec cette luminosité très vive et très bleutée : le bleu de la mer ressort ainsi que celui du ciel. C’est un bleu à la fois doux et austère, froid et distant, qui évoque les lumières froides des pays scandinaves. Puis le choix d’une focale de grand angle rappelle l’image magnifique des films de Terrence Malick. D’ailleurs l’approche poétique et l’évocation de la puissance des sentiments des personnages par des plans contemplatifs se retrouvent également dans la mise en scène léchée de Pablo Larraín. Sa manière de poser la caméra, de capter le regard de ses acteurs, de les filmer de près, avec la déformation du grand angle, sans se soucier de la beauté, cherchant les défauts de l’humanité avec cette image à la fois ciselée et pourtant proche du documentaire, étonne et déroute le spectateur. Surtout, il y a toute cette contemplation qui pousse à l’admiration presque sacrée de ces décors sublimes, naturels que concentre le silence qui entoure ces prêtres isolés.

Mais ce qui surprend le plus c’est la manière dont le réalisateur chilien aborde la thématique délicate du honteux secret de l’Église à savoir la pédophilie chez les prêtres. Bien sûr, le film plante rapidement une atmosphère étouffante, gênante, tout en laissant une part d’humanité à travers des moments de maladresse. Le regard que porte le réalisateur conserve une humanité tout en pudeur, tout en mettant ses personnages dans des situations critiques hautement révélatrices. Mais le portrait qu’il fait de ses protagonistes est loin d’être manichéen. Il laisse à la société et au spectateur le soin de juger, mais surtout de comprendre.

Ce qui est très intéressant est indéniablement le personnage de Sandokan. Élément déclencheur du film, antagoniste des prêtres, marginal et vagabond, c’est un ancien enfant abusé qui clame à haute voix et sans pudeur, dans des détails qui choquent et frappent, tous les abus qu’il a subi sans sembler y porter de jugement. Véritable tornade par l’impact qu’il a sur le village et sur les prêtres, il est l’incarnation même des conséquences de ces actes masqués par l’Église et sans nul doute, la voix du réalisateur, qui sans jugement, montre au public quelque chose qu’on a cherché à lui cacher.

EL CLUB est un film d’une beauté plastique et d’une profondeur vraiment touchante. À découvrir de toute urgence !


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà

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