Un texte signé Alexandre Lecouffe

Italie-Egypte - 1964 - Ferdinando Baldi
Titres alternatifs : Il figlio di Cleopatra
Interprètes : Mark Damon, Scilla Gabel, Paolo Gozlino

retrospective

El Kebir, fils de Cléopâtre

Au premier siècle avant Jésus-Christ, l’Egypte est gouvernée, au nom de Rome, par le tyran Petrone qui asservit le pays et pille ses richesses. Mais depuis quelque temps, une tribu nomade du désert lui tient tête et inflige des défaites à son armée ; le vil Romain décide de tout faire pour capturer le meneur de cette rébellion, le valeureux El-Kébir. Alors que ce dernier apprend qu’il est en fait le fils caché (car menacé de mort) de César et de Cléopâtre, son frère Ouro est capturé et assassiné par Pétrone qui pensait détenir El-Kébir. Notre héros fait alors enlever Livie, la propre fille du tyran qui finit par épouser la juste cause des Egyptiens et par…tomber amoureuse de El-Kébir. Leur idylle triomphera –t-elle de l’adversité ? Parviendront-ils à vaincre l’infâme Petrone et à rendre sa liberté au peuple opprimé ?
Après avoir co-réalisé quelques productions italo-américaines au tout début des années 60 (LES TARTARES avec Richard Thorpe en 1961), Ferdinando Baldi signera quelques bandes d’aventures avant de se spécialiser quasi-uniquement dans le western. Il a alors oscillé entre le bon (TEXAS, ADIOS avec Franco Nero, 1966), le délirant (BLINDMAN, 1971, avec Ringo Starr) et le médiocre (la série des « Trinita » avec Terence Hill) avant d’aligner les films de commande jusqu’au milieu des années 80 (on pourra retenir le malsain TERROR EXPRESS, 1979). EL KEBIR, FILS DE CLEOPATRE sort en 1964, année cruciale en Italie qui voit le néo-western lancé par Sergio Leone balayer à jamais le genre péplum/aventure (le « sword and sandal ») qui triomphait jusqu’alors. Le film de Ferdinando Baldi est donc un des ultimes représentants de ce genre populaire, à mi chemin entre la série A (nous avons ici un budget confortable permettant un tournage en décor naturel en Egypte, de nombreux figurants, une musique signée du maestro Carlo Rustichelli…) et la série B (tournage à peu de frais, acteurs de second plan, décors intérieurs un peu « cheap »,…). La majeure partie du film se déroule donc dans le désert égyptien où se trouvent le campement de la tribu de El-Kébir et les oasis où auront lieu les combats à cheval entre les nomades et les Romains ; ce cadre naturel est bien mis en valeur, son immensité bien retranscrite grâce à un efficace format 2.35 et l’utilisation presque systématique de plans très larges. Mais cet espace à la fois fascinant, inquiétant, insaisissable, est réduit à un aspect purement fonctionnel (un simple décor) et les quelques scènes de combat qui s’y déroulent manquent réellement de souffle épique et d’impact (pour cela, plutôt revoir LAWRENCE D’ARABIE de David Lean, 1962). De même, il manque au film une vraie tension dramatique : le frère du héros, prisonnier de Petrone, meurt en quelques instants, la fille du tyran (Scilla Gabel, la Elsie de LE MOULIN DES SUPPLICES de Giorgio Ferroni, 1960, ici scandaleusement sous-employée) se range du côté de El-Kébir en quelques minutes et le seul adversaire égyptien du héros lui fera amende honorable après un bref petit duel. L’amateur d’action devra se contenter d’une séquence assez réussie au cours de laquelle les jeux du cirque sont transposés dans le désert, sous l’œil cruel de Petrone. Des captives égyptiennes y sont enchaînées tandis que des chars armés de pointes dentées (merci BEN-HUR !) les lacèrent à chaque passage avant que n’intervienne El-Kébir qui combattra le chef des gladiateurs au fléau. Ceci est bien mince et ne saurait faire oublier les nombreux moments où l’on s’ennuie gentiment faute de péripéties et de rythme narratif satisfaisant (de nombreuses scènes se déroulant dans le campement nomade tiennent plus du « remplissage » et celles mettant en scène Petrone ne font pas progresser l’action). Ce n’est malheureusement pas non plus la « love-story » entre El-Kébir et Livie qui tirera le film vers des sommets d’émotion puisqu’elle est traitée de manière anecdotique (un seul petit baiser vite fait !). Dans le rôle du fils de Cléopâtre, Mark Damon (héros du segment « Les Wurdalak » de LES TROIS VISAGES DE LA PEUR de Mario Bava, 1963) manque de charisme et de densité tandis que Scilla Gabel semble elle aussi s’ennuyer dans un rôle purement « décoratif ». On l’aura compris, EL KEBIR, FILS DE CLEOPATRE peut se regarder sans déplaisir mais il manque cruellement de saveur, de rythme et de profondeur ; la rareté du film fait qu’il mérite néanmoins un petit coup d’œil…


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- Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

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