Elle

Un texte signé Sophie Schweitzer

Michèle Leblanc (Isabelle Huppert) est agressée et violée dans sa grande maison en banlieue parisienne où elle vit seule avec son chat. Reprenant sa vie en essayant de faire comme si de rien n’était, en vérité, l’incident va bouleverser son existence en apparence paisible et faire voler en éclat le jeu d’apparence qu’elle avait monté autour d’elle. La femme froide et distante laisse place à une femme séduisante, cruelle, mordante, dangereuse, mais également drôle, qui cherche à confondre son agresseur mais surtout à reprendre le contrôle qu’elle a perdu.

ELLE est l’adaptation du roman « Oh… » de Philippe Djian. Produit par Saïd Ben Saïd (PASSION de Brian de Palma, MAPS TO THE STARS de David Cronenberg, CARNAGE de Roman Polanski) qui a la réputation de relancer les carrières d’anciens réalisateurs star. Le film devait être à l’origine produit aux États-Unis, mais face aux difficultés de trouver une comédienne américaine pour le rôle titre, c’est en France que le film sera finalement tourné avec Isabelle Huppert dans le rôle principal et un casting très français, mais aussi une équipe entièrement française. Paul Verhoeven ayant apprit le français afin de diriger ses acteurs et son équipe !

Et pourtant, quand on voit le film, son côté français est une évidence. Bien sûr il y a le casting, mais surtout l’image, la mise en scène, jusqu’aux choix des décors. Des salons confinés aux dîners de famille explosifs, de la relation compliquée entre la mère et la fille, et bien sûr des acteurs de la grande famille du cinéma français. Mais en y regardant bien, Verhoeven rend peut-être hommage à la Nouvelle Vague et notamment à Chabrol, mais il explose surtout les codes du cinéma d’auteur français. À l’instar de Polanski dans LE LOCATAIRE ou de Joseph Losey avec MR. KLEIN, il distille un parfum de perversion et de noirceur dans le Paris cinématographique habituel.

Ce qui marque également dans ELLE, c’est une Isabelle Huppert à la hauteur de ses meilleurs rôles (LA PIANISTE évidemment de Michael Haneke mais aussi ses rôles pour Chabrol) pour qui le film semble être fait. Elle distille aussi bien la noirceur par touche d’humour, de parfum de scandale, d’anticonformisme mais aussi de cruauté. Difficile d’imaginer en vérité quelqu’un d’autre dans le rôle de cette femme assez incroyable et pourtant si réaliste, un portrait de femme en décalage, vibrant, violent et étonnant comme seul Paul Verhoeven sait en livrer.

Ainsi c’est un retour gagnant de Paul Verhoeven, qui signe là l’un des plus brillants films du cinéma français. Avec son humour, sa noirceur, son ironie et son anticonformisme, il parvient une nouvelle fois à nous surprendre (merci à la bande annonce d’ailleurs qui ne révèle rien) et à envoyer valser toutes nos certitudes. Indéniablement l’un des meilleurs films sur la perversion, malsain à souhait, comme on les aime à Sueurs Froides !


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà

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