Empty room

Un texte signé Philippe Delvaux

Japon - 2001 - Toshiki Sato

Sachiko, jeune femme japonaise, est mariée à Kuroda, salaryman typique. Elle est insatisfaite de son mariage car les problèmes de dos de son mari l’empêchent d’honorer son devoir conjugal ou même de participer à toute autre activité que les cuites rituelles post-bureau des employés japonais. Errant dans son immeuble, elle pénètre dans un appartement vide où elle entend à travers la cloison les halètements d’une voisine en pleine jouissance. Survient alors Ishii, le mari de cette dernière, trompé donc par sa femme, et qui se réfugie dans l’appartement vide pour écouter son cocufiage. Sachiko et Ishii nouent petit à petit une relation.
EMPTY ROOM, c’est l’appartement vide où se sont trouvés nos amants, c’est aussi une métaphore du vide affectif des couples et de la société japonaise. Une démarche relativement équivalente avait été entreprise il y a quelques années dans THE HOLE (Tsai Ming-liang, 1998). A la différence près que Sato développe son sujet en prenant le chemin du pinku.
Il ne tourne pas au hasard et sait, par sa mise en scène, souligner son propos. Pour preuve ce plan unique où la caméra filme en même temps le mari et sa femme dans deux pièces séparées par une cloison murale. Tout en symbole, à l’instar du travail similaire de Wong Kar Wai sur IN THE MOOD OF LOVE (encore lui) l’année précédente.
Les dialogues se mettent au diapason des intentions, jouant par allusions et sous-entendus de la volonté des protagonistes de s’engager à leurs tours dans une aventure extraconjugale :
[Ishii et Sachiko sont assis face à une rivière]
– Sachiko : « sauterais-tu à l’eau si je te le demandais ? »
– Ishii : « c’est dangereux »
– Sachiko « – je le ferais peut-être, parce que j’en ai envie »
– Ishii : « oui… il ne faut pas se mouiller mais je pense que je pourrais faire trempette. »
Plus tard, en écho, Kuroda (qui lui même se « noie » dans l’alcool et le travail) enfoncera la tête de Sachiko sous l’eau pour se venger de son infidélité. Le même Kuroda tombe en panne d’essence, réminiscence de sa panne érectile et de « l’arrêt » de son couple. De son côté, sa femme Sachiko se jette dans l’océan, se plongeant ainsi dans son désir.
Les personnages sont correctement typés : Kuroda, le salaryman exténué qui délaisse sa femme ; Sachiko en épouse frustrée ; Ishii le voisin chômeur qui souffre des infidélités de son épouse ; cette dernière en femme libérée, ne tenant aucun compte du devoir de fidélité et voulant vivre sa vie dans les bras d’un maximum d’amants. A cela vient s’ajouter une fille paumée, prête à se prostituer pour obtenir un toit pour une nuit. Le caractère archétypal de ce petit monde s’accorde bien avec la qualité symbolique du scénario. Quels que soient leurs choix ou parcours de vie (chômeur ou salaryman, femme au foyer, libertine ou SDF), tous souffrent d’une incapacité à nouer une relation saine.
Les décors reflètent eux aussi les intentions du scénario : l’appartement vide, le HLM standard, les murs verts (spécialement lors des scènes de sexe) donnant une impression maladive, de tristesse, dépressive.
Sans constituer un chef d’œuvre, EMPTY ROOM appartient à cette catégorie de films qui ont su traduire leur objectif en image.

Cliquez ici pour lire l’article sur Tokyo X Erotica


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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare

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