Enfer Mecanique

Un texte signé Vincent Trajan

Au beau milieu des 70’s, le road movie bat son plein dans les salles obscures du monde entier au travers de films comme LA BALADE SAUVAGE, LE CANARDEUR, LE CONVOI DE LA PEUR et bien d’autres…
Parmi les réalisateurs les plus en vue du moment, le jeune Steven Spielberg remporte tous les suffrages en 1973 avec une œuvre télévisuelle forte et dérangeante : DUEL, avant de briller sur la scène internationale avec LES DENTS DE LA MER dès 1975 puis d’enchaîner les succès commerciaux et artistiques à partir de 1977 (LA RENCONTRE DU TROISIEME TYPE, E.T., LES AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE…).
En ce milieu des 70’s, le talent du jeune Spielberg fait école puisque de nombreux metteurs en scène vont tenter de s’engouffrer dans son sillon à l’image d’Elliot Silverstein au travers de son film THE CAR (ENFER MECANIQUE dans la langue de Molière) sorti en 1977 sous la houlette d’Universal Pictures, un road movie horrifique qui emprunte allègrement aux univers de DUEL et de LES DENTS DE LA MER…

Santa Ynez. Utah. Une énorme berline noire roule à tombeau ouvert sur les routes désertiques de cette petite bourgade pour y semer la terreur et la mort parmi les habitants. Qui est le mystérieux conducteur de ce V8 monstrueux ? Comment arrêter sa sinistre entreprise ? Voilà les questions que se pose le Capitaine Wane Parent (James Brolin, le futur George Lutz d’AMITYVILLE de 1979) dans sa course poursuite mortelle contre cette machine infernale.
Pour la petite histoire, il est à noter que c’est George Barris, le concepteur de la Batmobile dans la série BATMAN dans les 60’s et de K2000 qui s’est chargé du macabre design de cette voiture…

Avec ce scénario aussi fin que du papier à cigarettes concocté à six mains par Michael Butler, Dennis Shryack et Lane Slate, Elliot Silverstein va nous servir un vrai film “de monstres” sans concession à la sauce road movie, tout simplement imparable, dans la mesure où ENFER MECANIQUE laisse la part belle à une impressionnante voiture, une Lincoln Continental Mark III de 1971, véritable engin de mort peu enclin à laisser des survivants sur son passage.
Ainsi, malgré quelques petites errances scénaristiques et techniques (notamment dans le montage où les erreurs sont légion), Elliot Silverstein insuffle pas mal de rythme à l’ensemble avec ses prises de vue très brutes (limite crades), auréolées par une photographie chaleureuse de Gerald Hirschfeld dans le décor naturel du Glen Canyon dans le parc national de Zion, en plein milieu de l’Utah.
Du côté des comédiens, James Brolin tient le haut du pavé grâce à une prestation bien maîtrisée dans son rôle de flic de petite ville plutôt tenace et pétri de doutes. Mais le tour de force d’ENFER MECANIQUE c’est de parvenir à faire de la mystérieuse voiture, un personnage central du film (à l’image du camion dans DUEL) en plus d’être un danger perpétuel qui peut surgir à tous moments (comme le requin des DENTS DE LA MER…). Et à ce petit jeu-là, Elliot Silverstein va se faire un plaisir de mettre la berline en avant là où on ne l’attend pas forcément (l’attaque de la maison de Lauren, la voiture garée dans le garage de Wade…) et se payer le luxe de faire quelques plans en caméra subjective à l’intérieur même du véhicule infernal (à l’inverse de DUEL…) histoire de donner une atmosphère étrange à son œuvre.
Qui plus est, le réalisateur a la bonne idée de ponctuer les interventions du mystérieux engins de morts par des coups de klaxon sinistres, qui donnent une forte identité sonore à ce monstre d’acier (on pense ici au deux célèbres notes de la musique des DENTS DE LA MER qui annonce l’arrivée du requin blanc) et qui marquent le spectateur…

Mais qu’on ne s’y trompe pas : malgré toutes ces incartades sur les terres du sieur Spielberg, ENFER MECANIQUE reste un film nerveux sans temps mort qui laisse pas mal de place à l’action grâce à une ambiance qui oscille entre thriller (mais qui est le conducteur de cette berline ?) et côté horrifique ténu (la voiture est-elle une entité diabolique comme le laisse penser la scène finale… ?).
La finalité de cette direction artistique portée sur l’entertainment, c’est qu’on ne s’ennuie pas un seul instant devant la course poursuite haletante entre le Capitaine Wade Parent et cette Lincoln Continental. Mieux encore : le film arrive à transcender son sujet simpliste (une voiture qui roule toute seule…) pour en faire un métrage horrifique assez prenant, un peu à la manière de CHRISTINE quelques années plus tard…
Parfaitement ancré dans son époque des 70’s au pays où la voiture est reine dans une société de consommation à outrance, l’œuvre est sans concession et témoigne d’une volonté réelle d’en mettre plein les mirettes, quitte à sombrer parfois dans le sadisme à l’ancienne, à l’image de la scène des cyclistes ou des enfants…

En fin de compte, malgré un traitement très télévisuel et un scénario qui lorgne manifestement trop vers les films de Steven Spielberg (DUEL et DES DENTS DE LA MER, donc), Elliot Silverstein signe une série B horrifique nerveuse qui se laisse (re)voir et ce, même si le long ne restera sans doute pas dans les annales du cinéma avec un grand “C”.
ENFER MECANIQUE fait donc partie de ces road movie chaleureux et généreux des 70’s qui, même avec un budget relativement étriqué, porte sur ses épaules un univers ô combien attractif grâce à un parti pris ouvertement décomplexé… Ah ! C’était l’bon temps, ma p’tite dame !


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- Article rédigé par : Vincent Trajan

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