Enquête dans l’impossible (1974) – Thriller haletant

Un texte signé Sophie Schweitzer

ENQUÊTE DANS L’IMPOSSIBLE part d’un fait divers tragique pour dresser le portrait d’une police impuissante et d’un pervers narcissique effrayant.

Dayton, USA, 1968. La disparition d’une jeune femme, Barbara Ann Butler, est signalée par son amie. Quelques heures plus tard, son corps est découvert sur le parking d’un supermarché. La police soupçonne assez vite un pervers étant donné l’état dans lequel son corps a été retrouvé. Même si la jeune femme a été tuée dans un lieu public, l’enquête piétine et les inspecteurs ne trouvent aucun indice ni aucune piste sérieuse. Désespérés, ils se tournent vers un médium prétendant avoir des visions du meurtre.

Comme beaucoup de cinéastes, Frank Perry (LE PLONGEON, DERNIER ÉTÉ) s’inspire d’un fait divers surnommé THE GIRL ON THE VOLKSWAGEN FLOOR évoqué dans le livre de William A. Clark qui décrit l’affaire que le réalisateur adapte. À la façon d’un THE TOWN THAT DREADED SUNDOWN de Charles B. Pierce qui sortira deux ans plus tard, ENQUÊTE DANS L’IMPOSSIBLE adopte le point de vue de la police et cherche à rester au plus près des faits, choisissant ainsi une approche crédible.

Ce qui est passionnant dans les films policiers de ces années-là, c’est de constater à quel point les enquêtes étaient compliquées à cette époque, particulièrement face à des tueurs psychotiques. Sans la recherche ADN et le profilage que le FBI mettra des années à construire, les inspecteurs ne peuvent guère faire appel aux techniques habituelles. C’est donc l’impuissance de ces policiers que la caméra va capter, mais aussi, la douleur de la famille de la victime. Leur poignant désespoir va les pousser à accepter qu’un médium intervienne.

Un enquêteur sous pression

Pourtant, Lee Tucker, détective à l’ancienne, est plutôt sceptique sur le sujet. Cliff Robertson ayant reçu un Oscar en 1969 pour son rôle dans CHARLY prête ses traits au policier blasé, mais entêté qui refuse d’abandonner l’affaire et finit par collaborer avec cet étrange médium. Ce dernier est campé par l’incroyable Joel Grey, lui aussi détenteur d’une statuette pour son rôle dans CABARET. Petit et gringalet, il tranche avec le physique imposant des policiers, un physique dont il va jouer évidemment pour susciter le trouble puis le malaise autant chez les inspecteurs que le spectateur. Bien sûr, c’est surtout ses expressions faciales qui sont notables, jouant avec les émotions et laissant de plus en plus le malaise s’installer.

En effet, le spectateur comme le détective, sera sans cesse partagé entre l’espoir que le médium dise la vérité et le soupçon qu’il soit au mieux un charlatan, au pire, l’assassin se jouant de la police. Toute personne s’étant intéressée à la psychologie des tueurs en série sait que ces derniers aiment provoquer les inspecteurs en charge, voire enquêter sur leurs propres meurtres ! Cet abominable soupçon s’insinue, sans pourtant qu’aucun indice ne permette de l’affirmer avec certitude. Le film joue avec la frustration du spectateur comme avec celle de son héros. Dès lors, les mimiques de Joel Grey n’en sont que plus irritantes et le spectateur n’en comprend que mieux l’agacement du détective prêt à sombrer dans la folie.

Le médium aide-t-il vraiment la police ?

Le film doit également beaucoup à l’entourage du personnage principal. Son adjoint candide et maladroit n’est pas toujours d’une aide précieuse, mais son caractère sympathique apporte une bulle d’air frais. Le journaliste sceptique, la femme pragmatique et puis les experts à qui il va faire appel pour tenter de résoudre l’affaire, l’empêchent de céder à la folie qui le menace. Mention spéciale au prof d’université qui n’est pas sans rappeler le personnage de Bill Murray dans Ghostbuster. Mais tous ces protagonistes sont aussi le reflet de l’incapacité du système à l’aider dans cette enquête, eux aussi sont impuissants et démunis.

Tout le sel d’ENQUÊTE DANS L’IMPOSSIBLE se trouve dans la relation qui se noue entre l’inspecteur et le médium. Il y a tant de scènes jouant sur le malaise qui perdure du fait de l’espoir d’attraper l’assassin qui rapproche le métrage d’un thriller sans pour autant en adopter totalement la forme. Le film de 1974 demeure fidèle au genre policier, cherchant à rester au plus proche du réel et du fait divers dont il s’inspire. Cela lui confère plus de nuances, mais surtout un réalisme qui rend le film d’autant plus puissant, particulièrement avec son final.