BIFFF 2016review

Enragés

« Après un braquage qui a tourné au carnage sanglant, 4 malfrats prennent la tangente à bord de leur bagnole. Mais le cortège de flicailles ne se fait pas attendre en apprenant qu’un des leurs est resté sur le carreau, et leur colle au train, toutes sirènes hurlantes. Obligés de passer au plan B, nos voyous abandonnent la voiture et tentent de se fondre dans la masse d’un centre commercial. Une idée qu’elle serait bonne si l’un d’entre eux ne jouait pas à l’escargot, laissant une traînée de bave sanglante derrière lui. La panique générale pousse l’équipe à envisager un plan C : une prise d’otage afin de se tirer de ce guêpier, et c’est une jeune femme fraîchement mariée qui décroche la timbale. Complètement aux abois, nos gangsters enragés vont se retrouver à pinces, cernés par les forces de l’ordre qui resserrent méchamment l’étau autour d’eux. L’heure du plan D a sonné et nos salopards finissent par embarquer de force dans la Volvo familiale d’un père de famille qui passait dans le coin. Détail qui risque de ne rien arranger : ce dernier était en train d’amener sa fille à l’hôpital pour une transplantation d’urgence… » (résumé par le BIFFF).

Quoique régulièrement tenté, le thriller à la française ne compte, en dehors des films d’Olivier Marshall, que trop peu de films forts.

Petit retour dans le temps : en 1974, Mario bava tourne CANI ARRABBIATI (« LES CHIENS ENRAGÉS » pour son titre de diffusion tv française), un film de prise d’otage comme il s’en est tourné quelques autres (au hasard, LA MAISON AU FOND DU PARC, ou les rape and revenge type CRIME À FROID, LE DERNIER TRAIN DE LA NUIT, LA DERNIÈRE MAISON SUR LA PLAGE) dans cette Italie troublée de cette décennie.

Mais des problèmes de droits émergent et le film reste inédit… pendant fort longtemps puisqu’il faudra attendre la fin des années ’90 pour qu’ils soient enfin exhumé. Ainsi, le Brussel International Fantasy, Fantastic, Thriller and Science-Fiction Film festival (BIFFF) le programmait-il en 1997. 19 ans plus tard, le même festival met à l’affiche son remake franco-canadien, ENRAGÉS.

Le remake est un exercice périlleux, qui fâche souvent les amoureux de l’œuvre originale, sans toujours trouver grâce aux spectateurs neutres, pour qui le titre n’évoque rien. Disons le tout de go, ENRAGÉS fait partie des réussites du genre.

La cavale nihiliste de nos quatre (et rapidement trois) malfrats et de leurs otages reste aussi captivante dans l’itération 2015 que dans son modèle de 1974-1997.
La réussite tient bien entendu à un script en béton, qui exige une mise en scène au couteau pour qu’aucun épisode de cette odyssée sanglante ne relâche la tension. Et l’évocation du mythe grec n’est pas ici fortuite, le final se déroulant (n’ayez crainte, ce n’est pas un spoiler) le long d’un lac frontière qui n’est pas sans évoquer un Styx où Achéron aurait fortement augmenté son tarif.

Les amateurs de twists – et qui n’ont pas vu le Bava – seront aux anges d’une surprise finale parfaitement amenée (suivez bien les petites phrases) et d’une implacable noirceur.

ENRAGÉS illustre son propos sans déférence excessive envers le passé, mais en conservant quelques touches allusives, telle l’emploi de filtres rouges qui nous renvoient aux expériences colorimétriques qu’a tenté par le passé Mario Bava, ou par une très belle musique discrètement référentielle, signée Laurent Eyquem.

A la réalisation, Eric Hannezo dont c’est le premier film. Yannick Dahan (LA HORDE) l’a co-scénarisé. Au casting, des acteurs renommés, mais qu’on ne croise que rarement dans du cinéma de genre (Virginie Ledoyen), mais aussi les plus « bis » Laurent Lucas (CALVAIRE, ALLÉLUIA, LEMMING, HARRY, UN AMI QUI VOUS VEUT DU BIEN…) ou Lambert Wilson (MATRIX RELOADED et MATRIX REVOLUTION, CATWOMAN, DANTE 01).

ENRAGÉS a été sélectionné pour une séance spéciale à Cannes 2015. Il est ensuite sorti en salle en France le 30 septembre 2015 et a tourné dans de nombreux festivals, dont le 34e BIFFF.

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