Erèbe ou les Noirs Paturages

Un texte signé Patryck Ficini

Grande-Bretagne - 1984 - Hutson Shaun
Titres alternatifs : Erebus

Pour les cinéphiles gore du monde entier (enfin, ceux qui ont lu son nom au générique), il restera l’auteur à l’origine de ce bon petit film hispano-américain de Juan Piquer Simon, SLUGS.
Pour les Anglais, il est le Parrain du Gore… ou le Shakespeare du Gore, au choix !
Shaun Huston, né en 1958, est aussi connu par les fervents adorateurs de la défunte collection GORE (au Fleuve Noir) comme étant l’un de ses romanciers anglo-saxons les plus traduits avec l’Américain Richard Laymon. Des traductions souvent charcutées, largement amputées d’un grand nombre de pages pour aboutir au calibrage des 150 pages imposé chez GORE.
Parmi ses meilleurs bouquins sortis en France, citons LA MORT VISQUEUSE 1 et 2 (sorte de piratage génial des RATS de James Herbert avec un tout autre animal) et LES FOUILLES DE LA PEUR, au final noirissime. Après la vague des années 80, plus rien jusqu’à deux nouveaux bouquins, des thrillers, chez BRAGELONNE, LETTRES MORTES et NEMESIS.
Oeuvrant dans différents genres (horreur, thriller, western, guerre), Shaun Hutson est aussi un grand fan de football et d’Iron Maiden. D’ailleurs, le Britannique a écrit une nouvelle plutôt moyenne qui rend hommage au MODELE DE PICKMAN lovecraftien… et à son groupe favori. Les peintures du bon Derek Riggs qui illustrent les pochettes du groupe de metal seraient en fait réalisées elles aussi « d’après nature ». Et la mascotte-zombie Eddie existerait donc bel et bien !

EREBE OU LES NOIRS PATURAGES a sans doute bénéficié d’une bonne traduction, étant le seul GORE grand format publié. 250 pages, soit 100 de plus qu’à l’accoutumée. Il semblerait que le roman se soit mal vendu à l’époque, la faute à une mauvaise distribution et à un prix trop élevé. La faute aussi à l’une des couvertures les moins inspirées de Dugévoy ?

Le directeur de la collection Daniel Riche, dans LE BEL EFFET GORE de Jean-Philippe Mochon, estimait que Hutson écrivait « comme un pied » et que les adaptations du Fleuve Noir lui rendaient plutôt service. En l’état, EREBE est plutôt bien écrit, même si des scènes sont trop étirées et auraient gagné, effectivement, à être coupées, voire supprimées… par l’auteur lui-même et pas par un quelconque traducteur/adaptateur, pour des raisons éthiques évidentes.
Ces réserves faites, réjouissons-nous de découvrir un GORE uncut de Shaun Hutson, pour une fois ! (Rassurons les fans : en général, ce n’étaient pas les scènes gore qui étaient sucrées au passage !)
EREBE est un roman de contamination. Une maladie se propage par de la viande. Les consommateurs, animaux et humains, deviennent des vampires assoiffés de sang. Hutson base son roman sur une catastrophe alimentaire déclenchée par la malhonnêteté imbécile d’une multinationale. En extrapolant largement, on pensera à la Vache Folle, quelques années plus tard.
En matière de vampirisme, Hutson aborde le thème par l’aspect médical : celui de la célèbre porphyrie, la maladie qui serait peut-être à l’origine du mythe des suceurs de sang.
Enfin, tout cela n’est qu’un prétexte à un déferlement de scènes violentes et sanglantes, toutes bien fichues (citons seulement le pénis arraché pendant une fellation, une pratique décidement à haut risque pour les personnages masculins de l’horreur !). Les Infectés errent partout à la recherche de leurs proies. Les animaux se dévorent entre eux (dans une scène cruelle, le fermier héros du livre les abat un par un), les humains malades craignent la lumière du jour et se regroupent pour attaquer.
On en aura connu des films d’Infectés depuis THE CRAZIES de George Romero. Certains y voient une simple variante aux films de zombies tant les deux genres sont proches. C’est sans doute vrai. Lire un roman du genre est plus rare et c’est donc bien agréable. EREBE a très bien vieilli ; il est même encore d’une brûlante actualité thématique.
Bien sûr, le couple de protagonistes est un cliché sur pattes (lui, le beau fermier ; elle, la superbe journaliste intrépide, voilà pour le sexe et la romance !), la machination ourdie par la mulltinationale avec le soutien de l’armée britannique pour étouffer l’affaire en coupant le village victime du reste du monde est un peu grosse… Nous le reconnaissons volontiers, tout cela est bien lourd mais malgré tout agréable et d’un certain intérêt. La preuve ? On sort de là en ayant envie de lire d’autres Hutson, le disciple extrême de James Herbert (FOG est quand même meilleur que EREBE, qui lui répond une nouvelle fois !)
Dans EREBE, personne n’est épargné…


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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