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Exit humanity

1870, dans l’état du Tennessee. La guerre de Sécession est terminée depuis peu et un nouveau fléau menace le pays : des attaques de zombies s’y propagent de façon inquiétante. Edward Young, un ancien soldat, vient de perdre son épouse et son fils qu’il a dû exécuter avant qu’ils ne mutent ; prêt à se suicider, il se raccroche à un objectif, celui d’aller disperser les cendres de son fils auprès d’une chute d’eau qui symbolise pour lui un havre de paix qu’il devait faire découvrir à son enfant. Sur sa route semée de morts-vivants affamés, Edward rencontre Isaac qui lui sauve la vie ; en échange, ce dernier lui propose de faire équipe avec lui pour tenter de délivrer sa sœur. Celle-ci est prisonnière d’un groupe d’anciens soldats confédérés à la tête duquel se trouve le sanguinaire Général Williams qui, sous le prétexte de trouver un remède à la contamination, utilise la population civile pour mener toutes sortes d’expériences « médicales » qui relèvent de la barbarie…

Après une présence très discrète au cours des années 90, les zombies et leurs cousins les infectés ont accompli une véritable invasion cinématographique qui a débuté à l’aube des années 2000 avec 28 JOURS PLUS TARD (Danny Boyle, 2002) et RESIDENT EVIL (Paul W.S.Anderson, id.). Parmi les dizaines de titres dévolus à cette figure majeure du courant fantastique/horreur, on peut citer le dynamique remake du ZOMBIE (1978) de George A. Romero, L’ARMEE DES MORTS (Zack Snyder, 2004), le parodique mais respectueux SHAUN OF THE DEAD (Edgar Wright, 2005) ou le politique LAND OF THE DEAD (2005) du père fondateur du genre, George Romero. Les années qui suivirent ont vu le zombie ou l’infecté errer dans la plupart des genres (action, s-f, horreur mais aussi comédie voire film romantique ( !) avec le récent WARM BODIES de Jonathan Levine, 2013) et sous des formats divers : remakes, franchises, petits budgets (l’excellent THE DEAD de Howard J.Ford, 2010), blockbusters (le piteux WORLD WAR Z de Marc Forster, 2013) ou séries (l’incontournable THE WALKING DEAD initiée par Franck Darabont en 2010).

Issu du circuit indépendant, le réalisateur, acteur et producteur canadien John Geddes a fait ses premières armes avec un « survival » montagnard peu original (SCARCE, 2008) avant de s’atteler à ce plus ambitieux EXIT HUMANITY ; son troisième opus, HELLMOUTH, devrait sortir fin 2013. Son second long-métrage appartient au sous-genre peu connu du « weird western », c’est-à-dire et pour simplifier, un western infusé d’éléments fantastiques ou science-fictionnels dont le représentant le plus récent est le sympathique COW BOYS ET ENVAHISSEURS de Jon Favreau (2011). EXIT HUMANITY est donc une des rares tentatives cinématographiques d’agréger le western et l’horreur, à la façon des dispensables DEAD BIRDS (2004) de Alex Turner (même contexte historique mais avec une menace purement surnaturelle) ou UNDEAD OR ALIVE (2008) de Glasgow Philipps (un “zombie-western” lourdement comique).

La première partie du film est plutôt réussie dans sa description d’un univers en plein chaos et d’un héros mentalement plus mort que vivant dont la « quête » (retrouver le lieu utopique et tutoyer l’éternité) prend une dimension initiatique séduisante. Sa progression à cheval au travers de paysages dévastés et hantés par la menace des « morts qui marchent » se fait par le biais de courtes séquences au montage très cut dominées par les hurlements de rage d’Edward (convaincant Mark Gibson dont c’est le premier rôle au cinéma). Par son obstination presque animale, sa relation avec sa monture, avec la nature, par son besoin de solitude pour se reconstruire, le personnage évoque certaines figures emblématiques du western, celle de JEREMIAH JOHNSON (Sydney Pollack, 1971) en tête. Cette première partie retient également l’attention par son choix de multiplier les modes narratifs : la lecture en voix off du journal (trouvé plusieurs décennies après les faits) d’Edward Young et de brèves séquences animées (tirées des croquis du même journal) apportent au traditionnel récit en images une intéressante diversité des points de vue. Malheureusement, passé un assez prometteur premier tiers, le métrage va progressivement s’enliser dans la banalité d’un scénario plein de poncifs et de facilités et dénué du moindre effet de surprise ou de suspense (voir à ce titre la catastrophique séquence souterraine où les deux protagonistes parviennent sans mal à délivrer Emma, la sœur d’Isaac). Tout aussi regrettable, EXIT HUMANITY va ensuite brasser de façon superficielle toute une série de motifs et de tonalités appartenant à des genres bien définis ; c’est ainsi qu’après des emprunts plutôt habiles et bien digérés au western ou au « post-apo » (on sent l’influence de l’excellent LA ROUTE de John Hillcoat, 2009), le réalisateur ira piocher dans le mélo (les pénibles « flashes » du bonheur familial d’Edward, son idylle très mal écrite avec Emma…) et tentera de nourrir son film d’une fibre à la fois dépressive et contemplative sans parvenir à la faire exister vraiment. Trop hétérogène et manquant singulièrement de profondeur, EXIT HUMANITY souffre également d’une absence de rythme, les scènes bavardes semblant s’étirer tandis que les scènes d’action (les attaques de zombies, l’assaut mené par la troupe du Général Williams, le face à face/duel final) sont handicapées par un montage très peu dynamique. Si l’on ajoute à cela une gestion problématique de l’espace (le format Cinémascope est parfaitement inutile, les différents cadres, clos ou naturels, n’ont aucune ampleur visuelle…) et de nombreux défauts techniques allant de la scène sous éclairée aux nombreux faux raccords, on peut se demander si le film peut se voir avec plaisir néanmoins…La réponse tendrait à être plutôt affirmative pour peu que l’on passe outre la maladresse et le manque de souffle que l’on peut en partie attribuer à un budget anémique (environ 300 000 dollars). On retiendra pour ce qui concerne les aspects positifs de ce second long métrage un personnage de « sorcière » assez attachant interprété par la toujours charismatique Dee Wallace Stone (CUJO de Lewis Teague, 1983). On pourra aussi saluer la volonté du réalisateur de ne pas servir un « zombie-flick » de plus et d’avoir essayé de donner à son film une discrète dimension politique (le mort-vivant comme symbole d’un pays et d’une époque en pleine mutation) et mythologique lors d’une passionnante mais trop brève séquence expliquant les origines et les occurrences historique des zombies. Ambitieux mais plutôt raté…

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