Extrême Cinéma – L’Hôpital Et Ses Fantasmes

Un texte signé Vincent Trajan

- 2011

Et de treize ! Treizième édition du cycle Extrême Cinéma au sein de la Cinémathèque de Toulouse ! Cette fois-ci, la programmation de 2011 va cette fois-ci s’orienter vers le domaine hospitalier avec “L’Hôpital Et Ses Fantasmes”. “L’Hôpital Et Ses Fantasmes” ou comment offrir aux cinéphiles un espace de liberté et de découverte à la fois décalé, viscéral et ô combien intéressant…
Sur l’ordonnance du Dr Extrême Cinéma, de nombreux films comme BRITANNIA HOSPITAL, BUBBA HO TEP, FAUX-SEMBLANTS, LES YEUX SANS VISAGE, des documentaires (L’ORDRE ou OROZCO EL EMBALSAMADOR), des courts métrages (L’HÔPITAL DU CRIME, UN DELIRE HALLUCINATOIRE, MANDRAGORE…), une avant-première (THE THEATRE BIZARRE) et bien d’autres surprises (une séance de dédicace avec Jean-Pierre Putters – le créateur de Mad Movies, venu présenter son dernier livre “Ça L’Affiche Mal”-, un hommage à Jean Rollin en présence de sa famille)…

Mardi 15 novembre. 21 heures. Petit passage à la tente des premiers secours (la buvette, quoi) dans la cour, pour une perfusion houblonnée.
L’hôpital ouvre ses portes pour sa première consultation avec une soirée ciné-concert “Nip/Tuck 1900, Mix Médical”. Derrière cet étrange intitulé, la Cinémathèque de Toulouse a concocté pour ses spectateurs, un pot-pourri de diverses opérations médicales du début du siècle pratiquées par le Dr Doyen, un éminent médecin et accessoirement père des films de chirurgie – ils étaient initialement destinés à être montrés dans des colloques médicaux, avant de se retrouver étrangement dans des baraques foraines, pour la plus grande joie des amateurs de sensations fortes.

Au programme de ce soir : la séparation des sœurs siamoises Doodica et Radica (1902), quelques opérations sur la cavité crânienne (autour de 1900), ainsi que d’autres interventions chirurgicales peu ragoûtantes datant de 1905. Pour le coup, on comprend mieux la découverte des sacs à vomi sur chaque siège de la Cinémathèque. Délicate et charmante attention…
Seul moment de répit pour les âmes les plus sensibles : un documentaire de 1925 du Dr Laurent Leredde sur la syphilis, qui présentera cette terrible maladie du début du siècle, d’une façon très manichéenne mais volontairement explicite, et dont on retiendra sa conclusion pour le moins vieillotte : “Mariez-vous jeunes et faites des enfants sains” !

Chaque film muet sera accompagné en “live” par quatre musiciens : Frédéric Alstadt, Jean-Philippe Gross, Nicolas Esterle et Aymeric de Tapol qui amèneront une ambiance plus prégnante avec leur “musique improvisée et électro-acoustique qui mêlent les influences de l’extrême opposant le calme le plus méditatif au bruitisme le plus radical”, le tout à base de fréquences, de basses électroacoustiques et de larsens. Très éprouvant, mais force est de constater que la musique très bruitiste du quatuor apportera une dimension plus “stressante” aux diverses projections. Une manière habile de plonger le spectateur dans le monde angoissant des opérations chirurgicales et de ne lui laisser aucune porte de sortie…
Au final, malgré des images qui datent de plus de cent ans (!), le cinéphile s’est violemment retrouvé projeté dans l’univers réel du bloc opératoire, sous un prisme de vision en forme de miroir, le renvoyant indubitablement à la fragilité / mortalité de son propre corps…
Une première soirée sous le signe du scalpel… en forme de parfaite incision !

Mercredi 16 novembre. 16h30. Passage à la tente des premiers secours pour la perfusion quotidiennes. Service gériatrie. C’est BUBBA HO TEP (2002), le film de Don Coscarelli qui sera projeté en cette fin d’après-midi. Le métrage raconte l’histoire d’un Elvis Presley (Bruce Campbell) bel et bien vivant dans une maison de retraite et de son ami John F. Kennedy (Ossie Davis) aux prises avec une momie égyptienne venue aspirer les âmes des pensionnaires “par les orifices naturels”…
Derrière ce pitch ouvertement et volontairement barré, Don Coscarelli (PHANTASM, PHANTASM II, DAR L’INVINCIBLE…) va aussi s’attacher à dépeindre un Elvis vieillissant qui fait le point sur sa propre vie (sa carrière, sa famille… et même son sexe) et de son ami John F. Kennedy, persuadé d’être le véritable JFK. Une petite parabole légère mais aussi assez touchante sur la vieillesse, la déchéance (Elvis qui marche péniblement avec un déambulateur…), la dépendance et la solitude des personnes âgées dans les maisons de retraite…
Mais petit à petit, le réalisateur va imposer une ambiance fantastique avec l’arrivée de la mystérieuse momie dans la maison de retraite contrebalancée par des situations comiques et des dialogues qui font mouche. Et même si le film tient avant tout sur les épaules du duo Bruce Campbell / Ossie Davis, force est de constater que Don Coscarelli a maîtrisé son sujet de bout en bout et a accouché d’un film fort, à la réussite indéniable.

18h30. Retour à l’hôpital avec BRITANNIA HOSPITAL (1982). Avec ce dernier film de la trilogie mettant en avant le protagoniste Michael Travis (Malcolm McDowell) après IF… (1968) et LE MEILLEUR DES MONDES POSSIBLES (1973), Lindsay Anderson fait un retour fracassant dans le début des 80’s avec BRITANNIA HOSPITAL.
Dans une Angleterre ravagée par une révolution sociale violente, les hautes instances du légendaire hôpital Britannia mettent tout en œuvre pour fêter son 500ème anniversaire et entament tous les préparatifs pour recevoir l’arrivée de la reine, tandis que de son côté, le professeur Milar (Graham Crowden) cherche à mettre un point un nouvel Homme, à la manière d’un Dr Frankenstein…
L’occasion idéale pour le journaliste Michael Travis d’enquêter sur les pratiques d’un l’hôpital Britannia tiraillé entre les revendications sociales de ses employés et la satisfaction des moindres désirs de ses patients les plus riches.
Réalisé en pleine période de crise sociale sous le régime de “la dame de fer” (Margaret Thatcher), BRITANNIA HOSPITAL va se poser comme une comédie noire politiquement incorrecte aussi corrosive que subversive (la reine d’Angleterre qui voyage dans un corbillard pour échapper à la foule en colère…).
Pour clôturer sa trilogie “Michael Travis”, Lindsay Anderson se pose là sous le signe de la revendication sociale, pour tirer à boulets rouges sur l’establishment anglais, sans concession aucune. Un véritable doigt d’honneur à la manière punk…

20h45. Service pédiatrie. LE MONSTRE EST VIVANT le film de Larry Cohen (LES ENFANTS DE SALEM, MEURTRES SOUS CONTROLE) à la manière d’un BRITANNIA HOSPITAL flirte avec le politiquement incorrect en tapant là ou ça fait mal : le sujet de l’enfantement. Franck et Leonore Davies un jeune couple s’apprête à l’arrivée imminente de leur premier enfant. Lors de l’accouchement, le nouveau né s’avère être monstrueux et particulièrement vindicatif, si bien qu’il tuera tout le personnel hospitalier présent dans la salle de travail avant de s’enfuir et d’être pris en chasse par la police !
Derrière cet entrée en matière plutôt brute de décoffrage, Larry Cohen va s’attacher à faire évoluer les personnalités de ses principaux personnages (la folie de la mère, le rejet du père) dont celle de l’enfant / monstre qui cherche à retrouver sa génitrice, tout en laissant entrevoir en filigrane le brûlant sujet de l’avortement, traité ici avec brio (le film a d’ailleurs reçu le prix spécial du jury lors du festival d’Avoriaz de 1975).
Mine de rien, LE MONSTRE EST VIVANT possède un cachet indéniable malgré ses presque 40 ans, et colle toujours à l’actualité d’aujourd’hui en mettant en avant la relation parents / progénitures et le difficile problème de l’anormalité chez les enfants…

22h30. Séance spéciale pour les parents avec le bien nommé PARENTS de Bob Balaban (1988) qui relate la vie en apparence tranquille de la famille Lamelle dans sa nouvelle maisonnette d’une petite ville tranquille des Etats-Unis dans les 50’s. En apparence seulement… car depuis quelques temps, le fils unique de Nick (Randy Quaid – MIDNIGHT EXPRESS) et Lily (Mary Beth Hurt – THE WALKER), Michael, soupçonne ses géniteurs d’être des mangeurs de chair humaine !
Derrière ce pitch assez simple, Bob Balaban va signer une satire corrosive de l’american way of life des 50’s en s’attaquant à la sacro-sainte famille américaine et à ses institutions (l’école, notamment). Ainsi, le jeune Michael, silencieux, renfermé et étrange, va s’enfoncer peu à peu dans une sorte de paranoïa dépressive au contact de ses parents – notamment lors des moments de repas, uniquement basé de viandes rouges – et chercher par tous les moyens à prouver leur penchant pour les mets à base de chair humaine tout en essayant de remplir au mieux ses obligations de petits garçons (obéir aux adultes, ne pas mentir, aller à l’école…).
Porté par un Randy Quaid à la fois extravagant et inquiétant, PARENTS va s’imposer comme une comédie horrifique parfaitement bien ficelée à la manière d’un soap (le générique final en est une belle illustration), cuisinant pas mal d’aspects différents, comme l’humour noir, le gore ou les passages oniriques. Une tambouille bien réussie, en fin de compte !

Jeudi 17 novembre. 18h00. Passage à la tente des premiers secours pour la perfusion quotidienne avant de faire un tour à la séance de dédicace de Jean-Pierre Putters, le légendaire créateur du magazine Mad Movies et d’Impact, venu ici présenter son nouveau livre “Ça L’Affiche Mal”, consacré aux affiches de cinéma faites main au Ghana, dans la droite lignée de l’esprit “mad” et de la série ZE CRAIGNOS MONSTERS…

18h30. Service Ambulance avec L’AMBULANCE, le film de Larry Cohen de 1990. Josh Baker (Eric Roberts) un dessinateur de comics tombe en pleine rue sous le charme d’une mystérieuse femme. Peu après, la belle est soudain prise d’un malaise et emmenée aux urgences par une ambulance. Josh décide alors de retrouver cette femme en se rendant dans tous les hôpitaux de la ville… mais elle semble n’avoir jamais été admise dans aucun service d’urgence ! Josh entreprend alors de mener son enquête et de prendre en chasse cette mystérieuse ambulance.
Derrière ce thriller horrifique, Larry Cohen va développer de nombreux ressorts comiques dans les relations entre les différents personnages : le jeune Josh interprété par Eric Roberts, le cynisme du lieutenant de police Spencer (James Eral Jones) et les théories du complot d’Elias Zacharaï (Red Buttons). Mélangeant donc thriller, action et humour, L’AMBULANCE reflète à merveille l’esprit déjanté des séries B des 90’s (le coupe de cheveux et les chemises d’Eric Roberts !) et réussit sans peine à s’imposer comme un bon petit film.

20h45. Avant-première de THE THEATRE BIZARRE, un projet composé de six segments réalisés par six réalisateurs différents : Richard Stanley (HARDWARE), Tom Savini, Douglas Burk (FAMILY PORTRAIT), Karim Hussein, Buddy Giovinazzo (COMBAT SHOCK) et David Gregory.
Présenté par Jean-Pierre Putters et Fabrice Lambot (producteurs du film avec David Gregory) en présence du réalisateur Richard Stanley (c’était sa troisième venue à la Cinémathèque de Toulouse après celles de 2004 et 2009), de l’actrice Catriona McColl (elle était aussi invitée l’année dernière pour l’hommage à Lucio Fulci) ainsi que de Scarlett Amaris (scénariste…et guide ésotérique !), THE THEATRE BIZARRE est une véritable ode au grand guignol des 60’s / 70’s, avec pour fil directeur de ces six squetches, l’horreur au travers d’une vision féminine…
Malgré ce point d’ancrage commun, les films vont mettre en avant des prismes de narrations différents : MOTHER OF TOAD de Richard Stanley aura pour toile de fond l’univers de H.P. Lovecraft, I LOVE YOU de Buddy Giovinazzo se penchera sur les difficiles rapports Homme / Femme, WET DREAMS de Tom Savinia traitera lui, de la vengeance d’une femme face (Debbie Rochon) face à un mari trop volage avec un humour second degré très marqué, THE ACCIDENT de Douglas Buck s’attachera à un aspect plus onirique via à la “découverte” de la mort par une petite fille après un accident mortel, VISIONS STAINS de Karim Hussein prendra un virage très audacieux (mais pas toujours bien négocié à cause d’une voix off qui tombe comme un cheveu dans la soupe…) en racontant l’histoire d’une jeune fille revivant la vie de SDF en s’injectant dans son œil le liquide oculaire de ses victimes, et le dernier segment SWEETS de David Gregory développe la fin d’une relation amoureuse sur un fond d’horreur.
Bref, loin d’être un patchwork artistique (même si la qualité des squetches n’est pas toujours uniforme), THE THEATRE BIZARRE rempli à merveille sa démarche grand guignolesque et reste un divertissement de haute volée dans la mesure où chaque réalisateur a su coller au mieux au fil directeur du projet tout en dévoilant des personnalités très intéressantes…

22h45. La morgue. La programmation de l’Extrême Cinéma à décidé de diffuser ce soir, le “shockumentaire” OROZCO EL EMBALSAMADOR (1996), le métrage de Tsurisaki Kiyotaka qui se propose de suivre la vie d’Orozco, un embaumeur de métier qui officie en Colombie, dans un quartier (très) pauvre de Bogota. L’homme a “travaillé” sur plus de 50000 “clients” depuis le début de sa carrière dans les 50’s, et se pose comme un petit artisan face aux marchands de la mort, plus enclins à s’occuper des familles plus riches…
OROZCO EL EMBALSAMADOR va donc montrer dans les moindres détails l’activité de cet embaumeur et ses rapports particuliers avec ses “pauvres trépassés” (dans tous les sens du terme…). Images chocs garanties !
Mais paradoxalement, on va peu à peu s’attacher à Orozco et à sa vie, en découvrant chez cet homme, un véritable respect pour les défunts sur lesquels il “travaille” et ce, malgré des scènes assez brutales et très crues, filmées sans artifice par Kiyotaka.
Bien sûr, on pourra toujours s’interroger sur l’utilité réelle d’un tel documentaire, souvent comparé à un ersatz “arty / bobo” de la série des FACE A LA MORT, mais il faut bien avouer qu’OROZCO EL EMBALSAMADOR dévoile une poésie rude, en mettant ainsi en scène le métier de cet embaumeur passionné au travers de ses corps à corps morbides.
Ceci étant, on regrettera parfois la complaisance de Tsurisaki Kiyotaka à filmer la misère sociale de ce quartier de Bogota et de s’attarder sur certaines images racoleuses (les jeunes enfants qui posent à côté des cadavres, les autopsies sur le trottoir…). Des scènes parfois choquantes, bouleversantes (l’embaumement d’un nouveau né…) terriblement réelle.
Un film qui remue les tripes !

Vendredi 18 novembre. 18h45. Passage à la tente des premiers secours pour la perfusion quotidienne. Salle 2. Quartier d’isolement. L’ORDRE (1973) de Jean-Daniel Pollet, un documentaire de 45 minutes va nous mettre devant les yeux le destin d’hommes et de femmes embastillés, malgré eux, sur l’île de Spinalonga, au large de la Crête. Leurs crimes ? Être lépreux.
Ainsi, de 1904 à 1956, la Grèce a parqué ses administrés malades qu’elle ne savait (voulait ?) pas soigner dans cette île, loin du regard de tous, dans le dénuement le plus total en attendant un éventuel rapatriement.
Le sociologue et cinéaste Jean-Daniel Pollet (L’ACROBATE) va partir à la rencontre de Raimondakis, un homme qui a passé 36 ans sur cette île et nous offrir, à la manière d’un uppercut, l’humanité du regard de ceux qu’on ne voulait pas voir, face à la monstruosité du regard de ceux qui ne voulaient pas les voir…
Porté par une réalisation très épurée, parfois même expérimentale, sans aucune musique – mis à part la voix monocorde de Jean-Daniel Pollet –, L’ORDRE va s’avérer être un film particulièrement prenant, touchant, révoltant et malgré tout, bigrement humain…

19h30. Le second documentaire de la soirée, L’HÔPITAL DU CRIME (1950) de Luigi Comencini (PAIN, AMOUR ET FANTASIE, LA GRANDE PAGAILLE…) va s’atteler quant à lui, à dépeindre l’univers de l’asile judicaire d’Aversa, dans la région de Naples au tout début des années 1950.
Le réalisateur va filmer les méthodes brutales de l’administration italienne (avec la photographie de MARIO BAVA), méthodes soit-disant “progressistes” pour l’époque, basées sur la violence et la ségrégation.
Pour sa quatrième réalisation, Luigi Comencini va accoucher ici d’un court documentaire dans lequel pointera un regard humaniste… mais aussi très ironique et cynique vis-à-vis de la société italienne d’alors.

19h41. UN DELIRE HALLUCINATOIRE, ce film scientifique d’Eric Duvivier de 1961 destiné à l’enseignement, va mettre sur pellicule les délires psychotiques d’un homme qui se croit persécuté, afin de montrer la manière dont se manifestent les délires psychotiques, et en particulier l’hallucination qui sera ici plutôt bien décrite. Eric Duvivier va s’attacher à mettre en avant l’exacerbation progressive des troubles du patient qui, au bout de six mois, vont aboutir à un “incident médico-légal” : l’agression d’un tiers dans un lieu public…

20h30. Clin d’œil au réalisateur Jean Rollin, décédé en décembre 2010.
Invité par deux fois dans le cadre de l’Extrême Cinéma (en 2002 et 2009), l’homme avait laissé un souvenir si attachant, que la Cinémathèque de Toulouse a décidé de lui rendre hommage au travers de documentaires (SI LA MERE SUPERIEURE SE COIFFE D’UN ENTONNOIR…, CLOVIS TROUILLE) et du film LE FRISSON DES VAMPIRES, présenté pour l’occasion par la propre famille de Jean Rollin (sa veuve et son fils), ainsi que quelques proches du réalisateur comme Daniel Gouyette (qui a travaillé avec lui sur la FIANCEE DE DRACULA et qui collabore activement au sein de la société d’édition Neo Publishing) ou le musicien Philippe d’Arma qui s’est chargé lui, de la musique de LA FIANCEE DE DRACULA, LA MEDUSE ou bien LA NUIT DES HORLOGES.

C’est le court-métrage LIBERTA, AGENT SECRET ANTI-MYTHE de Jean-Noël Delamare composé de photographie d’affiches de films sur lesquels va évoluer son héroïne LIBERTA au travers des images du cinéma populaire, et le documentaire de Daniel Gouyette SI LA MERE SUPERIEURE SE COIFFE D’UN ENTONNOIR… brossant un portait peu conventionnel de Jean Rollin, qui vont lancer les hostilités et nous faire (re)découvrir l’univers si particulier et vaste du metteur en scène français….

22h30. Avant la projection du mythique LE FRISSON DES VAMPIRES, un petit documentaire de 1971 d’Alain Joguet d’une dizaine de minutes viendra évoquer la vie du peintre Clovis Trouille, influence majeure de l’œuvre de Jean Rollin.
Si l’artiste n’a pas la même renommé d’un Picasso ou d’un Van Gogh, il n’en reste pas moins un peintre libre, contestataire, ouvertement antimilitariste et anticlérical qui a su remettre en cause le fonctionnement de la société, via une démarche plus tard saluée par des maîtres du surréalisme comme André Breton ou Savador Dali.
Brisé par la première guerre mondiale, Clovis Trouille n’aura de cesse de mettre en peinture des scènes burlesques, érotiques et des approches macabres voire même carrément blasphématoires. Un univers fantasque qu’on retrouvera souvent dans les films de Jean Rollin (il l’évoquera même explicitement dans LA FIANCEE DE DRACULA en 2002 ou dans ses livres)… qui aimait être parfois appelé “le Clovis Trouille du cinéma”. Une manière de boucler la boucle ?

22h42. L’hommage à Jean Rollin se poursuit ensuite avec la projection du FRISSON DES VAMPIRES de 1971.
Isa et Antoine, un jeune couple fraîchement marié vient rendre visite aux cousins d’Isa dans un petit village. A leur arrivée, on leur apprend qu’ils viennent de décéder la veille… Quelle ne fût pas leur surprise de les apercevoir la nuit-même, au sein de leur propre château !
Si LE FRISSON DES VAMPIRES n’est pas le film emblème de l’œuvre de Jean Rollin, il n’en reste pas moins une véritable curiosité en développant une trame très poétique d’une part (la scène d’intro en noir et blanc, la gestuelle des vampires, la mise en place de l’histoire toute en lenteur…) et un côté bougrement psychédélique de l’autre (notamment grâce à une musique psyché très floydienne et des couleurs très vives sur de nombreux plans).
Malgré les “écueils” – quasi obligatoires ? – inhérents aux métrages de Jean Rollin (le jeu des acteurs très amateurs, l’érotisme soft…), LE FRISSON DES VAMPIRES va faire montre du savoir-faire du réalisateur en optant pour un prisme de vision ouvertement expérimental (l’apparitions d’Isolde, la puissante vampiresse sortant d’une horloge ou bien les dialogues déjantés des deux cousins…), parfaitement encadré par la “patte” de Jean Rollin (le final sur la fameuse plage de Dieppe).
Bref, LE FRISSON DES VAMPIRES s’avérait donc être un choix judicieux pour rendre hommage à ce réalisateur hors-norme !

Samedi 19 novembre. Passage à la tente des premiers secours pour la perfusion quotidienne.
Salle de réanimation. 15h. C’est l’heure de LA FIANCEE DE FRANKENSTEIN de James Whale (1935). 4 ans après le premier volet FRANKESTEIN (1931), James Whale retrouve Boris Karloff pour donner une suite aux aventures de la créature en travaillant sur une vision plus artistique et poétique de façon à “humaniser” le monstre FRANKESTEIN.
Ainsi, au fil de ses différentes rencontres (le vieil ermite aveugle qui va lui apprend à communiquer, l’agressivité des villageois, la scène de découverte de la fiancée…), la créature va peu à peu développer des sentiments qui vont parfois le rendre plus humain…que les humains !
Pour autant, James Whale va aussi mettre en avant quelques trames humoristiques avec les mini-créatures du Dr Pretorius ou bien les apparitions truculentes et gouailleuse d’Una O’ Connor…
Au final, plus de 75 ans après sa réalisation LA FIANCEE DE FRANKESTEIN reste encore une œuvre artistiquement forte et subversive dans la mesure où peut y entrevoir le thème de la sexualité de la créature.

17h15. Hôpital militaire. LA TOUBIB DU REGIMENT (1976) de Nano Ciero. C’est La parenthèse nanarde du festival. Surfant allègrement sur la vague de la “bidassexplotation” des 70’s, le film na va pas briller par ses qualités techniques et son scénario fin comme du papier à cigarette bon marché, ni même par ses “gags” lourdingues. Mais la folie qui règne dans les tribulations “comiques” des bidasses se faisant porter pâle pour conquérir le cœur (la poitrine ?) de la belle doctoresse (Edwige Fenech) est tellement présente qu’il est difficile de ne pas passer un bon moment devant une telle déferlante de débilité assumée…

19h15. Chirurgie. Coupant avec la folie ambiante de LA TOUBIB DU REGIMENT, le film CAS DE CONSCIENCE de Richard Brooks (1950) va relater les aventures du docteur Ferguson (Cary Grant) et de sa femme Helen (Paula Raymond), partis en vacances dans un pays d’Amérique latine. A peine arrivés, les voilà amenés de force au palais présidentiel par des militaires. Le chef d’État, un dictateur nommé Raoul Farrago (José Ferrer), semble condamné à brève échéance par une tumeur au cerveau, à moins que Ferguson ne tente une opération de la dernière chance. Le chirurgien hésite, mais son sens du devoir le fait accepter. C’est alors que des opposants au régime enlèvent Helen et informent Ferguson qu’elle sera exécutée si le Président survit à cette opération…
C’est à partir de ce scénario que Richard Brooks va faire s’opposer l’ordre politique et la morale d’un côté, puis le dilemme entre la déontologie médicale de l’autre : doit-on sauver à tout prix un homme humainement condamnable ou peut-on le laisser mourir pour le bien de toute une nation ?
Construit comme un thriller bien ficelé, CAS DE CONSCIENCE va vite se placer comme un film engagé et redoutablement bien mené, grâce aux jeux d’acteurs Cary Grant / José Ferrer.

22h. Clôture du Festival Extrême Cinéma : c’est la nuit “la nuit détraquée” jusqu’à 8 h du matin. Au programme ce soir, un véritable marathon filmique avec IL ETAIT UNE FOIS LE DIABLE de Bernard Launois (le second nanard de la journée !), CLONK, un court métrage de Bertrand Lenclos, SOUDAIN LES MONSTRES de Bert I. Gordon, CALIBRE 9 de Jean-Christian Tassy, le mythique EVIL DEAD (Sam Raimi), AFTERMATH (Nacho Cerda), DOLOROSA (Christophe Debacq), MIASH (Sylvain Potel et David Uystpruyst), THE OPERATION, le tout entrecoupé de bandes-annonces…

Avec sa réputation nanarde, IL ETAIT UNE FOIS LE DIABLE de Bernard Launois (1985) était chaudement attendu par des spectateurs déchaînés (et déguisés). Et pour cause ! Le scénario va partir dans tous les sens puisqu’un zombi SS, va croiser une momie sortie d’un navire fantôme, un chat noir, tandis que “le cheval du diable” viendra hanter la population d’un petit village de Normandie. Le tout avec un montage fait à la hache et un jeu d’acteur… très particulier. Difficile donc de garder son sérieux devant ce IL ETAIT UNE FOIS LE DIABLE avec son lot d’amateurisme fendard et de ne pas tomber dans une douce euphorie !

A peine le temps de reprendre ses esprits, et voilà que déboule CLONK, le court métrage de Bertrand Lanclos, lauréat du Brutal d’Or 2010 du Festival Cinémabrut de Mouans-Sartroux. Malmenée par un réalisateur tourmenté, une équipe de tournage va se retrouver sur une île déserte à subir l’agressivité de ce tyran et basculer dans l’horreur.
Malgré un budget très restreint, Bertrand Lanclos va mettre les petits plats dans les grands pour mettre sur pied un film coup de poing, avec en toile de fond, un questionnement sur la soumission à l’autorité et l’effet de groupe, avec une belle prestation de Jacky Berroyer, en prime.

Plus tard, c’est à SOUDAIN LES MONSTRES d’être projeté. Le métrage de 1976 de Bert I. Gordon met en scène des animaux géants (en particulier les rats) devenus anormalement grands en absorbant une étrange matière oléagineuse mélangée à leurs aliments (“la nourriture des Dieux”). Comme de bien entendu, les monstres vont tout dévorer sur leur passage et se montrer extrêmement belliqueux…
Fidèle à son habitude, Bert I. Gordon va encore mettre en scène un film avec des animaux géants (il s’était déjà occupé du VILLAGE OF THE GIANTS, d’EARTH VS SPIDERS, ou bien L’EMPIRE DES FOURMIS GEANTES…) mais cette fois-ci avec beaucoup d’aplomb et énormément d’hémoglobine.
Evidemment, on ne peut pas dire que SOUDAIN LES MONSTRES se détachent des trames et des constructions des précédentes œuvres de Bert I. Gordon, mais force est de constater que ce métrage s’avère totalement décomplexé (décérébré ?) dans son rendu et ce, même si le message écologiste se veut prégnant puis dpijvpefiojbezzzzzzzzzzzZZZZZZZZZZZZZZZZ… (bon là, le sommeil a été le plus fort…c’est honteux !)

Au final, cette année encore, le Festival Extrême Cinéma aura tenu toutes ses promesses avec ce thème de “L’Hôpital Et Ses Fantasmes”. Avec cette programmation de qualité entre films cultes, subversifs, étranges, tapes-à-l’œil, comiques ou incisifs, la Cinémathèque de Toulouse aura su faire de cet évènement une véritable réussite pour le bon plaisir des spectateurs.
Et ça fait 13 ans que ça dure !

Un grand merci à toute l’équipe de la Cinémathèque pour son accueil et son sérieux


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- Article rédigé par : Vincent Trajan

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