Dying Godentretiens

Fabrice Lambot et Jean-Pierre Putters

D’ailleurs, qu’est ce qui vous fait dire que les nonnes sont des femmes plus fertiles que les autres ?
JPP : T’as raison mon cher John, les nonnes… Pourquoi des nonnes ? Ben, parce qu’il faut bien qu’elles en prennent aussi, y’a pas de raison. Et puis cela flatte nos instincts iconoclastes. En religion comme ailleurs l’incroyant doit partager ses intimes convictions, fussent-elles irrévérencieuses. On appelle ça l’œcuménisme. Mais non, pas le cul bénit !
FL : Plus simplement, on ne voulait pas que les victimes soient uniquement des prostituées. Il y a donc Steffie, la jeune femme enlevée par le monstre, qui n’est pas une prostituée, et donc cette jeune nonne, qui nous permettait de faire un hommage aux films de nunsploitation, et puis bon, de jouer un peu la provoc aussi.

Fabrice, vu les thématiques gore et cul développées dans le film, y a t’il eu de ta part une certaine retenue derrière la caméra, une forme d’autocensure ? Si oui, pourquoi ?
FL : Oui, car au bout de quelques jours de tournage, je me suis dit qu’il était peut-être trop risqué de jouer la carte cul et gore à fond, surtout avec le sexe de deux mètres de long du Kurupi. Comme l’a dit James Horan dans Fangoria, « quel distributeur va vouloir acheter un film avec un monstre qui a un sexe de deux mètres de long ? » donc je me suis aussi posé la question. Soit on la jouait Henenlotter et on faisait hyper crade, avec le risque financier que cela comprenait, soit on misait sur plusieurs tableaux en faisant un film plus classique mais avec quelques moments sexy et gore pour satisfaire les fans. Car c’est avant tout un film pour les spectateurs qui aiment ce genre de films.

Fabrice, en dehors de l’hommage bien évident au film de monstre 50’s (n’est-ce pas les metaluniens), on retrouve beaucoup des gialli de Martino et Dallamano, du Ferrara et du Sherman de la grande époque (pour le côté polar urbain poisseux)… Quelles ont été tes influences pour ce film ?
FL : Celles que tu mentionnes. Le giallo surtout !!! Je suis completiste sur le giallo, il m’en manque encore une trentaine, mais j’espère les avoir tous en DVD un jour, c’est un genre que j’adore. Il y a aussi l’époque bénie des premiers vidéo clubs où on louait en VHS les premiers Lustig, Ferrara, etc. C’est un peu le côté crade, très 42nd street de NY, que je voulais faire revivre dans ce film, ce que n’ont pas compris certains journalistes d’ailleurs qui s’en prennent à l’image du film, certes glauque, mais c’est voulu. Et puis bon, les films de monstres c’est absolument génial. Je déborde d’impatience à l’idée de découvrir Hellboy 2, le film de monstres ultime je pense !!!

Fabrice, ce qui m’a surpris, c’est l’ouverture du film qui tranche avec le côté référentiel aux 80’s, on y retrouve plutôt un style 90’s, façon Greengrass, avec beaucoup de caméra à l’épaule (il y a d’ailleurs beaucoup de plans de ce type dans Dying God); qu’en penses-tu ?
FL : Euh bon, faut pas déconner, on est quand même très loin de Greengrass et des millions dont il dispose sur ces films. C’est plus pour capter une ambiance à la Ferrara ou à la Lustig, à l’époque de leurs premiers films. Et puis également clairement une question d’urgence sur le tournage. Par exemple, pour la séquence de l’attaque de Lisa Douglas au début du film, on n’a pu faire que deux prises, à la va vite, car on était une trentaine de personnes à tourner au milieu de ce corridor, et les hurlements de l’actrice ont alerté les voisins qui ont appelé les flics et comme pour cette séquence on n’avait pas d’autorisation, on s’est fait virer manu militari. Donc on n’a que deux prises…

Comment s’est passé le choix des décors, qui sont, pour la plupart, très impressionnants ?
FL : Les décors sont tous des décors naturels, et ils sont le résultat des recherches d’Uriel Barros, de Buenos Aires Rojo Shocking, qui a fait un boulot remarquable à ce niveau, même si on était souvent sur le fil du rasoir avec certains décors qui plantaient au dernier moment et nous faisaient modifier le plan de tournage. Logistiquement ça a été l’enfer.

Comment avez-vous réussi à réunir un tel casting ?
FL : Encore une fois on s’est débrouillé seuls, Jean-Pierre et moi. Pour les rôles vedettes on a établi une liste des acteurs et actrices qu’on souhaitait. Jean-Pierre voulait impérativement Lance et Misty Mundae. Pour elle j’étais assez réticent au départ, et finalement ça a été. Pour le rôle de Sean Fallon, on a eu du mal, mais j’ai dit à Jean-Pierre que je connaissais un acteur américain que j’avais vu sur des conventions, qui avait une voix impressionnante et un look qui pouvait coller avec le rôle. James a accepté et s’est pointé au rendez-vous à LA avec le look qu’il a dans le film. En le voyant je me suis dit, cool j’ai mon Clint Eastwood à moi, comme les ritals, leurs spaghettis westerns, avaient des Hilton, Merli, etc.
JPP : Nous avions interviewé James Horan dans un numéro de Metaluna, notre magazine (trois numéros parus), ce qui crée des liens, ou pour le moins des contacts. Pour Lance, je tenais à une “gueule” connue, référentielle. J’adore cet acteur. Pour l’avoir avec nous, on s’est fendu d’un sixième du budget, environ. Maintenant, il ne rêve plus que de retravailler avec nous. Erin Brown, Misty Mundae pour les intimes, désirait changer d’image après une décennie à jouer les nymphettes effarouchées de séries Z horrifiques en nanars érotiques. Elle est émouvante dans Dying God, et je ne parle pas de ma préférée, Agathe de la Boulaye, fascinante dans ce rôle étrange de garde du corps d’Henriksen, avec ce regard d’oiseau de proie, qui me rappelle assez l’Elsa Lanchester de La Fiancée de Frankenstein. En les travaillant un peu au corps (euh…. oui !), nous sommes arrivés à respecter à peu près le budget prévu.

Etait-ce facile de travailler avec tous ces interprètes ?
Comme je l’ai dit avec James Horan ça a été parfois difficile. Il se demandait un peu où il débarquait et s’attendait à ce que Buenos Aires soit aussi dangereux que Medellin. Il jouait un peu de son côté cow-boy, et surtout on a eu quelques divergences sur le personnage. Pour Jean, mon co-scénariste, Sean Fallon était un type usé qui s’était fait jeter par sa femme car il ne pouvait pas lui faire d’enfants. Il y a des références à cela dans le film. Pour James, c’était hors de question qu’on joue avec sa virilité. Il préférait que son personnage soit devenu aussi sombre à cause du meurtre de sa femme (que l’on a tourné et qui se trouve dans les scènes coupées du DVD, mais dès le début je savais que je ne cèderai pas). Mais bon, dès l’arrivée de Lance sur le tournage James s’est senti mieux et ça a roulé.
Erin Brown (Misty Mundae) est quelqu’un de très difficile à contacter, encore actuellement, c’est vraiment une bohème qui a en plus de très importants problèmes dans sa vie personnelle, mais elle est super sympa. En plus elle adore le métal et des groupes comme Black Sabbath, comme moi, et puis elle aime bien boire un verre de vin et déconner, donc c’est quelqu’un de bien.
Lance Henriksen est une crème. Je n’ai pas assez de mots pour décrire à quel point ce mec est cool. Il m’a encore envoyé un email hier soir, c’est quelqu’un d’une gentillesse incroyable, humble, hyper pro, solidaire, super talentueux évidemment, et qui ne se la pète pas une seconde. C’est lui qui m’a conseillé de prendre Agathe de la Boulaye pour faire le rôle d’Angel. En voilà aussi une de sacrée rencontre. Avec Agathe on a un univers en commun, fait de créatures fantastiques, de poésie et de gros éclats de rire. Avec Lance ils forment un duo comique inénarrable. Voir le making of du DVD pour ça. Elle aussi est vraiment adorable, et comme Lance je souhaite les avoir dans notre prochain film.
Au niveau des acteurs argentins, ils ont tous été formidables aussi. Victoria Maurette, qui fait la prostituée Ingrid, est une jeune actrice qui a déjà énormément d’expérience et plein de talents. Elle vient de sortir son premier album comme chanteuse et en tant qu’actrice elle a un gros potentiel, d’autant qu’elle est super jolie.
Enrique Liporace est inconnu ici, mais c’est l’un des plus grands acteurs argentins. L’équivalent d’un Pierre Arditi ou François Berléand au niveau notoriété. Il avait déjà joué dans mon court Le Sang du Châtiment et je le voulais impérativement dans Dying God.

Avez-vous le souvenir de quelques anecdotes de tournage croustillantes ?
FL : Oh là là, il y en a plein. L’une des plus cool est qu’un soir, nous avons eu un énorme orage. Et avons donc pris du retard. Eh bien Lance, plutôt que de retourner dans sa caravane où à l’hôtel à la fin de ses prises, est resté pour filer un coup de main pour démonter les lumières et permettre à l’équipe de rentrer plus vite chez elle. Ça montre à quel point c’est un seigneur. Après, des anecdotes rigolotes, il y en a à la pelle, Lance prenait un malin plaisir à se cogner dans tout ce qui bouge avec son fauteuil roulant, pire qu’un gosse !!!
JPP : Et tu oublies ce vache de camion, dans les premières scènes, qui n’a jamais voulu démarrer. Du coup, il fait vroum vroum hors champs avec beaucoup de conviction, certes, mais sans rouler le moins du monde. Tout dans la simulation. Quel acteur !

Quels sont vos projets ?
FL : On a deux projets à court terme. The Entombed, un long que je réaliserai, une histoire de fantômes très émouvante. Et puis The Broken Imago, de Douglas Buck, que nous produisons et pour lequel nous venons de tourner un teaser en 35mm.
JPP : Nos projets ? Dans l’immédiat : récupérer les fonds investis sur Dying God pour rejoindre au plus vite les créatures évoquées plus haut qui commencent à se languir de nous depuis le premier paragraphe. Très bien, Jennifer, je dis au revoir au monsieur et j’arrive…

Share via
Copy link