retrospective

Fascination

Dès le milieu des années 70, Jean Rollin commence à tourner ses premiers pornos alimentaires. Il enchaîne, sous le pseudonyme de Michel Gentil, plus d’une dizaine de titres entre 1974 et 1978, année durant laquelle il retourne au cinéma classique avec LES RAISINS DE LA MORT. Dans cette pelloche écolo avant l’heure il impose une actrice venue du X, Brigitte Lahaie, elle y fait une apparition qui renvoie directement à Barbara Steele dans LE MASQUE DU DEMON (Mario Bava-1960). Il va en faire une icône dans sa bobine suivante, l’affublant d’une cape noire et d’une faux elle est, l’espace de quelques plans mémorables, l’incarnation la plus « bandulatoire » qui soit de la Mort. Ce film s’appelle FASCINATION…

Au début du XXième siècle, on se soigne de l’anémie en ingurgitant du sang de bœuf. Ainsi, la haute société, dont ses plus belles représentantes, se réunit dans des abattoirs glauques à souhait pour boire « à même la bête » ! Nos comtesses de Bathory en goguette décident de former une secte autour de ce plaisir pervers qu’elles semblent affectionner. Elles se réunissent une fois par an dans un somptueux château pour s’adonner aux délices de la chair avec un beau jeune homme. C’est alors que Marc, un bandit d’honneur en cavale, trouve refuge auprès de ces drôles de dames…

FASCINATION est un film injustement boudé qui ne rencontre que peu d’échos auprès de la critique (y compris de celle qui ne conspue pas la « rollinade »), il est pourtant l’une des plus grandes réussites de son auteur. Le dadaïste de Neuilly-Sur-Seine s’inscrit immédiatement dans les pas de Georges Franju avec une introduction superbe au sein d’un abattoir qui renvoie au SANG DES BETES (1949). Le générique qui voit deux superbes succubes valser au son d’un gramophone sur le pont d’un château frappe le spectateur par sa poésie. Et tout s’enchaîne comme par magie dans ce long-métrage. Même les scènes érotiques, souvent gratuites chez le Sieur Rollin, s’intègrent pleinement au développement de l’intrigue. Le parcours de Marc, disciple dandy de Jules Bonnot, perdu au pays des merveilles (et quelles merveilles : Brigitte Lahaie, Franca Maï et toutes leurs copines) est fascinant de bout en bout.

Marc est interprété par le bellâtre Jean-Marie Lemaire, un habitué des seconds rôles qui a œuvré dans un grand nombre de polars hexagonaux. On peut l’apercevoir dans l’efficace LE BAR DU TELEPHONE (Claude Barrois-1980) qui marque la première apparition cinématographique de Christophe Lambert et Richard Anconina. Il joue également un gangster dans l’injustement méconnu POLAR (1984) de Jacques Bral d’après Jean-Patrick Manchette, une aventure du privé Tarpon ici magistralement campé par Jean-François Balmer.

Le casting féminin est composé en partie de « hardeuses » dont la première star du genre en France, la sculpturale Brigitte Lahaie. On aperçoit également Evelyne Thomas qui mettait déjà du cœur l’ouvrage dans PHANTASMES (1975) d’un certain Michel Gentil. La mignonette Fanny Magier, transfuge d’EUROCINE et Max Pecas est aussi de la partie, aux côtés de Muriel Montossé, future caution sexy de l’émission de café-théâtre labellisée FR3 : LA CLASSE. Plus intéressant se révèle être la présence de la vénéneuse Franca Maï, qui est aujourd’hui réputée pour son travail d’écrivaine (L’ULTIME TABOU).

FASCINATION constitue l’un des tout meilleurs films de Jean Rollin et certainement l’un de ses plus accessibles, il est donc conseillé aux néophytes mais aussi aux aficionados tombés sous le charme mortifère de la statuaire Brigitte Lahaie.

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