Festival des Maudits Films 2011

Un texte signé Alexandre Thevenot

Du 18 au 22 janvier s’est déroulée la troisième édition du festival des Maudits Films de Grenoble, tentative appréciable de montrer du cinéma de genre sur grand écran. La sélection de films était judicieuse puisqu’en quatre jours, elle permettait par son éclectisme de (re)découvrir des œuvres rarement visibles au cinéma, d’initier le néophyte au cinéma de genre et d’attirer un large public. Au fil des séances, la petite salle Juliet Berto s’est très bien remplie.

Mardi 18 janvier.
Si la première soirée réservée au cinéma de genre québécois n’a pas attiré beaucoup de monde, ce qui primait, c’était la découverte de courts-métrages méconnus et ne bénéficiant pas de promotion. La première sélection a permis de montrer la richesse et la diversité des films et des genres représentés au festival Fantasia de Montréal. Si la qualité était inégale, tous les films avaient cependant des qualités de mise en scène indéniables, et c’est ainsi que nous nous sommes laissés bercer par le rigolo KING CHICKEN de Nicolas Bolduc, le troublant A VIF de Cynthia Tremblay, l’hilarant FRINGALE NOCTURNE de Françoise Provencher parodie de NOSFERATU qui sortait aisément du lot, le curieux THE GREENS de Serge Marcotte, le parodique et « nationaliste » LES QUEBECERS VS ZOMBIES 2 de Louis Allard avant de terminer par DANSE MACABRE esthétiquement joli mais trop influencé par GENESIS de Nacho Cerda.
La deuxième sélection était consacrée à la scène horrifique féminine québécoise. Qualitativement au-dessus de la première sélection, nous avons pu découvrir HOLLYWOOD SKIN de Maude Michaud, un très beau film sur la folie d’une femme qui veut à tout prix mincir pour pouvoir réussir des auditions en tant qu’actrice. Ont suivis ensuite FANTASME d’Izabel Grondin, un excellent film sur la relation (phantasmée ?) entre un médecin et sa patiente, HERETIQUE d’Isabelle Stephen qui porte bien son nom, le parodique LE CYCLE INFERNAL où l’on suit le massacre d’une famille par une machine à laver tueuse puis SNUFF de Maude Michaud.
La deuxième partie de soirée était consacrée à COMING HOME d’Eric Falardeau et l’avant-première européenne de THEORIE DE LA RELIGION réalisé par Frédérick Maheux. Les films sont tout deux chroniqués sur Sueurs Froides.

Mercredi 19 janvier.
La séance du film de George Franju LES YEUX SANS VISAGES a attiré beaucoup de monde. Sur grand écran, le film déploie plus encore la puissance et la poésie de ses images.
Avec ce film, Franju met en tension deux éléments du cinéma pour montrer que le pouvoir de l’image s’exprime avant tout par la poésie qu’elle est capable de véhiculer : la poésie héritée des œuvres de Jacques Tourneur, de Jean Cocteau et les choses matérielles appartenant à un monde d’après-guerre comme la trivialité des enquêtes policières et la peur des expériences médicales.

Jeudi 20 janvier.
La journée a commencé avec la rencontre dédicace de Nicolas Stanzick, l’auteur du livre récemment réédité DANS LES GRIFFES DE LA HAMMER. Sans aller trop loin dans les détails et les réflexions, Nicolas a réalisé en quelques minutes une belle présentation de la firme Hammer, de ses débuts à son apogée et de cette période faste jusqu’à aujourd’hui. Cette rencontre précédait et permettait d’introduire la soirée Hammer.
Même si Nicolas Stanzick affirmait LES MONSTRES DE L’ESPACE (QUATERMASS AND THE PIT) comme étant un chef-d’œuvre de la Hammer qui condense beaucoup des thèmes et des genres qu’elle a abordés (cinéma gothique, cinéma de science-fiction, cinéma policier, etc), force est de constater que le film souffre de certaines longueurs et est beaucoup moins fort que le précédent opus de la série LA MARQUE de Val Guest (QUATERMASS 2) tourné dix ans plus tôt. En revanche, il reste esthétiquement très beau et dégage un charme certain.
Deuxième film de la soirée, LE CIRQUE DES VAMPIRES. Cette œuvre tardive de la Hammer (1972) renoue avec l’imagerie gothique qui a fait son succès. Le film mélange érotisme, vampire, surenchère visuelle et spectacle décadent avec une rare énergie, ce qui en faisait une curiosité à découvrir.

Vendredi 21 janvier.
Le classique PLANETE INTERDITE a su attirer du monde puisque la salle était pleine. La copie du film était d’excellente qualité, ce qui a permis de mieux apprécier l’imaginaire, le fourmillement d’inventivité et la poésie de l’œuvre qui transparaissent à chaque plan.
En deuxième partie de soirée fut projeté la poussiéreuse copie française (avec la scène de torture censurée) du SADIQUE BARON VON KLAUS de Jess Franco. Si l’histoire en elle-même n’est pas passionnante, nous avions là l’occasion de découvrir une œuvre très soignée du cinéaste, inspirée des serials et des films expressionnistes tant par la photographie, les cadrages et la musique.
Enfin la séance de minuit fut réservée à L’ATTAQUE DE LA MOUSSAKA GEANTE., une parodie Z bariolée de couleurs au kitsch assumé des vieux films de science-fiction américains. Drôle pendant un moment, le film finit par devenir répétitif car l’originalité des scènes ne se renouvelle guère.

Samedi 22 janvier.
La dernière journée du festival a commencé dans l’après-midi avec la projection de courts-métrages régionaux ou correspondant à l’appellation « maudits films » (des films qui se sont déjà vus refusés à des festivals).
Réalisé par de jeunes lycéens, LA MORT EST UNE PENSEE est un exercice de style bien exécuté aux influences carpenteriennes indéniables.
UNA PELI ROMANTICA de Camille de Rouville, en plus d’être drôle, présentait un propos intéressant sur le « comment réussir un film d’amour ».
Pourtant bien exécuté, TOURISTA de Mathieu Berton n’était qu’une énième bande-annonce grindhouse comme il s’en fait tant aujourd’hui.
HALLOWEEN -1 de Maxime Martin avait un certain potentiel avec son idée de conseil des élèves en opposition au conseil des professeurs. Malheureusement, l’ensemble ne convainc pas avec un final nullement à la hauteur de l’attente suscitée.
SAFARI de Pierre Reynard était une chasse à l’homme efficace et violente mais la façon de filmer épileptique nuisait à la compréhension de certaines scènes.
Film d’ambiance apocalyptique abouti, STRIPES de Youri Mignard-Meunier faisait un parallèle entre le déroulement d’une étrange émeute et l’aventure de deux hommes enfermés dans une petite épicerie en proie à un cannibale.
TOUS LES HOMMES S’APPELLENT ROBERT est le film qui fut le plus apprécié par le public. Reposant sur un ressort comique simple mais très efficace, on suit les pérégrinations d’un homme dans les bois qui, au lieu d’être chasseur, est chassé.
L’AMOUR A TROIS de Chiara Malta, aux images très soignées, abordait le thème de la grossesse avec douceur et originalité.
CARTA DE FRANCIA, réalisé par Diego Lopez, était certainement le court-métrage le plus ambitieux de la sélection en racontant le quotidien d’une mère et son fils en 1939 après la guerre civile espagnole.
Enfin le dernier court-métrage était ALL FLOWERS IN TIME de Jonathan Caouette, histoire facile et sans originalité d’une émission télé maléfique.
Comme pour les sélections de courts-métrages du festival Fantasia et des femmes réalisatrices québécoises, tous les films étaient convaincants par la qualité de leur réalisation.
Ensuite ce fut le temps de finir le festival par un hommage à Paul Bartel. Une fois encore, la salle était bien remplie pour voir LUST IN THE DUST, western parodique et déjanté qui raconte l’histoire d’une chasse au trésor. Pour en savoir plus, le film fait l’objet d’une chronique sur Sueurs Froides.
Enfin la dernière séance fut celle du film culte LA COURSE A LA MORT DE L’AN 2000, une façon de finir en beauté cette troisième édition du festival des Maudits Films. Voir le duel que se livrent Sylvester Stallone et David Carradine dans une salle de cinéma finit de prouver que les films de genre et/ou d’exploitation se doivent également d’être montrés sur grand écran.

Le Festival des Maudits Films de Grenoble sort peu à peu de sa confidentialité. Avec sa programmation de qualité et son aspect convivial, il a cette année eu beaucoup de succès. Cela devrait permettre de continuer. Espérons donc pour l’an prochain une quatrième édition riche en émotion comme cela fut le cas cette année.


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- Article rédigé par : Alexandre Thevenot

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