Franklyn

Un texte signé Philippe Delvaux

- 2008 - Gerald McMorrow
Titres alternatifs : Dark world
Interprètes : Ryan Phillippe, Eva Green, Bernard Hill, Sam Riley, Richard Coyle, Susannah York

A Meanwhile city, le rebelle masqué John Preest cherche à éliminer l’Unique, qui se trouve à la tête d’une mystérieuse organisation. Cependant, le Ministre et ses sbires capturent et enferment John quatre longues années avant de lui proposer de retrouver l’Unique, mais pour leur compte cette fois. De nos jours, à Londres, un vieil homme cherche son fils David qui semble avoir disparu. Le jeune Milo se remet difficilement de sa rupture. Alors qu’il était sur le point de se marier il retrouve Sally, une amie d’enfance envers qui il a toujours nourri de tendres sentiments. L’artiste conceptuelle et suicidaire Emilia règle ses comptes avec sa mère bourgeoise par des performances qui la conduisent régulièrement à l’hôpital. Quels sont les rapports entre tous ces personnages ?

FRANKLYN est une jolie tentative de narration complexe couplée à un travail graphique fouillé… mais qui au final échoue malheureusement.

En cause, la trop grande parenté du résultat avec quelques ancêtres parfois plus prestigieux et réussis. En cause aussi l’intrigue qui tarde trop à nouer les destins de chacun des personnages et qui ne fait s’épanouir sa trame thématique que bien trop tard. La rencontre de tous nos protagonistes à la dernière scène laisse dès lors une impression d’artificialité. N’est pas Alejandro Gonzalez Inarritu (AMOURS CHIENNES, 21 GRAMS …) qui veut.

On doit également déplorer un déséquilibre dans les sous intrigues, Meanwhile city ne concernant au final qu’un seul personnage.

Visuellement, le film bénéficie d’une solide direction artistique. Le design de Meanwhile city évoque à la fois Gotham City ou le DARK CITY d’Alex Proyas et, dans la foulée, les films néo-noirs, mais aussi les architectures torturées du néo gothique assez prisées par tout un pan du cinéma fantastique.

L’alternance entre le monde réel et celui, fantastique, de Meanwhile city, se trouve au cœur de certains films envers qui FRANKLYN doit sans doute beaucoup. En premier lieu, on renverra à TAXANDRIA (Raoul Servais) où la « ville de l’éternel présent » résonne en écho à la « cité de l’entre-temps » qui nous occupe ici. Les clergymans du ministère du second ont fait plus que repiquer les gibus des fonctionnaires du premier.

Mais le thème de FRANKLYN (qui ne nous est révélé qu’au final) renvoie plus directement à deux autres œuvres. Le méconnu MIRRORMASK (chroniqué dans Sueurs Froides PDF), dû au talent du dessinateur et animateur Dave Mc Lean était déjà une tentative de creuser les traumas par l’exploration de la fantasmatique et d’en reformuler ceux-ci par un travail graphique fouillé. Mais c’est certainement David Cronenberg qui s’impose ici comme figure tutélaire. L’explorateur de la chair s’est aussi régulièrement attardé sur l’esprit et la folie, parfois de manière très directe, au plus près de son sujet, comme dans le superbe et incompris SPIDER, parfois de manière plus distanciée comme la tout aussi superbe et tout autant incomprise adaptation de William S. Burroughs, LE FESTIN NU. L’interzone explorée sous l’influence de la drogue par le héros Burroughsien n’est finalement qu’une autre facette de Meanwhile city, une autre aliénation.

Pourtant, auparavant, FRANKLYN aura brouillé les pistes et nous aura longuement maintenu sur celle d’une descendance de l’œuvre de Terry Gilliam, doublement cité : Meanwhile city est une ville où chaque citoyen se doit d’adhérer à une religion, quelle qu’elle soit, aussi insignifiante puisse-t-elle être, ce qui nous vaut des scènes de prédication de rue toute droit sortie de LA VIE DE BRIAN (Monty Python). De manière plus globale, les autorités de Meanwhile city perpétuent l’absurde bureaucratique dénoncé par BRAZIL.

Pendant un moment, on se demande donc si le film entend nous emmener sur le chemin religieux : la croyance obligatoire de Meanwhile City, le nom du protagoniste (Preest résonne phonétiquement comme prêtre), l’architecture des cathédrales, etc. Mais en dépit de nombreux indices en ce sens, le thème n’est finalement que peu traité bien qu’il réapparaisse lors de la résolution lorsqu’on comprend où John a servi il y a quatre ans et ce qui a bien pu causer son traumatisme.

C’est donc d’aliénation dont il est question, de folie dont souffrent peu ou prou tous les intervenants. Hélas, si on comprend in fine le thème, on ne peut que constater que son traitement se soit égaré en cours de route et déplorer qu’il faille tant de temps pour relier les fils narratifs. Le film entendait travailler sur la corde du mystère mais se prend surtout les pieds dans celle de la confusion. FRANKLYN a été présenté au 27e Brussels International Fantastic Film Festival (BIFFF) devant une audience parfois bruyamment dubitative.


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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare

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