Fudoh the New Generation

Un texte signé André Quintaine

Japon - 1996 - Takashi Miike
Interprètes : Shosuke Tanihara, Kenji Takano, Marie Jinno, Tamaki Knemochi...

Takashi Miike fut remarqué en Europe grâce à FUDOH THE NEW GENERATION, un film tiré d’un manga de Hitoshi Tanimura. Avant que L’Etrange Festival ne décide de lui rendre un hommage mérité cette année, cet auteur anarchiste commençait à se faire un peu oublier dans nos vertes contrées, ce qui est paradoxal, car il fait partie des réalisateurs les plus prolifiques de son pays. En effet, Miike aligne les films les uns après les autres. Il en a réalisé huit lors de ces deux dernières années. Bien qu’œuvrant dans le cinéma d’exploitation auquel il apporte un véritable sang neuf, Miike n’en est pas moins un auteur. Ses bandes restent intelligentes et possèdent un style propre que l’on retrouve de film en film.

Takashi Miike quitte les études cinématographiques au bout de trois jours. Sa conception du cinéma est bien différente de celle enseignée dans ces écoles où le cinéma est avant tout un art. Les films de Miike peuvent être considérés comme de l’exploitation pure, mais il serait erroné de ne pas y voir autre chose.

La réussite de Miike pour FUDOH est sans conteste d’avoir trouvé l’équilibre entre l’irréa-lisme de certaines séquences et le classicisme de la trame scénaris-tique. FUDOH, dans ses grandes lignes, n’est en effet rien d’autre qu’un film de yakuzas presque banal. Le film commence sur une partie de base-ball entre Ryu et son frère Riki. Ryu est alors beaucoup plus âgé que Riki, qui n’est encore qu’un enfant. Ryu commence déjà à travailler pour la famille et lance des contrats sur des membres d’autres familles. Cela met son père dans une situation difficile. La famille Yasha réclame une punition et, cette fois-ci, elle ne se contentera pas seulement des doigts du père de Ryu. Son bras serait plus acceptable. A la place, il préfère leur apporter la tête de son fils Ryu pour apaiser leur colère et leur prouver son dévouement. Les années passent et Riki n’a pas oublié ce meurtre dont il a d’ailleurs été témoin. Il prémédite sa vengeance et commence par recruter les membres de sa congrégation. Un recrutement qu’il fait, non pas parmi les yakuzas, mais au sein même de son école, des classes du primaire à celles du lycée. Une violente révolte se met en place. La “ nouvelle génération ” s’allie pour mettre un terme au règne des vieux yakuzas en place depuis toujours.

C’est dans cette trame classique que des scènes surréalistes viennent clouer le spectateur sur son siège. Parmi les compagnons de Riki, on trouve une élève qui officie dans un night-club. Après un rapide strip-tease, elle ouvre la fermeture-éclair de sa petite culotte pour placer une sarbacane à l’entrée de son vagin. Sa performance consiste ainsi à envoyer des fléchettes crever des ballons, sous les yeux admiratifs de la foule en délire. Accessoirement, elle se sert du même stratagème pour éliminer ses ennemis. Parmi les acolytes de Riki, on rencontre également deux gamins à peine âgés de huit ans qui manient les armes à feu aussi bien qu’un Chow Yun Fat. Une autre jeune fille distribue des tasses de café empoisonné. Le résultat est sidé-rant. Les malheureux qui boivent le breuvage voient leur sang sortir par geysers des voies naturelles de leur corps. Etonnant égale-ment, cet autre élève, un colosse de deux mètres de haut, qui met de l’ordre parmi le troupeau de yakuzas qui l’assaille. Lors des scènes de bagarre, il les envoie valdinguer dans les airs comme s’ils n’étaient que des fétus de paille. Mais ce n’est pas tout. Des trames annexes apparaissent et l’une des jeunes filles avoue être hermaphrodite (je ne vous décris pas la scène érotique qui suit la révélation). On apprend aussi que Riki a un demi-frère, etc… Bref, FUDOH est un film où règne une anarchie certaine. Mais n’allez pas croire que c’est du n’importe quoi.

Bien que délirant, le film n’en est pas moins réfléchi. Miike nous entraîne dans un monde tel qu’il est réellement. La violence est partout chez les yakuzas et personne n’est épargné. Même les enfants terminent dans des sacs en plastique. Miike ne fait aucune concession. FUDOH apparaît par conséquent, malgré ses nombreuses scènes délirantes, comme une peinture de nos sociétés violentes. Il ne s’agit nullement d’adoucir cette violence car elle frappe n’importe qui, comme dans la vie réelle. On est loin des œuvres auxquelles on a com-munément droit dans le cinéma américain où les bons sont toujours épargnés. Il ne s’agit pas non plus de juger qui que ce soit. Riki et ses acolytes répondent à la violence par la violence. Tout comme dans le cinéma de Shinya Tsukamoto, la mise en place d’un monde meilleur passe d’abord par la destruction. Un autre point commun entre TETSUO et FUDOH est l’auteur de la bande son, Chu Ishikawa.

FUDOH étonne et frappe continuellement le spectateur par cette volonté de ne pas faire de concession, d’être honnête vis-àvis de la réalité. Les scènes délirantes qui font virer le film dans le fantastique ne sont là que pour souligner et symboliser cette violence qui n’a aucun sens et aucune limite. Le premier choc visuel du film vient de ces enfants de huit ans qui éxécutent froidement des yakuzas. Est-on alors encore en plein surréalisme ? Entre polar classique, perversion et violence, FUDOH, aussi désorientant soit-il, ne vous entraîne nulle part ailleurs que dans votre propre monde.


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- Article rédigé par : André Quintaine

- Ses films préférés : Frayeurs, Les Griffes de la Nuit, Made in Britain, Massacre à la Tronçonneuse, Freaks

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