DossierentretiensHallucinations Collectives 2012

Gareth Evans

Aussi incroyable que cela puisse paraître, le meilleur film d’action de tous les temps, en provenance d’Indonésie, est l’œuvre d’un sympathique gallois à l’allure débonnaire. Gareth Evans, a pris le temps, à la suite de la projection de son film THE RAID : REDEMPTION lors de la soirée d’ouverture du festival Hallucinations Collectives à Lyon, de répondre à nos questions.

Sueurs Froides : Comment un gallois comme toi s’est retrouvé à réaliser des films d’action sur un art martial indonésien, avec des acteurs indonésiens et bien sûr en indonésien ?

Gareth Evans : J’ai vécu au Royaume-Uni jusqu’à mes 27 ans. J’ai tenté de rentrer dans l’industrie du film anglais, mais je n’ai jamais pu faire quelque chose qui m’aurait démarqué du lot. Résigné, j’ai alors fait des boulots dans d’autres domaines. Un beau jour, ma femme, qui est moitié indonésienne, moitié japonaise, à passé des coups de fil en Indonésie et m’a trouvé un job sur un documentaire sur le Silat, l’art martial utilisé dans le film. Tout est parti de là. Lorsque j’ai tourné MERANTAU, je ne parlais pas indonésien et j’étais complètement dépendant de mon équipe. Mais THE RAID, j’ai appris ce qu’il fallait pour diriger un film, ainsi qu’un certain nombre d’insultes indispensables. Donc tout à été plus facile sur celui-ci.

Sueurs Froides : Comment se sont faits les montages financiers sur tes deux films, d’où viennent les capitaux ?

Gareth Evans : Tout provient d’Indonésie, une partie de financements privés et le reste de ma propre compagnie qui est basée là-bas. En fait, sur mes films il n’y a que deux occidentaux, mon chef opérateur et moi-même.

Sueurs Froides : Pour en revenir à THE RAID, combien de temps a duré le tournage ?

Gareth Evans : On a d’abord passé trois mois à chorégraphier les combats, ensuite il y eu encore trois mois de préproduction qui ont consisté à faire les repérages et les répétitions avec les cascadeurs et l’équipe technique. Le tournage proprement dit a duré 72 jours, suivis d’encore trois mois de postproduction.

Sueurs Froides : Comment s’est déroulé le tournage des scènes d’action, y a-t-il un chorégraphe spécifique comme à Hong Kong ?

Gareth Evans : Non, il n’y a pas de réalisateur ou de chorégraphe spécifique pour les scènes d’action en Indonésie. Ce que vous voyez à l’écran est un mélange de mon travail avec celui des acteurs Iko Uwais (qui joue Rama, le jeune policier) et de Yayan Ruhian (qui joue Mad Dog).

Sueurs Froides : L’une des grandes qualités du film est sa visibilité, ainsi que son refus d’employer des ralentis lors des scènes de combat. Est-ce un choix qui s’est fait dès le départ ?

Gareth Evans : La visibilité des combats m’importait beaucoup, mais je ne pense pas avoir innové dans ce domaine. Il suffit de regarder le travail de Peckinpah, notamment sur LA HORDE SAUVAGE, ou plus tard celui de John Woo, pour se rendre compte que malgré un montage serré, on arrivait toujours à se repérer dans l’espace. Le but de montage et de guider l’audience à tout voir de l’action. En ce qui concerne les combats, je me suis inspiré de l’âge d’or du cinéma de Hong Kong, les années 80-90. Le ralenti n’a été utilisé qu’à des fins narratives, notamment à la fin du film, ou alors pour créer un effet visuel stylisé comme le coup de fusil à pompe au début. Je n’en voulais pas pour les scènes d’action. Nous devons être compétitifs avec Hong Kong et la Thaïlande qui ont des décennies d’expérience dans les films d’action. Nous, en Indonésie, avons seulement deux films d’action. Je voulais avoir un autre style, tenter de trouver une approche de filmer différente et de représenter l’action, je voulais présenter le Silat comme une application de la réalité, ne pas en exagérer les mouvements en ralentissant l’action. La seule entorse à la réalité est dans la durée des combats, par contre les mouvements sont authentiques. Si vous faites du Silat, vous pouvez faire tout ça. Je déteste les films où en plein milieu d’un combat, les participants stoppent, prennent la pose et continuent. Si vous allez dans un pub, surtout au Pays de Galles, et que vous assistez à une bagarre, le combat ne se finit que lorsque l’un des deux est au sol, on ne s’arrête pas en plein milieu. C’est le principe que j’ai appliqué à mon film, le combat ne doit s’interrompre que lorsque l’un des deux combattants est définitivement à terre.

Sueurs Froides : Il est courant que les films d’action asiatiques soit remontés par leur distributeur occidental. Qu’en est-il pour THE RAID ?

Gareth Evans : Personne n’a touché au montage de mon film au niveau de la structure narrative, ni Sony ni personne d’autre. Les seuls changements pouvant survenir seront ceux qui pourront être demandés par la censure. Pour la musique, c’est différent. Alors que nous étions encore en tournage, nous avons projeté quelques scènes au marché du film à Cannes et Sony nous a pré-acheté les droits. Ils nous ont dit qu’ils souhaitaient sortir le film mais qu’ils envisageaient une autre bande son pour le marché occidental car c’est un film étranger, sans stars et pas en langue anglaise. Si on acceptait, cela pourrait permettre une meilleure distribution. J’ai dit oui, tout en sachant que ce genre de pratique avait merdé pour certains films. Mais j’étais curieux de voir comment les deux musiciens proposés allaient interpréter le film. Michael Shinoda est venu avec Joseph Trapanese, qui a notamment travaillé avec Daft Punk sur TRON LEGACY, et on a parlé de la bande originale. Ils ne souhaitaient pas juste caser une série de chansons que l’on rajouterait sur les images. Ils voulaient faire une vrai bande originale dans un style rétro eighties, un peu à la John Carpenter. Ils voulaient que parfois la musique prenne le dessus sur les images et les dynamise, alors qu’à d’autres moments elle devait être plus en retrait pour créer une atmosphère. C’était très rassurant, et j’ai compris que mon film était en de bonnes mains. En ce qui me concerne, je préfère parfois la version occidentale et parfois la version indonésienne.

Sueurs Froides : Maintenant que tu as placé la barre est placé si haut dans le cinéma d’action, vas-tu poursuivre dans le genre en développant d’autres choses, essayer de te surpasser ou simplement passer à un autre genre ?

Gareth Evans : La prochaine étape est de faire la séquelle qu’on va démarrer en janvier 2013. Pendant le tournage de THE RAID, on n’avait aucune pression. Je vais garder cette approche pour faire cette suite, sans me préoccuper des attentes, en espérant que le public me suivra encore. Par contre, on ne va pas copier la même formule, on va amener les personnages à l’extérieur et essayer de les développer. MERANTAU était un pur film d’action martiale, THE RAID un pur film d’action martiale avec des fusillades. Pour la suite, je veux expérimenter en rajoutant des poursuites en voitures et des cascades. Avec un peu de chance pour mon cinquième ou sixième film, j’aurai ainsi une expérience complète et je pourrai produire un vrai bon film d’action. C’est vrai qu’en ce moment, je suis très intéressé par l’action, surtout par le Silat, mais je veux faire d’autres choses par la suite comme un film de gangsters. J’adorerais faire un film d’action mais familial, ce sera ma version des GOONIES. Mais mon souhait le plus cher serait de faire un western.

Merci à Gareth Evans pour l’entretien.
Merci à Bastian Meiresonne pour la traduction.
Merci à Anne-Laure de Boissieu pour l’organisation de l’entretien.

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