Gun Crazy – A Woman From Nowhere

Un texte signé André Cote

- 2002 - Atshushi Muroga
Interprètes : Ryoko Yonekura, Shingo Tsurumi, Takeshi Yamato, Shun Suguta, Takashi Ukaji...

Une chasseuse de primes arrive dans une petite ville où la mafia et des militaires corrompus font la loi.
Représentatif d’un système de cinéma d’exploitation nippon (le V-cinema), la série des GUN CRAZY est souvent dépréciée par les hauts représentants de la culture. Est-ce mérité ? Pas nécessairement. Les films qui y sont issus cumulent certes bien des défauts (interprétation amateur, décor minimaliste, cadrage et montage approximatif…) mais on ne peut pas foncièrement les détester pour ces raisons puisque nous retrouvons surtout une envie de « faire du cinéma » malgré les moyens du bord. Cette même envie qui caractérisait le cinéma de Roger Corman dans les années 70. Des films commerciaux certes, puisque « commercial » se comprend dans le sens d’une rentabilité sur du court terme mais après tout quel art ne l’est pas ? Quel film est réalisé à titre bénévole ? De plus, ce WOMAN FROM NOWHERE possède une démarche qui n’est pas inintéressant : il installe un environnement et des personnages, soit des archétypes déjà archi-connu. La série des GUN CRAZY (qui en compte quatre à ce jour) est une anthologie d’histoire dans le pur style des « Girls with guns » (que l’on traduirait par « femmes armées », dont Tarantino, grand fan du cinéma nippon, a dû s’inspirer pour KILL BILL) chaque opus met donc en scène de nouveaux personnages dans une histoire où une femme affronte une armée de mâle. Hautement symbôlique, donc.
A cela s’ajoute un synopsis qui nous rappelle un certain western de Sergio Leone, POUR UNE POIGNEE DE DOLLARS pour ne pas le citer. D’ailleurs, non content de reprendre le générique de ce même film sous forme de dessin animé, la structure même de GUN CRAZY est presque un parfait copier-coller de l’opus avec L’Homme Sans Nom. De l’hommage au plagiat, la frontière est mince. Néanmoins, on se souviendra que POUR UNE POIGNEE DE DOLLARS est lui-même le remake de YOJIMBO, un film de Akira Kurosawa qui se passait déjà dans le milieu de la pègre, Leone l’ayant seulement tranposé dans un cadre de western. De là à dire que la boucle est bouclée, il n’y a qu’un pas.
A ce titre, Atshushi Muroga multiplie les références à son ainé avec jubilation : notre héroïne se révèle avoir des comptes à régler avec l’un des caïd de la ville (grâce à des flashbacks dans l’esprit de IL ETAIT UNE FOIS DANS L’OUEST), l’arrivée en moto sur fond de musique très « Ennio Morricone » (mythique compositeur de Leone) et bien d’autres encore…
Cependant, les références de Muroga ne se limitent pas seulement à Leone puisque le cinéma de John Woo est également cité. Incontournable dès que l’on évoque les actioners urbains, l’ombre du SYNDICAT DU CRIME se ressent lors des multiples gunfights où les protagonistes prennent des poses similaires à celles de Chow Yow Fat : tirer avec un flingue dans chaque main et se retrouver ensuite dans un face à face armé.
En revanche, seul ombre au tableau, GUN CRAZY ne s’embarasse pas de psychologie, les protagonistes étant réduit à des stéréotypes de personnages-fonction : les badguy, le bras droit, le policier déchu, l’aide providentielle… Interprêtés avec approximation par des comédiens semblent-ils amateurs, ces protagonistes nous sont familiers en raison des archétypes auxquels ils renvoient. En clair, Muroga ne s’épanche dessus parce que leurs histoires ont été vu et revu ailleurs : de la déchéance du policier honnête au drame fondateur du personnage principale, nous ne constatons aucune originalité. Mais l’on s’en moque puisque l’ambition du film n’est pas d’entrer en compétition dans un quelconque festival de film d’ « auteur » mais de procurer au spectateur ce qu’il ait venu demander avec un titre tel que GUN CRAZY : des fusillades à n’en plus finir. Sur ce point, le film respecte ses promesses en multipliant les scènes d’action même si elles manquent par moment d’efficacité, la faute incombant au manque de conviction de certains acteurs. Les cadrages et le montage alerte permettent néanmoins à Muroga de pallier ces menus défauts.
Ne durant qu’à peine plus d’une heure, ce premier GUN CRAZY est des plus réjouisssants à condition de se montrer indulgent. Les cinéphiles les plus attentifs s’amuseront à repérer les similitudes entre ce WOMAN FROM NOWHERE et les métrages de Leone tandis que d’autres prendront du plaisir à la vision des badguy caricaturaux. Dynamique malgré quelques temps morts, ce moyen-métrage réussit à gagner des galons d’hors-d’oeuvre pour une soirée DVD. Un bon film d’exploitation en somme.


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- Article rédigé par : André Cote

- Ses films préférés : Dark City, Le Sixième Sens, Le Crime Farpait, Spider-Man 3, Ed Wood

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