Hage Film Kurzfilme ’99-’05

Un texte signé Tom Flener

Allemagne - 1999, 2005 - Robert Enneper, Tanja Weber, Andreas Brauer

Hagefilm, c’est un groupe de jeunes Allemands qui combinent depuis plusieurs années leur talent pour réaliser plusieurs courts-métrages. Majoritairement réalisés par trois des membres, Robert Enneper, Tanja Weber, et Andreas Brauer et presque tous écrits par Robert Enneper, ces petits films affichent des tons différents. Visionnés en intégralité, ils forment une œuvre inégale mais toujours intéressante.
Les films créés après 2000 sont presque entièrement réalisés par Robert Enneper, avec l’exception notable de DER AUFTRAG (LA MISSION), deuxième version du court-métrage homonyme de 2002, et co-réalisé avec Andreas Brauer.
Le premier volume des œuvres de Hagefilm présente les films réalisés entre 1999 et 2003, hélas en ordre non chronologique. A la place, on a opté pour un mélange des films de Tanja Weber (qui ne semble qu’avoir réalisé en 1999 et en 2000), et de ceux de Robert Enneper, qui a pris la relève en 1999, avec la co-réalisation KLEINE BLAUE ELEFANTEN (PETITS ELEPHANTS BLEUS). Les quatre réalisations de Tanja Weber, toutes tournées en noir et blanc, affichent un ton plus sérieux, et se concentrent sur les relations interhumaines et en couple. Dans MOTORRADFAHREN IN EUROPA (VOYAGER L‘EUROPE EN MOTO), elle illustre la rupture d’une femme avec son partenaire dans un petit café. Une raison de la rupture est qu’il s’occupe trop de ses films. Elle l’accuse d’être spectateur plutôt qu’acteur, et on peut se demander si ce film ne contient pas des éléments autobiographiques. Tanja Weber échange les rôles avec son MOTORRADFAHREN IN EUROPA REVISITED en 2000, où l’homme rompt, majoritairement pour les mêmes raisons. Détails néanmoins intéressant : tandis que la femme confesse ne plus être attirée sexuellement par lui, l’homme, en 2000, se plaint plutôt du fait qu’ils n’ont plus couché ensemble depuis trois semaines. C’est une nuance fine, mais assez signifiante sur les besoins d’un sexe et de l’autre. FASCHING (1999) est une petite réflexion sur la communication en couple, et montre une scène que celui qui a déjà vécu en couple peut reconnaître et comprendre. Elle a besoin de parler, lui se force à écouter ; voilà qui résume très bien ce petit film.
Finalement, Tanja Weber réalisa AM HANCOCKBERG (AU HANCOCKBERG – 1999), film dans lequel un homme tire sur le voleur de sa bicyclette. Ce court-métrage, seul film de Tanja Weber qui parle de la violence physique plutôt que de la confrontation émotionnelle, forme en même temps un lien avec l’œuvre de Robert Enneper et donne naissance au personnage interprété par Kai Heegewaldt, personnage qui traverse cette première période de Hagefilm comme un fil rouge. Déjà dans MOTORRADFAHREN IN EUROPA REVISITED, tourné en 2000, mais jouant chronologiquement avant AM HANCOCKBERG, il offre à la femme un verre, mais la fait vite fuir avec ses propos agressifs sur ce qu’il va faire aux voleurs de ses bicyclettes.
Robert Enneper va revisiter ce personnage deux fois. Dans KÖLN KALK (2000), il casse le micro d’un personnage enregistrant des sons. Apparemment, il n’a guère de raison à part que son visage ne lui plaise pas. Enfin, dans KÖLN-SÜD (2000), cet homme sympathique saute devant un train, à la suite, est-on tenu de conclure, du meurtre du voleur de bicyclette.
On ne peut pas éviter de remarquer que les réalisations de Robert Enneper, bien que plus ludiques, sont plus préoccupées par la violence physique que les films de Tanja Weber. Dans KLEINE BLAUE ELEFANTEN, on nous présente le phénomène de la cryogénétique. Promettant aux gens la vie éternelle, un institut leur coupe la tête, juste pour servir leur cervelle comme met délicat dans un restaurant exclusif, sous le nom « Imbécile à la Vingtième Siècle ». Dans GRÜNGÜRTEL (CEINTURE VERTE – 2003), un couple se promène dans le parc, quand il est arrêté par un voleur. L’homme est assommé, et se réveille dans une version en noir et blanc du même parc. Un homme (peut-être la mort) lui offre une caméra dans laquelle il peut voir que sa copine est en fait la complice du voleur. Il ne lui reste alors plus qu’à accepter les faits et entrer au paradis. Ou peut-être que non.
En 2003, Robert Enneper réalise encore deux films, qui malheureusement manquent les idées de KLEINE BLAUE ELEFANTEN et de GRÜNGÜRTEL. Dans SPÜLFILM (FILM DE LAVAGE), court-métrage qui semble avoir eu son origine dans un jeu de mot (« spielfilm » étant en allemand le terme désignant un long métrage), un homme fait la vaisselle et un couteau lui perce le pied. Il referme la blessure avec du scotch et finit sa vaisselle. Dans FETA, deux hommes préparent un plat de fromage quand l’un d’eux commence à jouer avec une arme. L’autre lui jette à la tête que de toute façon, il n’aura pas le courage de lui tirer dessus ; avec le résultat attendu. Ces deux films sont les plus faibles de cette première période, et on a l’impression que Robert Enneper partait sur une idée sans vraiment savoir où aller.
En 2002, Andreas Brauer réalisa, de nouveau sur un scénario de Robert Enneper, DER AUFTRAG. Avec plus de dix minutes, il s’agit du film le plus long. Un homme, incapable de se tuer lui-même, décide d’engager un tueur à contrat pour le liquider, juste pour réaliser, qu’après tout, il ne veut pas mourir. Trop long, ce film reverra le jour en 2004, dans une version raccourcie de plus de quatre minutes.
En 2005 sortira une troisième version de DER AUFTRAG, cette fois-ci allongée de presque cinq minutes, et mariée à un FETA allongé lui aussi. Non seulement cette version est la meilleure des trois, mais elle change l’identité du tueur et nous offre également une fin nettement plus optimiste. Si l’histoire marche très bien avec deux narratifs parallèles et si Robert Enneper injecte de l’humour noir, c’est avant tout la fin qui va décider de la préférence du spectateur pour une version ou une autre.
Cette deuxième période de Hagefilm est complètement dans les mains de Robert Enneper, qui réalisera cette fois-ci tous les courts-métrages. Dans FEUERWERK (FEU D’ARTIFICE), KEIN ANSCHLUSS (PAS DE CONNECTION) et LEVERKUSEN, Martin Kuhlmann joue Martin, un homme qui semble simplement ne pas avoir de chance. FEUERWERK le montre arranger un feu d’artifice derrière la maison de sa petite amie, juste pour se retrouver, à la porte d’entrée, face à face avec le petit ami de celle-ci. Dans KEIN ANSCHLUSS, il discute avec un copain de cette affaire, et de sa façon de traiter les appels de son « ex-petite amie ». Assez court, ce film est à première vue assez drôle, mais s’avère plutôt déprimant après réflexion. LEVERKUSEN nous montre un Martin en train de se soûler dans un bar, avant d’offrir à une belle rousse de la reconduire à Leverkusen. Il finit avec du vomi sur son pantalon et toujours seul. Avec Martin, semble-t-il, Robert Enneper nous donne un symbole de l’homme célibataire, une figure d’identification pour tous ceux qui ont souffert d’une séparation douloureuse et ne se relèvent qu’avec difficulté.
LECKER BIER ! (BONNE BIÈRE !) est un film très court. Comme SPÜLFILM, il semble être né d’une unique idée. Ici, le point de départ est, apparemment, celui du recyclage séparé de matière organique et non-organique. Réflexion assez drôle à première vue, ce court-métrage ne semble mener nulle part et n’invite pas vraiment à une seconde vision. KEMPING, par contre, s’avère assez drôle. Sur un camping, un jeune homme est invité à boire une bière par deux hommes. Lorsqu’ils commencent à parler de plus en plus violemment dans leur langue maternelle, il (et le spectateur avec lui) se sent de plus en plus mal à l’aise.
Enfin, Robert Enneper nous offre ENDE (FIN) et ANFANG (DÉBUT). Dans FIN, une femme découvre que son ami garde chez lui du matériel de survie. Il lui explique qu’il veut être préparé pour la fin du monde. Grâce à ce matériel, il sera en mesure de survivre et d’être témoin à cet événement unique. C’est ce qui arrive dans ANFANG. La femme se réveille un matin pour se retrouver seule au monde. ANFANG est la meilleure œuvre de Robert Enneper. Sans le moindre mot, simplement accompagné par une chanson mélancolique et d’une atmosphère en noir et blanc franchement oppressante, il semble être le plus fidèle à l’intention initiale du réalisateur.
Si la première période de Hagefilm est intéressante, elle est aussi assez inégale dans sa qualité. Cet état de fait est certainement dû en partie aux différents réalisateurs et à la longue période de création. Les courts-métrages réalisés par Robert Enneper en 2005, par contre, arrivent nettement mieux à nous présenter une entité cohérente dans un univers plus crédible. Si les œuvres des premières années semblent comme des exercices dans la recherche d’un style personnel pour Robert Enneper, c’est surtout en 2005 qu’il arrive à trouver cette voie à travers ses différents courts-métrages. Maintenant, on attend d’entendre parler de lui.


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- Article rédigé par : Tom Flener

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