Hallucinations Collectives 2011

Hallucinations Collectives

Le Comoedia, cinéma d’art et d’essai du centre de Lyon, a accueilli du 20 au 26 avril le Festival Hallucination Collective. Anciennement Etrange Festival de Lyon, l’équipe organisatrice, Zone Bis, a préféré devenir plus indépendante et propose ainsi un nouveau nom à son évènement. Cette première année d’émancipation, si l’on peut dire, est divinement célébrée par une magnifique programmation de trente films s’étalant sur six jours.
La programmation s’avère très pointue et rythmée par des avant-premières et des rétrospectives, pour le plus grand plaisir de tous, autant pour celui des spectateurs les plus aguerris aux cinémas outsiders que pour celui des néophytes curieux. Le festival propose deux compétitions, l’une de longs-métrages ainsi qu’une seconde réservées aux courts-métrages. Le jury est composé du réalisateur Eric Valette (MALEFIQUE, HYBRIDE…), l’actrice Catriona MacColl (L’AU-DELA, FRAYEURS, LA MAISON PRES DU CIMETIERE…) ainsi que les deux journalistes Frédéric Thibaut (Impact, Brazil) et Romain Le Vern (Trash Times, DvdMania).
Au-delà du cinéma, le festival propose également un concert au Grrrnd Zero avec à l’affiche DAS SIMPLE, BEX et BIM JOHNSON, tous présentés par Mc Loyal. De plus, le festival organise une exposition au sein du Comoedia. Là, par l’intermédiaire de son travail, l’artiste new-yorkais Skinner affronte Chema Skandal un artiste mexicain. La Pop Culture se heurte au Psychédélisme dans la bonne humeur et le pacifisme qui caractérisent le festival.
Pour en revenir au cinéma, c’est le très érotique LES NUITS ROUGES DU BOURREAU DE JADE de Julien Carbon et Laurent Courtiaud qui a l’honneur d’ouvrir le festival. Malgré ses qualités graphiques indiscutables, ce film se révèle peu convaincant face à celui qui a suivi la séance d’ouverture, le célèbre MANIAC de William Lustig. Le film de Julien Carbon et Laurent Courtiaud propose une histoire de gangster froide et érotique qui a parfois tendance à ressembler à une déclaration d’amour envoyée à la ville de Hong Kong. En outre, le savoir-faire des deux metteurs en scène ne rattrapera pas le point noir du film : l’interprétation des deux actrices françaises Frédérique Bel et Carole Brana qui laisse totalement à désirer. Sans pour autant détruire le film, elles donnent un goût amer à certaines scènes. En revanche, l’actrice Hongkongaise Carrie Ng, trouve quant à elle le ton juste. Elle finit même par porter le film sur ses seules épaules. En ce qui la concerne, l’œuvre de Lustig, est sans surprise et ne souffre absolument pas du temps. C’est une belle réjouissance que de pouvoir retourner dans l’univers paranoïaque et brutal de Frank Zito.
Le festival propose une compétition de longs-métrages mélangeant grands et nouveaux réalisateurs. Ainsi, les derniers films de John Landis, Álex de la Iglesia et Kim Ji-woon étaient présents. La plus belle surprise fut cependant BEDEVILLED de Jang Cheol-soo, déjà projeté à d’autres festivals, mais dont la qualité graphique, scénaristique et technique donne un fabuleux crédit à ce réalisateur. Drame social aux touches marxistes, BEDEVILLED peint la confrontation de deux univers distincts et pourtant très proches pour réutiliser les codes du Rap And Revenge de façon intelligente et originale. Le film, inscrit dans une réalité sociale et politique, est un véritable chef-d’œuvre d’adresse et de savoir-faire.
Le déjanté THE LOVED ONES de Sean Byrne propose une déconstruction de l’image du romantisme et le massacre de teenagers dans une ambiance de tortur-porn coloré. Déjà présent lui aussi sur d’autres festivals, il constitue une jolie découverte de ce réalisateur inconnu.
CADAVRE A LA PELLE de John Landis cristallise assurément la petite déception de la programmation. Le film est de bonne facture avec un duo Simon Pegg et Andy Serkis qui marche bien. Cependant, ce qui lui a joué un tour, c’est certainement la renommée du réalisateur des BLUES BROTHERS et du LOUP-GAROU DE LONDRES qu’on attendait depuis quelques années (malgré les masters of horreurs). En effet, l’humour noir qui caractérise le film ne marche pas à tous les coups et devient parfois lourd. Ainsi, malgré les magnifiques décors, le spectateur ne peut s’empêcher d’être légèrement insatisfait. Le dernier film de Álex de la Iglesia est quant a lui très bon. Il propose une ambiance décalée et jusqu’au-boutiste dans un univers Franciste invraisemblable. Le film réussit à tourner son scénario dans tous les sens en gardant cependant une trame générale cohérente et harmonieuse. Au-delà d’un film déganté, l’ancien président de l’Académie du Cinéma Espagnol propose une technique irréprochable et même intelligente. Il plonge le spectateur dans son univers décalé pour le bonheur le plus total de ce dernier.
TUCKER & DALE VS EVIL de Eli Craig est une autre belle surprise du festival. L’histoire est simple, deux rednecks et un groupe de teenagers se rencontrent dans un paysage rural. Quiproquos et malentendus rythment le film qui joue la carte de la comédie. Le métrage s’axe ainsi sur le thème de la mise en scène de la peur. Drôle et décalé TUCKER & DALE VS EVIL remplit son contrat en déconstruisant l’image du péquenaud psychopathe élaborée par DELIVRANCE.
HEARTLESS revisite le mythe de Faust avec beaucoup de classe. Avec cette jolie réalisation sans prétention, Philip Ridley signe ainsi son retour.
Très attendu et souligné dans les divers festivals où il a été projeté, I SAW THE DEVIL rencontre un très bon accueil. Comme nous pouvions le prévoir, Kim Jee-Woon conquiert l’assemblée sans trop de difficulté.
SYMBOL, l’ovni du festival et dernier film en compétition, reçoit en ce qui le concerne un accueil mitigé. Son scénario et son interprétation grand-guignolesque ne convainquent pas le public. Hitoshi Matsumoto, propose une ambiance proche des grands jeux télévisés japonais, ambiance que ce dernier connaît très bien, et tente de la transcender. Jouant la carte du gage lourdingue, le film mérite cependant le coup d’œil.
La compétition court-métrage a accueilli huit belles réalisations. Mais c’est l’excellent THE EXTERNAL WORLD de David O Reilly qui restera en tête quand on évoquera cette compétition.
Au-delà des films en compétitions, le festival propose aussi une programmation construite autour de rétrospectives sur l’exploitation australienne, les serials-killers, les productions troma et la bombe atomique. Rétrospectives principalement centrées autour des années 70 et 80 sans pour autant jouer la carte du cloisonnement. La rétrospective sur la bombe (avant, pendant, après) fut sûrement la plus mémorable et c’est à cette occasion que le fantastique et peu connu THREADS fut projeté. Le festival proposa ainsi autant de classiques tels que MANIAC de William Lusting ou PANIC SUR FLORIDA BEACH de monsieur Joe Dante, que de petites raretés comme THREADS de Mick Jackson ou SCHRAMM de Jörg Buttgereit.
Le festival a aussi l’habitude de promouvoir les réalisations françaises à petit budget. Cette année, ce désir est institutionnalisé sous le nom de Nouvelle Vision et présente ainsi CALIBRE 9 de Jean-Christian Tassy et LAST CARESS de François Gaillard et Christophe Robin. Deux longs-métrages de grande qualité nonobstant leurs budgets minuscules. Malgré leurs différences, les deux films ont en commun de donner un élan d’air frais plein de jeunesse au programme.
Notons succinctement la présence de Richard Allan alias Queue de Béton pour une séance de dédicace de son livre « 8000 femmes, Mémoires d’un Casanova du cinéma » et pour la présentation de La FEMME OBJET de Frédéric Lansac. Présence plus qu’appréciée de ce pilier du cinéma pornographique des années 70 & 80.
C’est avec l’avant-première d’INSIDIOUS de James Wan que le festival se termine. Ce film très réussi, reprend l’ambiance et canon de POLTERGEIST de Tobe Hopper pour un résultat aussi convainquant que ses précédentes réalisations. Ainsi, cette belle clôture met fin à ce bel événement.
Elément notable, l’équipe de Zone Bis prend le parti pris de projeter le maximum de bobine 35mn et va jusqu’à lancer des recherches, à l’image d’Indiana Jones, pour trouver ces copies. Cette recherche acharnée auprès des collectionneurs et des studios permet au public de pouvoir découvrir ou redécouvrir des films dans un beau format. Ce magnifique travail de recherche fait de ce festival un vrai plaisir pour les yeux.
Ainsi, à L’hallucination Collective, les jours se suivent mais ne se ressemblent pas. L’ambiance bonne enfant et humaine en fait un beau rendez-vous pour les passionnés et les curieux. C’est ainsi, grâce au magnifique travail des bénévoles et organisateurs, que nous espérons retrouver cet événement l’année prochaine pour de futures Hallucinations.

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