Handicap au Cap pour Coplan

Un texte signé Patryck Ficini

France - 1994 - Kenny Paul (Serge Jacquemard)

« Dankie, murmura-t-elle, profondément émue. J’ignore votre nom mais ce doit être quelque chose comme Zorro, Rambo ou Superman.
– En tout cas, pas Exterminator car personne n’a été blessé ou tué parmi ces salopards. » (P.35)

Francis Coplan FX 18 n’est sans doute pas le héros de romans d’espionage le plus excitant des années 50-60, malgré un succès fracassant. Coplan fut créé au Fleuve Noir par les deux auteurs belges Gaston Van den Panhuyse et Jean Libert (le père de Anne !) sous le pseudonyme de Paul Kenny pour limiter la casse suite au départ de OSS 117 pour les Presses de la Cité. La série a vite trouvé son public malgré un certain manque de dynamisme et une grande banalité. Coplan n’en fut pas moins le modèle, avec le héros de Jean Bruce, de nombreux auteurs qui ne surent pas tous, comme Arnaud avec le Commander, innover dans le genre très codifié du roman d’espionnage populaire.
Héros de 6 films (dont deux réalisés par Riccardo Freda et un par Yves Boisset) et d’une série télé (avec Philippe Caroit, sans doute le meilleur interprète du héros), Coplan fut repris dans les années 80, l’âge et/ou le décès de ses créateurs aidant, par Serge Jacquemard, un professionnel du Fleuve Noir qui s’empressa de transformer le héros trop humain ( ?) en une sorte de James Bond (cité dans le texte) surarmé (deux flingues, comme ici, on se croirait chez John Woo).
Séducteur dès 1953, Coplan est, dans HANDICAP AU CAP (titre irritant à la Jean Bruce), un véritable pro du sexe en pilotage automatique. Plus délicat que SAS (il sait comment faire plaisir à une dame qui a du mal à s’y mettre), il ne se transforme pas moins en hussard à la Rocco Siffedi dès que l’occasion se présente (technique du marteau-pilon bien vigoureuse). Et les occasions ne manquent pas : 3 Coplan-girls dans ce roman de 188 pages et nombre d’accouplements plus ou moins (voire pas du tout quand l’auteur se lasse) détaillés. L’une de ses conquêtes lui affirme, après l’amour, que les Français sont les meilleurs au lit. Le lecteur chauvin appréciera. Détail original, Coplan est victime d’une panne sexuelle lorqu’il doit s’exécuter avec une beauté qu’il soupçonne de trahison. Coplan n’est donc un James Bond que jusqu’à un certain point, et c’est tant mieux. Selon Bruno Baube, auteur d’un excellent LES 237 MISSIONS DE COPLAN (ROCAMBOLE N°8, 1999), le côté érotique avait déjà été accentué par les deux créateurs dès les années 70 pour concurrencer le quasi porno SAS.
Dès l’introduction passée, les scènes d’action, généralement bien fichues, abondent. On en veut à la peau de Coplan et on essaie de le tuer de toutes les manières, même en l’enfermant dans une villa avec un léopard ! Une scène d’ailleurs particulièrement réussie. L’action abonde à tel point que l’on est plus dans un roman d’aventures, au bout du compte que dans un pur roman d’espionnage sans action à et vrai dire ennuyeux –comme purent l’être certains des premiers Coplan. Le dynamisme semble être une marque de fabrique de Serge Jacquemard (on pense parfois à certains Gil Darcy des années 60 comme LUC FERRAN TRAQUE LE VIRUS ou LUC FERRAN DEFIE LE DIABLE). C’est du moins ce que l’on peut déduire de cette lecture ou de celle de COPLAN SE DECARCASSE A CARACAS ( !), mais aussi des informations délivrées dans les ANNEE DE LA FICTION de cette époque, où l’on s’aperçoit que les péripéties abondent généralement dans la série.
L’écriture de Jacquemard est très efficace. On est vraiment en présence d’un romancier professionnel qui sait écrire vite, (court) et bien. Si l’exotisme est peut-être moins présent que chez Gérard de Villiers(où la couleur locale est privilégiée), encore est-ce à nuancer si l’on songe à une bonne traversée de parc national où Coplan joue du révolver face à un rhinoceros qui lui barre le passage – pour lui faire peur, on n’est pas dans TINTIN AU CONGO non plus, que les amis des animaux se rassurent.
Coplan enquête ici pour l’ONU,une enquête qui serait des plus monotones sans les scènes d’attaques sur sa personne. Un homme est mort alors qu’il allait révéler l’existence d’un terrifiant complot en Afrique du Sud. Le projet des méchants est révélé à la toute fin du roman et, sans le déflorer, nous pouvons juste constater que 10.000 vies sont en jeu ! Jacquemard voit grand pour notre plaisir.
Il faut passer la couverture proprement ignoble de ce Coplan pour découvrir un excellent roman de gare tout sexe et action qui laisse présager du meilleur pour cette série aux titres parfois diablement intriguants : COPLAN CONTRE LA DEESSE KALI, DES VAMPS ET DES VAMPIRES…

«Si on refaisait l’amour en attendant l’aube ? » (P. 73)

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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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