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Harpoon

La pêche est l’un des principaux secteurs d’activités islandais et la pêche à la baleine une véritable institution. Aussi, lorsqu’en aout 2007 le gouvernement décide de suspendre provisoirement cette véritable chasse au cétacé (pour faire les yeux doux à l’Union Européenne que le pays essaye vainement d’intégrer depuis quelques années), les pêcheurs sont consternés et la population partagée. C’est à cette époque que naît le projet HARPOON.
Si les américains ont leur Rust Belt, les islandais ont leur « rust boats », ou du moins quelques baleiniers inopérant, attendant une possible reprise de la pêche (qui interviendra finalement deux ans plus tard au grand dam de la communauté internationale). C’est dans ce cadre à la fois anxiogène et hautement cinégénique que Julius Kemp situe son troisième long-métrage (après un détour par la production des remarqués NORWAY OF LIFE et DARK FLOORS).
Un groupe de touristes, composé de plusieurs nationalités différentes dont des américains, des anglais, des japonais et un français, embarque sur un petit bateau de pêche pour aller voir les baleines batifoler en pleine mer. Mais suite à un accident, les touristes se retrouvent livrés à eux-mêmes sur un bateau à la dérive. Après quelques instants de panique, l’équipage d’un baleinier se porte à leur secours. Malheureusement pour eux, il s’agit d’une famille sérieusement atteinte psychologiquement et qui a dépassé le point de non-retour depuis l’interdiction de la pêche à la baleine : pour ne pas voir ses revenus baisser, elle chasse l’Homme qu’elle revend comme produits de la pêche…
HARPOON est un film bourré de bonnes idées. Est-ce pour autant qu’il s’agit d’un bon film ? Oui et non. Après vision du métrage, les avis sont partagés. Survival marin descendant direct de MASSACRE A LA TRONCONNEUSE (dans son titre original REYKJAVIK WHALE WATCHING MASSACRE qui fait directement écho à TEXAS CHAINSAW MASSACRE jusqu’à la présence dans un rôle, cette fois sympathique, de Gunnar-Leatherface-Hansen), HARPOON ne se contente pas d’être un hommage appuyé mais vogue sur sa propre voie tout en profitant de certains courants balisés. Esthétiquement brillant, le film semble suinter cette humidité froide propre aux cales des bateaux. Froid, percutant, empreints de quelques envolées gores du plus bel effet, HARPOON prend le pari risqué de nous faire suivre le destin de personnages qui sont tous horripilants ou carrément antipathiques. Et c’est là que le film peut s’avérer difficile à regarder et où l’empathie tend à se déplacer des victimes vers les bourreaux que l’on a envie de voir triompher de cette brochette de têtes à claque. Une idée certes intéressante, mais il ne s’agit pas là du parti-pris de Julius Kemp. En revanche, si l’identification ne fonctionne pas (et encore moins avec le touriste « français ») les rouages de l’histoire sont suffisamment bien huilés pour offrir un spectacle tendu, inattendu au double climax profondément nihiliste dont l’une des ramifications est empruntée au George A. Roméro de LA NUIT DES MORTS VIVANTS. Sombre, parfois cynique et complaisant, HARPOON s’impose néanmoins comme une bonne surprise, un survival empreint de torture-porn aussi glaçant que glacial.

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