Headhunters

Un texte signé Philippe Delvaux

Norvège - 2011 - Morten Tyldum
Titres alternatifs : Hodejegerne
Interprètes : Aksel Hennie, Synnove Macody Lund, Nicolaj Coster Waldau, Julie Olgaard

Roger devrait être un homme comblé: chasseur de tête réputé, il débusque les futurs cadres et dirigeants de grandes entreprises et, chasseur de cœur talentueux, il aime sa femme Diana qu’il comble de cadeaux et fait vivre dans une luxueuse demeure. Mais Roger est un névrosé de première et vit sur un bien trop grand pied. Il ne peut d’ailleurs se permettre son luxe que par la grâce d’une peu reluisante seconde profession, en laquelle il excelle également : il cambriole les demeures des candidats qu’il auditionne pour subtiliser leurs œuvres d’art, grâce à la complicité de l’installateur de vidéosurveillance Ove Kjikerud. Complexé par sa petite taille et angoissé par l’enfant que lui demande Diana, Roger la trompe avec Lotte, dont il n’est pourtant pas amoureux et qu’il larguera dès qu’elle voudra le présenter à quelqu’un. A l’occasion de l’inauguration de la galerie d’art de Diana, qu’il a financé sans en avoir les moyens, Roger rencontre Clas Greve, qui d’une part semble le candidat idéal pour la société qui l’a chargé de trouver un nouveau directeur et d’autre part possède un véritable Rubbens, considéré jusqu’à lors comme perdu. L’occasion d’un larcin plus que lucratif, le remettant définitivement à flot, se profile. Mais tout se complique lorsque Roger soupçonne Diana de nourrir une relation avec Clas… et les ennuis démarrent vraiment quand, au lendemain du cambriolage, Roger retrouve le corps de Kjikerud dans sa voiture.

Le cinéma de genre venu du froid se porte bien depuis quelques années, que ce soit dans l’horreur ou dans le thriller. Après la trilogie MILLENIUM, voici donc ce HEADHUNTERS qui est une excellente surprise. « Surprise » parce qu’il faut passer outre une bande annonce formatée et qui vend mal le film pour en découvrir tout le jus.

HEADHUNTERS joue et gagne sur tous les tableaux : un scénario inspiré et globalement cohérent, une action incessante, et un sous-texte amplement traité par une mise en scène qui en illustre les thèmes par allusions symboliques ou métaphoriques. La structure de l’intrigue repose sur des bases bien connues : un homme en perdition qui, plongé dans l’épreuve, va lutter et se retrouver, comprendre ce qui importe vraiment et tenter de regagner ce qu’il était sur le point de perdre. Une histoire de rédemption donc. Cerise sur le gâteau, l’ensemble est traversé de petits traits d’humour, parfois très noirs. Rien d’étonnant dès lors que les USA en aient immédiatement acquis les droits … pour en produire un remake. A la base « Chasseurs de têtes » est un roman dû à la plume de Jo Nesbø et paru en français chez Gallimards.

Roger est un grand enfant. Il a peur de devenir père et de perdre au profit de son fils l’amour de sa femme. Sa vie repose sur des mensonges : double « métier », amante, train de vie inabordable, jusque dans son slogan « tout repose sur la réputation » – le paraître plutôt que l’être donc… Roger vacille. Son combat ne se livre pas que pour sauver sa vie, mais aussi pour la comprendre. Et par là, la transformer. Il n’est que de voir le nombre d’étapes symboliques de naissances et de mort : abandon par deux fois de ses vêtements à la rivière, rasage de la tête, enfouissement dans des excréments… c’est du dépouillement des oripeaux et du masque que surgira le Roger nouveau. Sa Némésis n’est là que pour le confronter à lui-même.

La mécanique du scénario est jouissive. Tous les ennuis de Roger découlent de son refus de s’assumer [attention, SPOILER] : il compense son complexe de taille en prenant une amante mais, n’assumant pas cette relation, la largue dès qu’elle veut le présenter à quelqu’un. Ensuite, son refus de faire un enfant à Linda la poussera dans les bras de Cas, ce qui le rendra jaloux et lui fera casser la candidature de Cas qu’il était au contraire censé soutenir. Il devient donc dès lors un obstacle pour ce dernier. Ces deux éléments causeront tous ses problèmes. [fin du SPOILER]

Le titre est particulièrement judicieux puisque, notez le pluriel, il réfère autant à la profession de Roger qu’au rôle de celui qui va le traquer impitoyablement.

HEADHUNTERS a été présenté en avant première à l’Etrange Festival 2012… et y a glané à la fois le prix “Nouveau Genre” et le prix du public. En Belgique, il est sorti en salles en juillet 2012.

Retrouvez notre couverture de l’Etrange Festival 2012.


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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare

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