Un texte signé Alexandre Lecouffe

Italie - 1964 - Domenico Paolella
Titres alternatifs : Ercole contro i tiranni di Babilonia
Interprètes : Rock Stevens, Helga Liné, Mario Petri

retrospective

Hercule contre les tyrans de Babylone

Le demi-dieu Hercule est un des personnages phare de l’âge d’or du péplum italien qui n’entretiendra généralement que de lointains rapports avec les récits mythologiques grecs. Premier film d’une longue série, LES TRAVAUX D’HERCULE (Pietro Francisci, 1957) ne reprend que trois des épreuves du héros, agrémente son scénario de références à la conquête de la Toison d’Or et invente des péripéties. Plus tard, les scénaristes fabriqueront de toutes pièces des aventures herculéennes plus rocambolesques et farfelues les unes que les autres (HERCULE A LA CONQUETE DE L’ATLANTIDE de Vittorio Cottafavi, 1961 ; HERCULE CONTRE LES FILS DU SOLEIL de Osvaldo Civirani, 1964, qui se déroule chez les Incas !…). Incarné par toute une série de body-builders plus ou moins expressifs et au jeu d’acteur souvent très limité, Hercule est en fin de carrière lorsqu’il apparaît dans HERCULE CONTRE LES TYRANS DE BABYLONE sous les traits de Rock Stevens (alias Peter Lupus, futur acteur de la série MISSION IMPOSSIBLE). Le réalisateur Domenico Paolella est quant à lui un honnête spécialiste du « muscle-opera » qu’il illustrera de nombreuses aventures de Maciste, d’Ursus et autres gladiateurs (MACISTE CONTRE LE CHEIK, 1962 ; HERCULE DEFIE SPARTACUS, 1964).
Ashur et Salmanassar, les deux frères qui règnent en tyrans sur Babylone, détiennent parmi leurs nombreux prisonniers la reine grecque Hespéria. Ignorant sa précieuse identité, les deux despotes s’étonnent que le monarque assyrien Phaleg souhaite leur acheter Hespéria à prix d’or (ce dernier compte l’épouser de force afin de s’emparer de son trône). Les deux frères découvrent la vérité et décident de faire parler toutes leurs prisonnières grecques pour identifier la reine. Heureusement, Hercule qui est amoureux d’Hespéria arrive enfin à Babylone bien décidé à libérer sa reine et à tenter du même coup de rétablir paix et justice dans la cité corrompue.
HERCULE CONTRE LES TYRANS DE BABYLONE est tourné à l’époque du crépuscule du péplum : celui-ci est progressivement détrôné après 1964 par le western « spaghetti » et Hercule est en train de vivre ses derniers jours. Il faudra que l’amateur attende la fin des années 70 pour voir renaître brièvement en Italie le « péplum pour adultes » (MESSALINE, IMPERATRICE ET PUTAIN de Bruno Corbucci, 1977 ; CALIGULA de Tinto Brass, 1979…). Bien que situé dans le légendaire cité de Babylone, symbole d’une société mercantile, corrompue, décadente, HERCULE CONTRE LES TYRANS DE BABYLONE reste très sage dans son approche descriptive de ce lieu de perdition : pas de scènes scabreuses, aucune orgie, pas même une petite danse érotique dans le palais des tyrans… Le film comble cependant ce manque d’audace par des scènes de foule et de combats d’une certaine ampleur et par l’utilisation de décors, de maquettes et de matte-painting qui rendent crédible son espace diégétique. Comme il est fréquent dans le péplum, la figure du « méchant » est plus intéressante (car plus complexe) que celle du héros univoque ; le Mal est ici représenté sous une forme tricéphale : deux frères et une sœur. Les trois tyrans qui ont un but commun (identifier Hespéria pour ensuite usurper son trône) se livreront une guerre fratricide où tous les crimes et trahisons sont permis. Tanit, l’élément féminin de ce trio machiavélique, est interprétée par Helga Liné (LES AMANTS D’OUTRE-TOMBE de Mario Caiano, 1965) qui apporte au film une once d’érotisme sombre. Quant à Hercule, on peut se demander si le réalisateur n’a pas cherché à le rendre ouvertement ridicule : quasi-muet, inexpressif au tout dernier degré, il parcourt le film armé d’un gros gourdin dont il se sert très efficacement mais qui le fait ressembler à un homme des cavernes ! On sourira donc à le voir s’adonner à son « coup » favori qui consiste à lancer son arme préhistorique reliée à une corde sur des adversaires qui s’effondrent alors comme de vulgaires quilles. A l’opposé de ces séquences comiques, on notera une scène très réussie dans laquelle Hespéria et plusieurs dizaines de ses suivantes sont attachées à des poteaux de bois et condamnées à souffrir de la faim et de la soif tant que l’une d’entre elles n’aura pas révélé l’identité de la reine. Habilement filmée (la caméra en travelling arrière révèle progressivement l’ampleur de ce « jardin des supplices »), soulignée par la musique lyrique d’Angelo Lavagnino, cette courte séquence atteint une dimension tragique que l’on ne retrouve pas suffisamment dans le reste du métrage. Le film se suit cependant sans déplaisir jusqu’à son final qui voit la destruction par un seul homme (devinez qui ?) de la cité mésopotamienne dont les ruines enseveliront le péplum italien classique à tout jamais…


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- Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

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