Un texte signé Alexandre Thevenot

Québec - 2010 - Maude Michaud

Festival Maudits Films 2011indie-eye

Hollywood skin

Deux amies se retrouvent. L’une d’elles invite l’autre à tenter des auditions d’actrice, étant sûre par avance qu’elle aura du succès. Malheureusement une différence physique les sépare : la première correspond aux critères attendus alors que la seconde est plus corpulente. De ce fait, les auditions que passe cette dernière n’aboutissent pas. Seule dans sa chambre, à demi nue face au miroir, elle va tenter de se rendre plus belle, n’hésitant pas à passer par les extrêmes.
L’histoire racontée dans ce court-métrage tient en quatre lignes. Une idée est esquissée (le mal-être d’une personne envers sa propre apparence) et un discours est prononcé (l’impossibilité de s’intégrer dans certains endroits de la société en raison de son physique). Partant de cette base, le court métrage, sous le postulat de deux amies qui se rencontrent, va explorer avec autant de douleur que de douceur des thématiques très intéressantes peu abordées dans le cinéma en général et dans le cinéma d’horreur en particulier.
Une fois l’exposition de la situation des personnages terminée, le film devient une sorte d’huis clos introspectif où la jeune femme, par l’intermédiaire d’un miroir, est confrontée à elle même. La mise en scène, toujours très sobre, laisse parler les images et les situations pour souligner de façon plus réaliste le malaise vécu par le personnage principal. Les actions montrées dans ce film ne sont jamais gratuites. L’usage de la violence sert toujours la progression du film et le mène à une sorte d’apogée où apparaissent visuellement (ce qui a toujours plus de force qu’un long discours) les conséquences physiques d’avoir voulu se rendre plus belle et surtout d’avoir essayé. Pour aborder ce thème de façon sérieuse, il fallait faire preuve de subtilité, défi surmonté par le choix de l’actrice principale. En plus de son jeu très naturel, elle n’évoque aucune caricature, seulement une jeune femme que l’on pourrait croiser n’importe où. Mais il serait réducteur de limiter le film à son premier aspect moralisateur (ce n’est pas bien de se sentir mal dans son propre corps, il vaut mieux s’accepter comme on est, etc.).
Derrière cette histoire personnelle, il y a une vérité universelle sous-entendue durant tout le film : la dénonciation de la société d’aujourd’hui comme étant une société d’apparence. Par extension à l’histoire de la jeune femme, il y a l’univers social et ses rapports négatifs sur l’individu. Si le physique des individus n’entre pas dans des catégories normalisées, ils seront susceptibles d’être victimes de discrimination. Dans le cas du film, il y a sélection sur le physique des actrices.
Et si le film dénonce ce genre de pratiques au sein de certaines industries artistiques, il décrit également les souffrances psychologiques qui peuvent en résulter et les actes que les individus sont prêts à faire pour se faire respecter. C’est avec une froideur toute médicale que l’on suit la jeune femme en sous-vêtement se tracer des pointillés au feutre sur les zones trop grasses de son corps : les cuisses, le ventre et les joues. La mise en scène du passage à l’extrême en vue de servir un idéal physique finit par générer un malaise.
En plus d’être un film émouvant , l’intérêt d’ HOLLYWOOD SKIN réside dans sa double lecture possible : d’une part l’histoire personnelle d’une jeune femme qui ne supporte pas son propre corps et d’autre part les raisons sociales qui font que cette jeune femme ressent un malaise dans son rapport au corps.


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- Article rédigé par : Alexandre Thevenot

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