Un texte signé Sophie Schweitzer

France - 2015 - Bertrand Mandico
Interprètes : Elina Löwensohn, Nathalie Richard

retrospective

Hormona

Composé de trois courts métrages, HORMONA est une sorte de triptyque érotique bizarre, organique et charnel, poétique et surréaliste réalisé par Bertrand Mandico. Ce dernier est un artiste barré dans la veine d’un Alejandro Jodorowsky, pour son amour de la poésie et du surréalisme, et d’un Kenneth Anger, pour sa manière de concevoir ses films comme une sorte d’orgie fantastique et merveilleuse autant que sataniste (dans le sens premier du terme).

Y A-T-IL UNE VIERGE ENCORE VIVANTE, court métrage de 9 minutes, s’attaque à la légende de Jeanne D’Arc. Contrairement à la légende, elle n’était pas vierge mais aurait été déflorée par un étalon anglais. Capturée par les anglais, qui lui ont brûlé les paupières, elle se met en quête d’une pucelle qui lui rendrait la vigueur de sa jeunesse perdue. Au cours de cette quête sexuelle et sensuelle, le personnage de Jeanne d’Arc affublée d’yeux en métal, apparaît comme une figure inquiétante au destin tragique. La mise en scène quant à elle est envoûtante, comme un poème macabre, avec un style inimitable s’inspirant de l’atmosphère sexy et bizarre des années 70 donnant à ses métrages une touche d’orgie hippie aussi charmante que perturbante. Et c’est une voix off magnétique de Michel Picolli qui nous guide, nous spectateur perdu, au sein de la légende revisitée de la pucelle d’Orléans.

NOTRE DAME DES HORMONES raconte l’histoire de deux actrices anglaises qui adoptent une créature sexuelle étrange. Cette machine à orgasme et à sensualité rend nos deux actrices jalouses au point de chercher à s’entretuer ou d’accorder une fin brutale au réalisateur venant les visiter dans leur maison de campagne. Dans cet univers fantastique où des hommes nus couvert de peinture argentée servent de candélabres, de statues vivantes mais inanimées, l’on songe bien vite à l’univers aussi débridé d’ORANGE MÉCANIQUE. Fable sur le désir et l’envie en découlant, la jalousie compulsive, et l’amour de soi, ce court métrage brille par une profondeur délectable et une intensité brûlante du jeu d’actrice autant que d’une mise en scène où se croise l’amour du genre (la créature évoquant le côté barré de séries B comme BRAINDEAD ou EVILDEAD) autant que la passion dévorante du réalisateur pour l’onirisme surréaliste sexy du cinéma des années 70.

Enfin, PREHISTORIC CABARET court métrage de 9 minutes, clôturait le programme. On y voit, en Islande, une maîtresse de cérémonie nous proposant un voyage au centre de ses organes pour nous amener à la rencontre de l’origine de la vie. Via une caméra organique introduite dans l’anus, le public est amené à suivre le parcours de la caméra et accompagner la maîtresse de cérémonie dans une transe extatique. La montée en puissance est manifeste, et incroyablement bien filmée, maîtrisée par un véritable auteur qui termine son récit par une actrice seule dans une salle vide demandant encore et encore à son public disparu s’ils ont aimé. Un écho étrange et une mise en abîme qui ne peut laisser le spectateur indifférent.


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà


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