Humanoids from the deep

Un texte signé Patrick Barras

USA - 1980 - Barbara Peeters, Jimmy T. Murakami
Titres alternatifs : Les monstres de la mer, Monster, Das Grauen aus der Tiefe
Interprètes : Doug McClure, Ann Turkel, Vic Morrow, Cindy Weintraub, Anthony Penya

A Noyo, petite bourgade de pêcheurs californienne, une pêcherie industrielle envisage de s’installer et se propose de venir mettre du beurre dans les épinards des autochtones, avec l’aide de scientifiques ayant mis au point une espèce de saumons génétiquement modifiés pour grandir plus vite. Alors que le projet semble réjouir la majorité de la population, suite à une série d’incidents et de disparitions, le village se voit peu à peu confronté à une invasion de mystérieuses créatures, mi-hommes mi-poissons.

À l’aube des années 80, peu avant de revendre New World Pictures (en 1983), Roger Corman va mettre les bouchées doubles en terme de générosité (comme on dit dans les émissions culinaires…) pour ce qui est de l’érotisme et du gore. Cela nous donnera quelques productions copieusement servies du type de LA GALAXIE DE LA TERREUR ou de MUTANT (au rayon science fiction horrifique), mais avant ça il y aura HUMANOIDS FROM THE DEEP en 1980 concernant le film de monstres. Il faut dire que les deux genres sus-cités ont subi un impressionnant reboot avec ALIEN (auquel le film emprunte d’ailleurs son final) et dans une bien moindre mesure avec PROPHECY (de John Frankenheimer) l’année précédente. Roger Corman ne pouvait y voir qu’une fabuleuse aubaine.

Peu importe qu’on le taxe d’attentisme. En route donc pour du bis généreux (comme ils disent à Top Chef…), décomplexé et jouissif. Car c’est ce que l’on se disait en 1980 quand on fréquentait les salles de quartier et que l’on repérait alors une production New World. Force est de reconnaître qu’avec HUMANOIDS FROM THE DEEP on en a dans l’assiette.

Le scénario lorgne indubitablement vers le fantastique écologique (tout comme PROPHECY), alors en vogue à l’époque, mais ça reste un alibi pour nous offrir en définitive du bis bien gluant et craspec comme on aime. Le ton est d’ailleurs donné avant la fin du premier quart d’heure quand deux figures emblématiques du cinéma tout public, le blondinet dodu et joufflu et le chien fidèle et malin (pas tant que ça, en fait…), sont effacés définitivement du casting. Le premier noyé et mis en pièces et le second réduit à l’état de tartare velu. Certes, dès 76 Carpenter avait déjà envoyé valdinguer du 7.63 Mauser entre deux nattes blondes taille fillette, mais ça fait toujours un bien fou de dégager ces fâcheux et ça permet ensuite de se concentrer sur l’essentiel.

L’essentiel étant les velléités libidineuses des monstres marins et leur besoin impérieux de se reproduire hors les liens sacrés du mariage avec nos filles et nos compagnes les humaines, écharpant (généreusement, toujours…) au passage tout mâle qui traînerait avec elles. De ce côté là, la production n’a pas été avare, au point que Barbara Peeters, refusant de tourner un surcroit de scènes de nudité, se vit « remerciée » et remplacée au pied levé par Jimmy T. Murakami qui s’appliqua à atteindre le quota fixé.

Cela ponctue, avant un point d’orgue en forme de carnage final, une trame basée sur la résistance d’un représentant d’une communauté indienne (tiens, revoilà PROPHECY), Johnny, face aux industriels, aux scientifiques et aux pêcheurs vénaux. D’abord en proie à l’hostilité de la population et plus particulièrement de Hank (joué par Vic Morrow), un patron de pêche cupide et raciste à la tête d’une bande de fronts bas qui lui obéissent au doigt et à l’oeil, Johnny sera rejoint au fur et à mesure que la menace grandira par Jimbo et le docteur Suzan Drake. Jimbo (Doug McClure) possédant un intellect et une conscience humaniste plus développés que ses collègues pêcheurs, et le Docteur Drake (Ann Turkel) pressentant puis révélant progressivement une grosse bévue de la part de ses confrères scientifiques. Pensez donc, des saumons transgéniques s’étant fait la malle se sont vus bâffrés par des coelacanthes qui ont du coup muté à une vitesse fulgurante. Argument tiré par les nageoires, mais ça peut passer.

De toute façon, l’invasion massive et sanglante de Noyo par les homo-coelacanthus libidineux, le jour de la fête du village, finira bien par mettre tout le monde d’accord, protagonistes et spectateurs, histoire aussi d’atteindre le quota de gore auquel on était en droit de s’attendre. Ce qui n’exclue pas un retour de mamelles inopiné avec la présence à la fête d’une Miss Saumon (Si si…) fort gironde. Dans le genre “Y’en a un peu plus mais je vous l’mets quand même, c’est cadeau”, quand on parle de générosité…

Quand bien même l’enchaînement des scènes peut paraître décousu du fait de la gratuité de certaines (boobs quota oblige), la réalisation et le montage du film sont nerveux, assez bien menés et pas déplaisants du tout (en n’étant pas trop tatillon s’entend). Les effets spéciaux de maquillage sont plutôt réussis et les costumes, du fait du budget à la Corman, ne sont tout compte fait pas si mal que ça. Le fait est que moins les exposer en entier les aurait rendus plus efficaces. Mais ça tout le monde le sait…

À presque 40 ans de distance, HUMANOIDS FROM THE DEEP demeure un sympathique spectacle, et le saupoudrer d’un soupçon de nostalgie ne peut qu’en réhausser la saveur.


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- Article rédigé par : Patrick Barras

- Ses films préférés : Il était une fois en Amérique, Apocalypse now, Affreux, sales et méchants, Suspiria, Massacre à la tronçonneuse


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