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Ichi

Imaginé par le romancier Kan Shimozawa (1892 – 1968), le personnage de Zatoichi, un masseur aveugle incroyablement doué au sabre, est devenu une figure incontournable du cinéma japonais. Si le personnage est créé sur grand écran en 1962 par Shinaro Katsu qui l’interpréta dans pas moins de 26 films et 112 épisodes d’une série télé, il faudra attendre Takeshi Kitano en 2003 et sa propre version de l’histoire pour enfin en entendre parler en occident. Présent dans plusieurs autres films, mangas et même pièces de théâtre, Zatoichi est devenu un mythe au sein de la culture japonaise. En 2008, le réalisateur Fumihiko Sori décide de livrer une nouvelle vision de ce monument en transformant Zatoichi en femme, Ichi.
Ichi est une jeune orpheline, musicienne errante, à la recherche du sabreur aveugle qui lui a tout appris. Un jour, elle sauve la vie de Toma, un samouraï errant et pas franchement doué, aux prises avec le terrible clan Banki. Dès lors, elle devient à son tour l’ennemie jurée de ce clan.
Ancien de chez Digital Domain, la société d’effets visuels de James Cameron, le réalisateur a travaillé sur TITANIC avant de rejoindre son pays d’origine pour y tourner son premier long, PING-PONG, en 2002. Après cette comédie sportive et un détour par l’animation avec VEXILLE, le voilà qui se penche sur une réinterprétation de l’histoire du masseur aveugle. Dans le rôle-titre, la jeune Haruka Ayase (un transfuge des fameux drama, soaps japonais) fait merveille. Dotée d’une sacrée présence malgré sa petite taille et sa finesse, elle dévore l’écran à chacune de ses apparitions et sait comme personne manier le décalage entre son apparence délicate et le déchainement de violence millimétrée dont elle a le secret. Construit comme un western, ce chambara est loin de faire preuve d’originalité dans son histoire ou son traitement. Seul l’utilisation de l’élément féminin apporte un peu de sang neuf au métrage. En effet, sans être déplaisant, ICHI est un film très classique dans sa construction et son seul élément novateur réside en la capacité d’une jolie demoiselle aveugle d’envoyer de vie à trépas en un clin d’œil quiconque le mérite à ses yeux. Les gerbes de sang numériques sont alors au rendez-vous, imbibant l’écran d’un rouge vif du plus bel effet. Conscient de l’importance des nombreux (mais brefs) combats qui ponctuent son film, Fumihiko Sori en confie la chorégraphie à Hiroshi Kuze, le chorégraphe des dernières œuvres d’Akira Kurosawa (et plus particulièrement RAN). En résulte une fluidité et une souplesse presque féline dans les attaques d’Ichi, qui tranche net avec les attaques franches et massives des hommes contre lesquels elle livre bataille. En dehors de ces passages, le film suit une routine que l’on contemple avec un ennui poli, oscillant entre éléments dramatiques et comiques qui finissent par s’annuler mutuellement. En revanche, les images sont accompagnées d’un musique déroutante et inattendue : en lieu et place de mélodies traditionnelles, la composition de la bande originale a été confiée à Lisa Gerrard, chanteuse du groupe Dead Can Dance et auteure de la musique de GLADIATOR. En résulte alors un traitement sonore aussi déroutant que les capacités de l’héroïne, deux qualités qui auraient méritées un scénario plus dense afin de rendre justice au mythe qu’ICHI est censé renouveler.

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