chroniques-infernales

Ici OSS 117

« Hubert faisait un rêve horrible. Il se trouvait dans une cave voûtée et d’étranges personnages vêtus de longues robes et coiffés de cagoules, tournaient autour de lui dans une ronde fantastique. Il avait le torse pris dans un étau qui épousait fidèlement la forme de son corps et le broyait lentement, serré par un bourreau gigantesque (…). Derrière lui, un petit homme (…) lui enfonçait d’un mouvement régulier une énorme vrille dans la base du crâne. » (P. 145)

Que les esprits chagrins ou les rieurs le veuillent ou non, OSS 117 est notre James Bond et fut même créé par Jean Bruce quelques années avant le plus célèbre agent secret du monde.
Aux yeux des plus jeunes, aujourd’hui, OSS 117, c’est Jean Dujardin pour les parodies hilarantes mais irrespectueuses du héros qui l’ont rendu célèbre. Dans un sens, ces films ont ressucité ce mythe de l’espionnage pop français… tout en l’assassinant proprement. OSS 117, immortel ? Peut-être, comme tous les vrais héros, même s’il s’avance aujourd’hui affublé des oripeaux de la drôlerie irrévérencieuse.
Jean Bruce aurait sans doute ri lui-même des Dujardin, tant l’humour (jamais parodique) s’avérait présent dans nombre de ses romans, comme dans ce ICI 0SS 117, remake espionnage du polar TU PARLES D’UNE INGENUE, de 1949. Un remake retraduit en Italie, avec les honneurs, il y a deux ans. Un honneur qu’on aimerait connaître aussi dans sa mère patrie, alors que les San-Antonio, autre monument de la littérature populaire certes plus apprécié des critiques, connaissent aujourd’hui ceux de la collection Bouquins.
Les bons mots fusent au milieu d’une intrigue violente où les cadavres volent bas. OSS 117 (dont on apprend ici l’origine de son improbable nom de famillle : Bonnisseur de la Bath !) est un bel héros bourré de charme. Comme souvent dans l’espionnage, tout un petit monde d’espions (ici mêlé de bandits de Pigalle, qu’on croirait tout droits sortis d’un André Héléna) s’entre-tue pour retrouver des documents top secret qui ne présentent guère d’intérêt pour le lecteur – qui s’en moque et attend juste son coompte de péripéties.
Dieu sait que ICI OSS 117 n’en manque pas (Hubert échappe de peu à la torture au fer brûlant !). Les OSS girls sont nombreuses (dont une jeune nympho de 16 ans, politiquement incorrecte,qui se jette au cou de Hubert !), c’est très chaud sans être porno, vulgaire ou même misogyne (caractéristiques de tout bon SAS futur qui se respectera). Tout le charme du sexy des années 50, avec aussi un beau personnage de femme fatale très classe qui trouve une mort tragique dans LA scène émouvante du roman.
L’écriture de Jean Bruce est alerte, spirituelle et rythmée, et tout est mis en oeuvre pour que l’ennui ne trouve jamais place en ces pages certes un peu surannées. Ce qui ajoute un écrasant charme rétro au bouquin.
Jean Bruce a créé (après Peter Cheyney, sans doute) un style que popularisera 007. Sa prose est même plus enlevée (et moins litttéraire, certes) que celle de Ian Fleming.
A tout prendre, on donnerait tout CASINO ROYALE pour quelques chapitres de ICI OSS 117, une forme de perfection dans le roman de gare qui ne sera pas toujours atteinte par Jean Bruce, contraint un temps d’écrire un OSS par mois, et encore moins par les nègres de son épouse Josette, la qualité de l’oeuvre monumentale et familiale allant s’amenuisant avec le temps, au fil des quelques 240 missions du « prince pirate ». Ce, malgré des sursauts comme le très bon grand retour de l’agent de la CIA en 1987, signé des enfants Bruce, OSS 117 EST MORT, certes sous influence des productions Gérard de Villiers. OSS, comme le monde dans lequel il évoluait, s’était fait toujours plus dur avec le temps.

OSS 117 reviendra.

(En attendant, on peut toujours relire le dossier sur les premiers films de la série publié dans SUEURS FROIDES N°29)

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