Il était une fois le diable

Un texte signé Philippe Chouvel

France - 1985 - Bernard Launois
Titres alternatifs : Devil Story
Interprètes : Véronique Renaud, Marcel Portier, Catherine Day, Nicole Desailly, Christian Paumelle

A cause d’un problème mécanique de leur véhicule, un couple est contraint à passer la nuit dans un village retiré, près des côtes normandes. La jeune femme et son compagnon sont hébergés par des paysans, dans un château transformé en hôtel. L’attitude des autochtones est pour le moins étrange, avec ce vieil homme persuadé que le cheval noir qui rode dans les parages est un envoyé du Diable, et sa femme qui raconte d’étranges événements s’étant déroulés dans le passé. Il est notamment question des naufrageurs, des bandits qui attiraient autrefois les bateaux près des côtes afin qu’ils s’échouent sur les récifs. Ainsi, un navire britannique, qui revenait d’Egypte avec une cargaison mystérieuse, aurait été victime des naufrageurs. Qu’est devenu le soi-disant trésor qu’il renfermait ?
Nul ne le sait, et les touristes se promenant dans les alentours ignorent aussi qu’un être monstrueux tue impitoyablement toutes les personnes qu’il rencontre…
Résumé ainsi, DEVIL STORY passerait presque pour une série B d’horreur anecdotique. Mais le film de Bernard Launois entre en réalité dans le cercle très fermé des séries Z renommées, dans la catégorie des films unanimement considérés comme ratés, et devenus cultes de par leur nullité absolue. Il faut avouer que DEVIL STORY mérite amplement la place dans laquelle les amateurs comme les professionnels du cinéma l’ont catalogué.
Car nulle part ailleurs vous verrez un film d’horreur débutant comme un slasher, avec ce serial killer au visage défiguré poussant des grognements, affublé d’une veste portant le symbole nazi. Un être censé faire peur que l’on voit, dès le teaser, se prendre les pieds dans une ficelle de tente, et trainer cette dernière lamentablement sans parvenir à s’en défaire. Ce qui ne l’empêche pas de tuer, et tuer encore… Puis, le réalisateur introduit une nouvelle menace : un chat noir. Après, c’est au tour d’un cheval, noir également, de représenter un autre danger. Bernard Launois n’ayant peur de rien, lui, poursuit son « festival » en lâchant dans la campagne verdoyante des environs de Fécamp une momie, une pseudo reine égyptienne morte vivante et, cerise sur le gâteau, un bateau-zombie (fait unique dans les annales du cinéma fantastique) surgissant non pas du fond de l’océan, mais des entrailles de la terre !
Doté d’un budget dérisoire, le réalisateur ne parvient évidemment pas à éviter certains écueils, accumulant ainsi les scènes inutiles et les plans répétitifs. L’unité du temps est complètement anarchique, le jour et la nuit alternant dans un joyeux chaos. Le jeu des acteurs (peu nombreux) est on ne peut plus amateur, et la direction de ceux-ci quasi inexistante. Les effets spéciaux et la musique sont du même acabit, c’est-à-dire pitoyables.
Au bout des soixante douze minutes que dure le film on arrive finalement à cette incroyable conclusion, à savoir qu’il est impossible de compter les scènes mémorables, tellement elles sont nombreuses. En parvenant au zéro absolu en termes de qualité, Bernard Launois a réalisé une forme d’exploit, une performance qui lui a permis par exemple d’être comparé à Ed Wood Jr. Il s’agit là, en quelque sorte, d’une consécration pour le cinéaste, qui signe là son sixième et dernier long métrage. L’apothéose, donc, pour cet homme qui avait commencé sa carrière avec quelques œuvres érotiques hélas invisibles (LACHEZ LES CHIENNES, LES DEPRAVEES DU PLAISIR), avant de poursuivre dans le filon comique, avec des titres évocateurs comme SACRES GENDARMES et TOUCH’ PAS A MON BINIOU (avec Sim).
Notons que le directeur de la photographie, Guy Maria, fut lui aussi réalisateur d’une demi-douzaine de films, tous à consonance érotique et aux titres mémorables comme LES KARATECHATTES.
Enfin… Faut-il parler des acteurs ? Non, il ne vaut mieux pas. Signalons quand même la présence de Marcel Portier, qui joua sous la houlette de réalisateurs aussi différents que Claude Sautet et José Benazeraf. Dans EN TOUTE INTIMITE, film obscur de 1976, il interprétait, cela ne s’invente pas, le rôle d’un… portier !
Quoi qu’il en soit, la vision d’IL ETAIT UNE FOIS LE DIABLE est hautement recommandable, pour toutes les mauvaises raisons évoquées plus haut. En effet, il serait dommage de passer, pour ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion de le voir, à côté d’une expérience filmique unique. Sa capacité à atteindre des sommets dans la nullité le rend fascinant. En résumé, et pour reprendre une phrase de Jérôme Bonaldi, regarder DEVIL STORY, c’est totalement inutile et donc rigoureusement indispensable !


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Philippe Chouvel

- Ses films préférés : Femina Ridens, Les Démons, Danger Diabolik, L’Abominable Docteur Phibes, La Dame Rouge Tua 7 Fois

Share via
Copy link