retrospective

Il rosso segno della follia

Propriétaire d’une maison de haute couture qu’il a héritée de feue sa mère, spécialisée dans la création de robes de mariées et maintenue à flots grâce à l’argent de sa femme Mildred (qui au passage lui refuse le divorce…), John Harrington est un psychopathe. Un paranoïaque, comme il se plaît lui même à se qualifier, qui a déjà à son actif les meurtres de cinq jeunes femmes fraichement mariées. Il est également le détenteur d’un lourd secret, un mystère lié à la mort de sa mère, qu’il est persuadé de pouvoir éclaircir et résoudre en continuant à tuer…

Curieux film que ce IL ROSSO SEGNO DELLA FOLLIA. Débutant comme un giallo, il en respecte durant quelques minutes les codes que Bava lui-même a grandement participé à édicter pour mieux les envoyer balader rapidement, à la fin de la séquence d’ouverture. Suite à cela, une fois que le réalisateur nous aura révélé l’identité du tueur, nous nous trouvons face à un film de psycho-killer, une sorte de « proto-slasher » teinté d’éléments policiers traditionnels et qui sera mâtiné de fantastique durant son dernier tiers. Hybridation tout compte fait bienvenue et propre à rompre l’aspect monolithique, voire pesant, qu’aurait pu avoir la simple peinture d’un portrait de tueur fou.

Ce qui le rend en partie passionnant pour l’amateur de l’oeuvre de Mario Bava, c’est quand il permet de mesurer quantitativement, presque à lui seul, l’influence que le Maestro a pu avoir sur le cinéma d’exploitation ou de genre des années qui suivront. Les réminiscences d’un traumatisme lié à des évènements dramatiques durant l’enfance et qui viennent ponctuer le récit de manière fantasmatique ne seront pas sans rappeler celles qui surgiront plus tard dans les films de Dario Argento (dans L’OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL, et plus particulièrement dans LES FRISSONS DE L’ANGOISSE), ou encore dans CAUCHEMAR À DAYTONA BEACH, de Romano Scavolini. Et tant d’autres… Les rapports troubles que John entretient avec des mannequins, le menant à une fracture avec la réalité auront sans doute un lien de paternité flagrant avec ceux du MANIAC de william Lustig.

Alors c’est certain, il y a par petites touches pas mal de Mario Bava dans bon nombre de métrages, de ci et de là (sous forme de copier/coller plus ou moins discrets ou d’hommages assumés), mais IL ROSSO SEGNO possède cette faculté de pouvoir, de manière un peu plus évidente et immédiate que d’autres, vous amener à apprécier pleinement les fruits de votre cinéphilie (ou de votre cinéphagie, c’est selon) – Allez, après tout, un soupçon d’autosatisfaction mesurée ne peut pas faire de mal…

Pour le reste, un scénario cousu de fil blanc livrera somme toute rapidement à bon nombre de spectateurs ses tenants et ses aboutissants et permettra d’appréhender assez facilement ce qui motive les agissements de John, voire de deviner les circonstances de la mort de sa mère. Ce que traitait en arrière plan et laissait à découvrir progressivement Hitchcock dans PSYCHOSE (car nous sommes bel et bien également ici dans l’exposé du cas pathologique d’un psycho-killer, en priorité) nous est déversé dans IL ROSSO SEGNO DELLA FOLLIA de manière bien plus explicite et exhaustive (on serait tenté de dire en vrac et de manière relativement simpliste) au point de monopoliser une part importante du récit et du propos. Récit par ailleurs en partie conduit par une voix off à la première personne, dont on peut par moments douter de la pertinence.

Fort heureusement, l’apport du fantastique durant le dernier tiers du métrage viendra égayer un sentier qui apparaissait un peu trop bien balisé, et la lecture qu’aurait de l’ensemble le spectateur actuel, désormais un peu trop coutumier des ressorts psycho-pathologiques qui sous-tendent le film de Bava (on peut pour le coup se poser la question de savoir comment nous aurions perçu IL ROSSO SEGNO en 1970). Fantastique qui n’est pas sans amener par moments au film une touche d’humour noir des plus appréciables, particulièrement à la toute fin.

Au final, on trouvera dans IL ROSSO SEGNO DELLA FOLLIA toutes les qualités techniques et formelles qui sont la marque de fabrique de Bava. Il n’est plus besoin de s’appesantir sur sa maîtrise de la photographie et de la lumière, mais nous pouvons quand même relever bon nombre de plans teintés de psychédélisme de toute beauté ; et qui sont loin de faire figure de cheveux sur la soupe au sein d’une narration et d’un métrage qui par ailleurs sont assez avares en effets spectaculaires – notamment lors des scènes de meurtres, d’une rare sobriété (repensons à LA BAIE SANGLANTE, par exemple…), où il importe plus de mettre l’accent sur une lame au poli impeccable que sur des entailles et des flots d’hémoglobine.
Notons aussi au passage la qualité de la musique de Sante Romitelli, dont la variété des tonalités sied parfaitement au mélange des genres que nous propose ici Mario bava.

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