BIFFF 2009indie-eye

I’ll never die alone

Depuis quelques décennies, la plupart des jeunes réalisateurs qui signent leur premier long métrage sont atteints de cinéphilie aiguë. Mais contrairement à leurs prestigieux aînés, parmi lesquels on compte aussi bien les créateurs de la nouvelle Vague que Martin Scorsese, qui devaient courir les cinémathèques et les rétrospectives pour assouvir leur passion, cette génération post-Tarantino a pu bénéficier de la multiplicité des supports et ainsi avoir accès à un catalogue international. Lorsque ces passionnés se lancent dans la réalisation et abordent le cinéma de genre, ils assurent la promotion de leur premier né en citant régulièrement les mêmes influences, presque toutes issues du catalogue des années 70. Hélas, le produit fini ne présente bien souvent que peu de points communs avec ces références, juste quelques clins d’œil parfois trop appuyés.
Adrìan Garcìa Bogliano, avec I’LL NEVER DIE ALONE n’échappe pas à cette première règle et case dès le générique de son film toute une liste d’influences très hétéroclites, hautement recommandables par ailleurs puisqu’on y retrouve, entre autres, Bresson, Boris Vian, Carlos Reygadas, Kitano, Christina Lindberg et Nicolas Roeg. Etalée sur quatre plans, cette note d’intention, en plus de présenter rapidement les goûts du réalisateur, a aussi pour but de tenter de préparer le spectateur au spectacle qui va suivre. Le scénario est des plus basiques et son déroulement on ne peut plus prévisible. Malgré cela, et en dépit de son budget microscopique, le film s’en tire avec les honneurs et sort vainqueur du jeu des références. I’LL NEVER DIE ALONE arrive à développer une ambiance qui lui est propre, tout en renvoyant à LAST HOUSE ON THE LEFT (Wes Craven, 1974) et I SPIT ON YOUR GRAVE (Meir Zarchi, 1977) pour ne citer que les plus évidents.
Quatre étudiantes traversent la campagne argentine et découvrent, au détour d’une petite route, le corps ensanglanté d’une jeune fille qui semble avoir été agressée sexuellement. Elles hissent rapidement la malheureuse agonisante dans leur voiture et foncent vers le village le plus proche, alors que non loin des lieux du drame un groupe de chasseurs fait un carton dans la forêt environnante. Hélas, elles arrivent trop tard au commissariat et ne livrent au policier qu’un cadavre. Durant leur déposition, l’une d’elle explique au représentant de la loi qu’elle a clairement vu les chasseurs, mais se rétracte rapidement à l’arrivée d’un officier supérieur qui se trouve être l’un des membres du groupe. Autorisées à poursuivre leur route, le quatuor quitte rapidement le village, suivi par la voiture des chasseurs. Vite rattrapé, le véhicule des filles est détourné dans les bois, à l’abri des regards. Là, elles sont impitoyablement battues et violées…
Le Rape & Revenge est un sous-genre qui se prête bien au petit budget, à condition d’avoir des acteurs convaincants et un minimum de savoir faire pour garder l’attention du spectateur. Au niveau de l’interprétation, le pari est gagné puisque l’ensemble du casting reste crédible. En outre, plus on avance dans le film, moins il y a de dialogues, ce qui est toujours un avantage lorsqu’on tourne avec des non-professionnels. Mais le point fort du métrage vient de sa mise en scène. Dès les premières images, le réalisateur impose un style personnel et choisit de coller au plus près de ses personnages, privilégiant les plans serrés et les gros plans. La scène du viol, point culminant du film, est à ce propos des plus réussies. Fidèle aux bandes d’exploitation violentes des 70’s, les roughies, elle est un brin voyeuriste, les filles sont intégralement nues, et violente mais Adrìan Garcìa Bogliano n’insiste pas longuement sur l’anatomie de ses comédiennes, préférant imposer un habile montage centré sur les visages et les regards hagards des victimes impuissantes. Malsaine et glauque, cette séquence brute est bien plus dérangeante que toutes les scènes de torture, dont raffole le jeune public, présentent dans les SAW, car elle refuse de céder à la mode de l’esthétisme de la violence qui consiste à nous montrer des images atroces sous le couvert d’un montage et d’une photographie digne d’un vidéo-clip de popstar. Un peu moins réussie, la seconde partie nous dévoile la revanche des victimes qui sera bien évidement sanglante et très violente.
I’LL NEVER DIE ALONE est en définitif une bonne surprise dans le paysage cinématographique actuel. Sans concessions, le film se démarque d’autres productions horrifiques à petit budget par sa mise en scène très personnelle et sa volonté d’en mettre plein la vue. S’il aura du mal à convaincre les amateurs d’horreur chic, il devrait en revanche satisfaire les nostalgiques de bandes fauchées mais sincères.

Share via
Copy link