Gérardmer 2017review

Incarnate

Cameron, 11 ans, est victime d’une possession démoniaque (plus précisément d’un archi-démon – ça rigole plus, là !…). Lindsay, la mère de l’enfant fait appel à l’église qui décide de déléguer l’exorcisme à Seth Ember, un scientifique aux méthodes en marge de celles du Vatican, qui mène le combat contre les démons dans le subconscient même des victimes. Ember accepte de se charger de Cameron quand il apprend que celui-ci est la proie de Maggie, entité avec laquelle il semble avoir un lourd contentieux…

« À quoi ressemblerait un film d’exorcisme sans prêtre ? ». À priori, le postulat envisagé par le scénariste Ronnie Christensen a tout pour séduire le familier (de fait) des rituels de l’église catholique romaine maintes fois dépeints et repeints à l’écran en matière d’éradication de la pénible et tenace engeance diabolique. Dans un genre qui finit par s’essouffler à force de redites le plus souvent maladroites, toute tentative de sortir des sentiers rebattus et des poncifs n’est-elle pas à accueillir avec un tant soit peu d’enthousiasme ? Il suffit de se souvenir de la relative bonne surprise constituée par THE LAST EXORCISM (déjà critiqué dans Sueurs froides).

Le fait est que si au départ on se laisse gentiment embarquer dans ce qui s’annonce comme un hybride singulier de L’EXORCISME et de INCEPTION, on se retrouve au fur et à mesure englué, en tant que fantasticophile, dans un fourre-tout scénaristique et cinématographique pour le moins indigeste.

INCARNATE joue souvent à fond la carte de la citation (même si on se pose parfois la question de la pertinence des citations, pour ne pas dire du plagiat…), mais il semble que ça ne soit la plupart du temps que sous l’angle d’une compilation pure et simple, avec la « finesse » et la roublardise d’un Luc Besson. À quoi bon alors chercher à tant mettre en avant le fait de vouloir renouveler un genre si c’est pour autant rendre explicite sa filiation avec des recettes éprouvées et ne pas parvenir à s’en détacher davantage (on pourrait dire ici s’en dépêtrer) ?

En premier lieu de personnage de Ember, cloué sur un fauteuil roulant, avec ses allures d’ancien du Viet Nam « à la NÉ UN 4 JUILLET » convoque sans trop de distanciation l’archétype du flic détruit façon ARME FATALE, réglant ses comptes en affichant ostensiblement le fait de n’avoir plus rien à perdre. Question singularité, on abandonne ici de suite toute velléité, toute recherche également de profondeur.

Pour la suite, la transmission du mal d’un hôte à l’autre par contact rappelle immanquablement LE TÉMOIN DU MAL. Et que penser du malaise familial existant entre Lindsay, Cameron et son père, tournant autour d’une histoire de maltraitance et de bras cassé ?… Là on sent que Ronnie Christensen insiste un poil trop du côté de SHINING. Manque d’inspiration ou paresse ?…

Un ressort assez appétant du scénario n’est par contre que survolé, presque totalement délaissé, et encore peut-il nous remettre en mémoire un de ceux du VAMPIRES de John Carpenter. C’est l’appartenance de Ember au cercle des Incarnés. Caste, groupe d’anges gardiens ou congrégation occulte ? Nous n’en apprendrons que trop peu là dessus, alors que développer un minimum aurait été l’occasion d’ancrer l’histoire de INCARNATE dans une mythologie propre et singulière. Tout juste évoque-t-on une tentative d’infiltration de ces incarnés par les pires démons existants. Proximité et lutte entre deux groupes structurés et antagonistes qui déjà sous tendait en partie le CONSTANTINE de Francis Lawrence en 2005, de manière bien plus explicite.
On peut penser que les faiblesses et les lourdeurs du film proviennent de sa durée limitée à 1h21, qui fait que INCARNATE a le cul entre deux chaises, entre la volonté de produire un reboot de ce que INSIDIOUS pouvait provoquer chez les spectateurs (avec une durée supérieure et bien mieux gérée) et des prétentions qui, à force d’ellipses maladroitement compensées par des références mal intégrées, finissent par aboutir à un produit tout compte fait des plus standardisés, mais néanmoins propre à satisfaire un public en manque de références, de repères et d’expérience dans le genre abordé ; pour ne pas dire de culture (oui, cette faculté à compiler des connaissances et de expériences variées, censées conduire à une pensée individuelle et à un jugement lucide).

INCARNATE permet de mesurer à quel point le cinéma américain populaire (ou commercial) peut se retrouver majoritairement en panne. Certes, la réalisation est techniquement de bonne facture, mais toujours empreinte de tics et de poncifs visuels. Le film met en avant une tonalité sombre et crépusculaire des plus téléphonées, là où L’EXORCISTE osait parfois la pleine lumière et malgré ça parvenait à déclencher l’appréhension et le malaise (que l’on se souvienne simplement de son étonnante séquence d’ouverture…). Et au niveau du scénario rien ne nous est épargné. Il nous conduit dans un premier temps vers la fadeur et le consensuel d’une happy end proprement décevante avant de nous livrer un inévitable twist (où nous verrons que le père Damien Karras n’a pas été oublié dans la liste exhaustive des références) et des plans de fin laissant présager de l’éventualité d’une calamiteuse suite, ou pire, d’une franchise à venir…

Vouloir se débarrasser d’une mythologie ou la régénérer n’est pas forcément gage de réussite. C’est avant tout une affaire de talent et de créativité. INCARNATE vous fera peut être passer une bonne soirée mais n’est pas près de vous posséder. D’autre s’en sont chargé avant, et avec bien plus de brio et d’intelligence. Le film manque au final d’âme et de profondeur, à force de compromis mercantiles et de présupposés concernant les goûts et les attentes du public. Même CONSTANTINE peut apparaître comme plus profond ; c’est dire…

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