DossierFEFFS 2012L'Étrange Festival 2012review

Insensibles

David Martel n’a pas de chance : non seulement vient-il de perdre dans un accident de voiture sa nouvelle compagne – dont les médecins ont cependant pu sauver le fœtus dont il va devoir désormais s’occuper -, mais en outre il a été diagnostiqué d’un cancer dont il ne peut réchapper qu’à condition d’une greffe de moelle de quelqu’un de sa famille. Et pour corser le tout, il apprend à cette occasion que ceux qui l’ont élevé ne sont pas ses parents biologiques. David va devoir mener l’enquête pour retrouver ces derniers s’il veut sauver sa peau.

En parallèle, nous suivons l’histoire d’un jeune garçon de 1930, interné parce que, ne connaissant pas la douleur, il en devient dangereux pour lui-même et pour les autres.

Décidemment, les cinéastes espagnols aiment à se confronter au douloureux passé de leur pays ces derniers temps. Un an seulement après BALADA TRISTE DE TROMPETA, le séisme cinéphilique d’Alex de la Iglesia, voilà qu’INSENSIBLES remet le couvert pour revenir sur les traumas du passé espagnol. [ATTENTION SPOILER] Et plus particulièrement celui des enfants enlevés aux communistes pour être confiés aux Franquistes bon teints. [FIN DU SPOILER].

Rappelons également que, sans même compter ses productions, le Mexicain Guillermo Del Toro s’était à deux reprises – et pour ses meilleurs films – penché sur la guerre civile espagnole avec LE LABYRINTHE DE PAN et L’ECHINE DU DIABLE, déjà une histoire d’enfants internés.

Dans INSENSIBLES, l’enfant rebaptisé Berkano fonctionne comme une allégorie du peuple espagnol, privé de parole, de liberté et d’affection, puis soumis et transformé par les nazis et les franquistes. Les liens de filiation coupés entre David et ses parents, ainsi qu’ailleurs qu’entre David et son prématuré (puisque David est au bord de la mort tandis que la mère est elle déjà décédée) renvoient également aux ruptures qu’a connu le pays avec son passé : le franquisme rompant brutalement avec la jeune république, la démocratie retrouvée rompant à son tour avec le franquisme. Outre les liens, les identités resteront souvent vagues : l’enfant interné est rebaptisé, la mère de David restera innommée, son prématuré ne porte pas encore de nom…

INSENSIBLES nous donne ce à quoi le cinéma espagnol nous a habitué depuis quelques années déjà dans le cinéma de genre: une réalisation très soignée, de facture plutôt classique, portée par un budget correct. La partie « rétro » pose l’essentiel de son décors dans un ancien couvent devenu tour à tour asile, refuge des républicains, forteresse des franquistes et enfin prison d’état. Posée au somment d’une colline escarpée, entourée de forets, la bâtisse n’est pas sans évoquer un cinéma gothique qui n’en finit plus de renaitre ces derniers temps. On gardera également en tête l’inquiétant personnage de Berkano adulte, scarifié et mutique, tranchant avec le portrait de l’enfant qui prévalait dans la première partie du film.

INSENSIBLES a été bien applaudi lors de sa présentation à l’Etrange Festival 2012. Sa sortie est prévue en France le 10 octobre 2012.

Retrouvez notre couverture de l’Etrange Festival 2012.

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