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Insidious

Jeune réalisateur australien d’origine malaisienne, James Wan s’est fait connaître en 2004 avec la sortie de son premier long métrage, SAW, thriller gore tapageur et sous influence (principalement de SEVEN de David Fincher, 1995) ; le succès du film occasionnera la naissance d’une franchise fort lucrative (six suites extrêmes auxquelles James Wan ne participera que de loin) et sera le point de départ de l’éclosion d’un sous genre du thriller, le « torture-porn » (les scènes de tortures s’y succèdent et se doivent d’être à la fois très graphiques et très imaginatives). Le créateur de SAW (et son complice scénariste Leigh Whannell) se tourne ensuite vers un cinéma plus « classique », très éloigné de l’ultra-gore avec DEAD SILENCE (2007), sympathique conte gothique en forme d’hommage à Mario Bava (on pense beaucoup au segment « La goutte d’eau » issu de LES TROIS VISAGES DE LA PEUR, 1963 et à OPERATION PEUR, 1966) et DEAD SENTENCE (2008), un « vigilante-movie » explosif dans la lignée des œuvres matricielles de ce courant des années 70 (UN JUSTICIER DANS LA VILLE de Michael Winner, 1974). Produit par le trio responsable du très rentable PARANORMAL ACTIVITY (Oren Peli, 2007), budgété à $1,5 million, tourné en grande partie en numérique, précédé d’une accroche prétentiarde (« le film le plus effrayant de ces 20 dernières années… »), INSIDIOUS avait tout du projet dont l’amateur de fantastique devait se méfier ! A juste titre ?

Renai et Josh Lambert emménagent avec leurs trois enfants dans une immense maison d’une banlieue résidentielle cossue. Dalton, leur fils aîné, fait une chute sans gravité dans le grenier mais le lendemain, le garçonnet ne se réveille pas…Les médecins stupéfaits diagnostiquent un état de coma profond alors que Dalton ne présente aucune trace de lésion ou de blessure… Trois mois plus tard, c’est dans le même état que l’ enfant est ramené chez ses parents dévastés. Peu après, des événements inexpliqués surviennent qui persuadent Renai que la maison est hantée : une voix menaçante dans le « baby-phone », des silhouettes fantomatiques entr’aperçues, une empreinte de main ensanglantée sur les draps de Dalton…Devant l’insistance apeurée de sa femme, Josh accepte de déménager ; mais d’autres événements surnaturels menaçants ne tardent pas à se déclencher…

INSIDIOUS semble s’inscrire, dès sa séquence pré-générique en noir et blanc enregistrant une série de phénomènes paranormaux dans les différentes pièces de la demeure des Lambert, dans le genre hyper-familier et ultra-codifié du film de maison hantée. Déplacements ou disparitions d’objets, bruits inexpliqués, sentiment d’être observé…l’intrusion du fantastique dans le quotidien d’une famille lambda se fait de manière progressive et efficace, instaurant une tension rapidement palpable. Après l’accident et l’état végétatif du jeune Dalton, le récit suit le sentier d’une « ghost-story » où les apparitions de revenants vont se multiplier, créant un très habile sentiment d’épouvante. On retiendra notamment ce plan fixe iconique d’un terrifiant fantôme au faciès de sorcière éclairé par une chandelle, spectre qui ré-apparaîtra plus tard et dont nous tairons le rôle significatif. On frissonnera lors d’une brillante séquence jouant sur le décadrage et le hors-champ au cours de laquelle Renai (la convaincante Rose Byrne, vue dans 28 SEMAINES PLUS TARD de Juan Carlos Fresnadillo, 2007) est harcelée par une créature (un enfant difforme, un nain, un gnome… ?) jouant à cache-cache avec elle au son d’une chansonnette surannée (« Tip-toe through the tulips »). Si les références de James Wan sont ici celles du film de fantômes « adulte » à l’atmosphère glaçante (LE SIXIEME SENS de Night Shyamalan, 1999 ou le courant espagnol récent: LA CHAMBRE DU FILS de Alex de la Iglesia, 2006, L’ORPHELINAT de Juan Antonio Bayona, 2007), INSIDIOUS use trop par la suite d’effets faciles (« jump-scares » à répétition, musique stridente poussée au maximum, accumulation des apparitions monstrueuses jusqu’à saturation…) pour soutenir la comparaison avec les œuvres pré-citées. Mais la seconde partie du film propose ensuite une intrigue et des enjeux dramatiques qui aboutissent à une relecture assumée du film de Tobe Hooper et Steven Spielberg, POLTERGEIST (1982). En dépit de légères variantes (le thème du « voyage astral » ou le rôle plutôt inattendu du père), le quatrième long-métrage de James Wan déroule alors son lot de « scènes à faire » (ou à refaire, disons) dans le but avoué de se muer en « POLTERGEIST des années 2000 ». INSIDIOUS mute alors en exercice de style maniériste dans lequel les nombreuses scories (médiocre gestion des espaces, adjonction maladroite d’humour, accumulation stérile de saynètes horrifiques…) sont cependant compensées par d’évidentes qualités de mise en scène et en images: excellent montage donnant sa respiration au film, belle amplitude des mouvements de caméra, magnifique photo claire et gothique, séquences réellement terrifiantes… En définitive, INSIDIOUS emporte l’adhésion, sa générosité visuelle et thématique ainsi que sa sincérité dans l’illustration des mécanismes de la peur prévalant sur ses défauts scénaristiques,son manque de cohérence narrative et sa forme un peu trop référentielle. Après deux échecs cinglants, James Wan renoue enfin avec le succès puisque son dernier film vient de « casser la baraque » au box-office américain, amassant plus de $ 70 millions. De quoi faire craindre la mise en chantier de deux ou trois suites « insidieuses ».

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