Jigoku

Un texte signé André Quintaine

Japon - 1960 - Nobuo Nagakawa
Titres alternatifs : L'Enfer
Interprètes : Shigeru Amachi, Hiroshi Hayashi, Fumiko Miyata, Torahiko Nakamura, Yoichi Numata, Jun Ootomo

Je disais précédemment que beaucoup de films d’horreur perdent de leur force en vieillissant. Il en est de même pour JIGOKU. Cependant, ce film de Nobuo Nagakawa, le maître de l’épouvante nippone, réalisé en 1960, reste un produit à part.
JIGOKU, dans sa première partie, reste fidèle à la naïveté qui caractérise de nombreux autres films de son époque. Le début du film nous présente Shiro très intéressé par le cours auquel il est en train s’assister. Shiro n’est pas “seul”, son ami Tamura est avec lui. Le problème est que Tamura est un personnage imaginaire, une sorte de double maléfique de Shiro que ce dernier a créé afin de diminuer sa culpabilité. En effet, la nuit précédente, Tamura, ou plutôt Shiro, a renversé un homme, un yakuza, en voiture. Celui-ci est mort de ses blessures. A partir de ce moment, le monde s’écroule autour de Shiro. Un autre accident de voiture coûte la vie à sa fiancée. Les parents de cette dernière renient Shiro. En même temps, l’épouse et la mère du yakuza renversé par Shiro cherchent à se venger, mais heureusement pour Shiro, Tamura veille sur lui. La première partie montre comment tout le monde meurt autour de Shiro jusqu’à ce que ce dernier finisse également par mourir.
C’est à partir de ce moment-là que JIGOKU devient véritablement éblouissant. A la manière d’un Jose Mojica Marins (mais quelques années auparavant), Nobuo Nagakawa dépeint l’Enfer. Et l’Enfer selon lui est absolument impitoyable. JIGOKU brille alors par la qualité de sa photographie, de ses décors, de ses éclairages. Le monde dantesque créé pour nos yeux est aussi superbe qu’effrayant et désespérant. L’Enfer est ainsi divisé en plusieurs mondes et chaque monde correspond à une punition qui, elle-même, correspond à un péché. Donc, si vous êtes l’auteur de plusieurs péchés, vous aurez droit à une visite en profondeur des Enfers.
Même si la première partie reste très intéressante avec le personnage double de Shiro/Tamura, le film explose vraiment lors de sa seconde moitié. La première partie apparaît alors comme un prétexte. On nous présente les personnages et leurs péchés. Ils meurent. Dès leur décès, Nobuo Nagakawa nous plonge en Enfer pour 30-40 minutes de surréalisme. Il n’y a plus alors de logique et le film se résume aux supplices endurés par Shiro. A ce titre, JIGOKU n’anticipe pas seulement l’œuvre de Jose Mojica Marins mais également le Gore. Il y a bien deux ou trois plans extrêmement gores et autrement plus réussis que les pitreries d’un Herschell Gordon Lewis.
Naturellement, il serait stupide de résumer JIGOKU à un film gore. Les scènes sanglantes participent à cette atmosphère terrifiante tout autant que les décors et la photographie. L’Enfer ne se limite pas à des punitions physiques. La torture psychologique est également l’une de ses armes et peut-être même la plus terrifiante. Cette scène où Shiro court à la recherche de son enfant qui s’éloigne sur le fleuve, emporté par le courant, est particulièrement atroce.
JIGOKU est un film étrange, profondément noir et dérangeant. Comme on peut s’en douter, le film n’a pas véritablement de fin puisque la souffrance de Shiro sera éternelle. Ce parti pris est aussi horrible que grandiose. Elle est nihiliste tout simplement parce que l’Enfer est nihiliste. JIGOKU est donc un film puissant et ce malgré son âge certain (bientôt un demi-siècle quand même !).


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- Article rédigé par : André Quintaine

- Ses films préférés : Frayeurs, Les Griffes de la Nuit, Made in Britain, Massacre à la Tronçonneuse, Freaks

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