Jour de Colère

Un texte signé Frédéric Vernichon

Royaume-Uni - 2006 - Adrian Rudomin
Interprètes : Christophe Lambert, Blanca Marsillach, Brian Blessed...

Espagne, XVIIème siècle, pendant l’inquisition. Le shérif Ruy de Mendoza (Christophe Lambert) ne partage pas la douce philosophie du grand inquisiteur, lequel passe ses journées à condamnés à la torture, quand ce n’est pas la mort, des brebis égarés ou des hommes et femmes qui ont n’ont pas eu la « chance » de naître chrétien. C’est dans cette atmosphère pesante que doit officier le shérif.
Un soir tout ce qu’il y a de plus ordinaires, son adjoint vient le chercher à la taverne (c’est un grand habitué) et le conduit sur les lieux d’une tuerie : un noble, sa maîtresse et ses gardes du corps sont retrouvés mort, gisant dans leur sang. Sur le corps du comte une étrange inscription… Il part de suite avertir l’épouse de la victime. Cette dernière lui annonce que son mari ne peut être mort en cette soirée puisqu’il est parti plus tôt en voyages. Pour la convaincre, il l’emmène sur les lieux du crime. A leur arrivé, ni cadavres, ni la moindre gouttes de sangs. Mettant cela sur le compte des divagations d’un ivrogne, la comtesse s’en repart dans ses appartements. Convaincu de ce qu’il a vu, le bon shérif compte bien éclaircir ce mystère. Celui-ci s’épaissit quand d’autres figures de la citée sont retrouvées eux aussi assassinés, et dans les mêmes circonstances. Il finira par être le témoin d’un crime…
JOUR DE COLERE, dans son titre, renvoie à celui du grand Carl Theodor Dreyer, qui en 1943 signa avec ce film l’un de ses grands chef d’œuvres. Le maître de l’épure pointait les dérives de la religion, relatant l’histoire d’un personnage pris aux pièges de la morale de son époque (XVIIème siècle). Ce fut aussi, à une époque où le Danemark était occupé par les nazies, une parabole à peine voilée sur le nazisme. Le film d’Adrian Rudomin, dont le but est essentiellement de divertir, choisit la voie du thriller classique, n’empruntant au film de Dreyer que l’époque où se déroule l’action. Et son titre, donc. N’allons pas chercher ce que nous ne trouverons pas.
Si c’est avec une certaine crainte que l’on voit se débuter ce film (film d’époque, Christophe Lambert…), la mayonnaise réussit à prendre. On pourrait bien évidemment faire la mout sur plusieurs points, dont la modestie de l’approche du sujet (l’inquisition, vaste projet, et surtout ambitieux sujet) là où cela aurait très bien pu accoucher d’un excellent thriller historique, mais la qualité générale du métrage (la fin est d’un rare cynisme – chose très rare où d’ordinaire le politiquement correct l’emporte) réussit à emporter notre adhésion. Certes, le film souffre d’un scénario trop carré, qui abat de trop bonne heure certaines de ses cartes maîtresses ; l’intrigue, si elle est attrayante, demeure trop mécanique, faute peut-être à une mise en scène qui n’arrive pas à s’approprier complètement son sujet et préfère ainsi se reposer sur elle.
Ce qui permet à JOUR DE COLERE de dépasser le niveau d’un banal téléfilm c’est son approche historique. Dans les creux de cette histoire de vengeances se glisse une page d’Histoire, peu traité au cinéma (surtout ces dernières décennies – on se souvient toutefois du NOM DE LA ROSE de Jean-Jacques Anneau, le meilleur film et de loin du cinéaste français) et ici plutôt maîtrisé. En cette période de religiosité exacerbé, ce film rappelle fort modestement les dérives d’une Europe tombé dans les mains de criminels à soutanes, au nom de la morale et des bonnes mœurs. Le puritanisme et la paranoïa des personnages de ce film renvoient étrangement à certains courants du christianisme actuel, notamment nord américain.
Au final, le cahier des charges peut être considéré comme rempli. Un film à la hauteur de ses ambitions. Modestes, malheureusement, mais tout à son honneur de ne pas avoir essayer d’atteindre à ce qu’il n’aurait pas pu prétendre.


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- Article rédigé par : Frédéric Vernichon

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