Un texte signé Jérôme Pottier

Japon - 1968 - Kinji Fukasaku
Interprètes : Hiroki Matsukata, Tomomi Sato, Yôko Mihara, Tetsuro Tamba, Bin Amatsu

retrospective

Kamikaze Club

C’est en 1968, dans un monde en pleine révolution, que Kinji Fukasaku entreprend de dynamiter le cinéma. Ce n’est pas avec l’inénarrable nanar de science-fiction interprété par des militaires US en poste à Tokyo BATAILLE AU-DELA DES ETOILES (THE GREEN SLIME), l’un des quatre films qu’il réalise cette année là, qu’il se retrouve bombardé tête de file du renouveau du cinéma de genre nippon. C’est en s’attaquant au polar que Mister Fukasaku devient une légende avec KAMIKAZE CLUB qui nous conte l’ascension d’un SCARFACE japonais prénommé Shun.
Shun est un modeste serveur dans une boîte de nuit lorsque se présente pour lui une opportunité qui l’amène à se reconvertir dans le chantage. Il s’entoure d’une bande d’amis qui l’accompagne dans sa besogne très lucrative. Il devient un véritable petit parrain avec toutes les femmes à ses pieds. Toutefois, lorsque le père de son ami Otoki est retrouvé mort dans les eaux du port, les événements prennent une toute autre tournure.
Avec déjà une quinzaine de films à son actif, et presque quarante ans au compteur, feu Kinji Fukasaku, explose littéralement avec KAMIKAZE CLUB. Ce n’est pas tant l’histoire, vaguement inspirée d’un classique du cinéaste pop Seijun Suzuki intitulé LE VAGABOND DE TOKYO (1966) qui nous captive, mais son traitement. Bien avant Tarantino le pompeur de génie avec son PULP FICTION (1994), Fukasaku livre un récit qui fait fi de toute notion chronologique. Le plus impressionnant est que cela renforce la cohérence de l’histoire et donne plus d’épaisseur aux protagonistes. De fait, on est, par moment, en pleine tragédie avec, par exemple, la relation amoureuse entre Shun et sa complice qui arrive à émouvoir et surprendre le spectateur. Le personnage du métis né des amours d’un afro-américain et d’une japonaise, thème rarement abordé par le cinéma nippon, s’avère également très touchant. A ces qualités s’ajoute une réalisation fort originale. Fukasaku impose ici, pour la première fois, ce qui constituera sa signature, les scènes d’action en “freeze frame”. En fait, des scènes très mouvementées filmées caméra au poing et qui se concluent par une image fixe. Un procédé qu’il n’aura de cesse de développer dans ses prochaines bobines pour atteindre des sommets tels que GUERRE DES GANGS A OKINAWA (1971) et COMBAT SANS CODE D’HONNEUR (1973).
KAMIKAZE CLUB est soutenu par une distribution de grande classe puisqu’on y retrouve, du côté masculin, Hiroki Matsukata, l’un des acteurs fétiches du maître que l’on a récemment pu apercevoir dans quelques épisodes de FBI PORTES DISPARUS (2006). Il joue ici avec le légendaire stakhanoviste (plus de 200 films) Tetsuro Tamba qui tourna aussi bien avec Chang Cheh (LA LEGENDE DU LAC-1972) que Takashi Miike (GOZU-2003). Côté féminin, c’est pas mal non plus, puisqu’on retrouve la charmante Tomomi Sato, actrice plutôt rare (une petite vingtaine de films) que l’on a revue pour une performance extraordinaire dans l’excellent BABY CART : LE TERRITOIRE DES DEMONS de Kenji Misumi (1973). Elle est accompagnée par une autre beauté vénéneuse, Yôko Mihara, que l’on peut admirer dans le classique LA FEMME SCORPION avec la superbe Meiko Kaji (Shunya Ito-1972).
En bref, un film de gangsters qui permet à Kinji Fukasaku de poser la première pierre d’une longue filmographie consacrée au polar. Sa maestria nous entraîne dans un « yakuza eïga » au rythme trépidant. Le spectateur est laissée pantois devant un final classique mais terriblement bien réalisé, la classe.


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- Article rédigé par : Jérôme Pottier

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