Un texte signé Sophie Schweitzer

Festival du film Britannique de Dinar 2015retrospective

Kill your friends

Londres, 1997, l’industrie du disque est à son apogée et le jeune Steven Stelfox compte bien en profiter. Arriviste et ambitieux, le jeune directeur artistique passe plus de temps à boire, prendre de la drogue et lorgner sur le poste de son chef qu’à chercher les talents de demain. Et quand les tubes ne viennent pas, contrairement à ce qu’il espérait, le poste de ses rêves lui file entre les doigts. Steven n’ayant aucune envie de renoncer, va alors mettre tout son talent et son ingéniosité à trahir ses amis et déjouer les pièges de ses ennemis. Tout cela va le conduire à une vague de violence.

Owen Harris, le réalisateur de KILL YOUR FRIENDS a fait auparavant de la publicité ainsi que des épisodes de séries comme BLACK MIRROR, MISFITS et DIARY OF A CALL GIRL. Premier long-métrage, ce film est néanmoins ambitieux. Avec une mise en scène très dynamique, il se place dans la lignée d’un LOUP DE WALL STREET rencontrant AMERICAN PSYCHO. Malheureusement pour lui, KILL YOUR FRIENDS ne dépasse pas ses influences.

Le héros s’adresse directement au spectateur. Ce choix de mise en scène vise évidemment à rendre ce psychopathe attachant. Cette méthode ayant été précédemment utilisée dans HOUSE OF CARD (lui-même s’inspirant de PROFIT). Ce procédé a l’avantage de créer une sorte d’interaction avec le spectateur, rendant ainsi l’œuvre plus dynamique. Ainsi l’on comprend mieux le choix de casting de Nicolas Hoult, étonnant dans ce rôle, qui contribue à rendre le personnage plus émouvant. L’humour également très présent dans les scènes de violence est avant tout là pour les rendre plus acceptables. Dommage, cela en diminue l’impact.

Le film est cynique, mais cette volonté de créer de la distance entre la violence des images et le spectateur a des conséquences désastreuses. En effet, c’est par l’absurde et le grotesque que le réalisateur donne de la distance, malheureusement cela a pour conséquence de décrédibiliser le héros. Pire, ses agissements paraissent absurdes et parfois même complètement idiots. Ce qui finit par donner lieu à de sacrées incohérences. Par exemple, le premier meurtre aurait dû être résolu en deux secondes par la police. L’univers tout entier du film est par conséquent peu crédible, quasi clownesque. De ce fait, le spectateur se retrouve devant une comédie. Cependant, elle n’a pas la force de 99 FRANCS, car il y manque l’outrance exigée par ce style de film.

En effet, KILL YOUR FRIENDS apparaît au premier abord comme un film plutôt sérieux, une satire d’un milieu et d’une époque. Ce n’est qu’après la première scène de meurtre qu’on comprend que l’aspect grotesque va prendre beaucoup de place. Si la séquence du crime est plutôt bien faite, on regrette que le réalisateur ne laisse pas s’insinuer un doute concernant la réalité des faits ; tant ils semblent absurdes. Mais le film se cantonne à demeurer une comédie n’allant pas plus loin. Si tant et si bien, que lorsque le rythme du film ralenti, au moment où le héros a un cas de conscience, l’on s’ennuie plus qu’autre chose.

Dommage, car le film avait un potentiel, mais peut-être qu’il est simplement passé à côté de son sujet. Plutôt qu’évoquer l’industrie du disque florissante, il aurait peut-être dû s’intéresser à sa phase déclinante, ou être simplement moins dans la caricature trop grotesque. Quoi qu’il en soit, KILL YOUR FRIENDS est décevant, mais fonctionne et est distrayant. Les amoureux du déchaînement de violence et de gore en seront pour leur argent !


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà

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