retrospective

Killer klowns from outer space

Le film est l’unique réalisation des trois frères Chiodo, spécialistes des effets spéciaux à qui l’on doit entre autres les créatures belliqueuses de CRITTERS (de Stephen Herek, 1986) et de PLANETE HURLANTE (de Christian Duguay, 1996). Inventeurs d’un univers délirant et coloré qui mêle burlesque, horreur et parodie un peu à la manière du Tim Burton de l’époque (avec qui Stephen Chiodo a travaillé au début des années 80), les trois frères bricolèrent donc leur long-métrage dans un esprit à la fois personnel et ultra-référentiel. Le film est en effet conçu comme un hommage parodique aux films d’invasion extraterrestre qui terrifièrent les Etats-Unis dans les années 50 et 60 et reflétaient alors la peur d’une invasion soviétique (THE THING, 1951 de Christian Nyby et Howard Hawks ; LA GUERRE DES MONDES de Byron Haskin, 1953 ; BODY SNATCHERS de Don Siegel, 1956…). Dans les années 80, alors que la « menace rouge » s’est éloignée, on assiste à un petit « revival » de ce courant majeur de la sf américaine par le biais de remakes (L’INVASION VIENT DE MARS de Tobe Hooper, 1986 ; LE BLOB de Chuck Russell, 1988,…) ou de parodies débridées (BAD TASTE de Peter Jackson, 1987). C’est dans ce sillage que KILLER KLOWNS FROM OUTER SPACE voit le jour et matérialise le danger extraterrestre sous une forme inédite puisqu’il revêt ici l’apparence d’un petit groupe de clowns !

Mike et Debbie sont en train de flirter lorsqu’une étrange étoile filante s’écrase non loin d’eux ; se rendant sur les lieux, quelle n’est pas leur surprise de découvrir, perdu dans la forêt, un grand chapiteau dans lequel des cadavres sont enfermés dans des cocons ! Horrifiés, ils s’enfuient, poursuivis par plusieurs clowns armés, et tentent de convaincre les autorités de leur petite ville du danger auquel ils ont du mal à croire eux-mêmes. Dave, l’ex-petit ami de Debbie et policier de son état, accepte de se laisser conduire vers le chapiteau maudit mais celui-ci a disparu ! Le jeune couple est arrêté tandis que les clowns marchent sur la ville, bien décidés à en exterminer tous les habitants…

L’idée d’utiliser le clown comme figure maléfique peut sembler à priori contradictoire : les grimaces, le nez rouge et les grandes chaussures ont toujours fait rire ou provoqué la joie des petits (et des grands !). Cependant, le visage du clown peut aussi se faire inquiétant (traits déformés, rictus, identité floue,…), de nombreux enfants et adultes souffrant même de « coulrophobie », terme anglo-saxon récent désignant la peur des clowns ! La culture populaire américaine comprend d’ailleurs des exemples célèbres où maquillage et nez rouge sont symboles de mal absolu (la figure du Joker dans les « Batman », le clown tueur du « Ça » de Stephen King, …) à l’instar des personnages créés par les frères Chiodo. Si le burlesque et le second degré prennent nécessairement le dessus dans le film, plusieurs scènes distillent une ambiance malsaine, à l’image de ce corps humain transformé en « marionnette » par un clown ou de cette petite fille hypnotisée par une des créatures maquillées qui s’apprête à lui défoncer le crâne… Le soin apporté à l’impact graphique des clowns (immenses, le visage disproportionné, ils ont tous un faciès différent et identifiable) se retrouve également au niveau des décors de l’intérieur du chapiteau/vaisseau spatial. Perspectives forcées, fausses lignes de fuite, cadrages obliques et couleurs bariolées, nous plongent dans un univers artificiel et féerique rappelant fortement celui du dessinateur Dr Seuss (adapté au cinéma dans LES 5000 DOIGTS DU DR. T. de Roy Rowland, 1953). Mais à l’étrange et au merveilleux, les Chiodo préfèrent le « slapstick », le délirant et se montrent assez imaginatifs dans ce domaine : humains conservés dans des cocons de barbe à papa, bazookas lançant du pop-corn, tartes à la crème remplies d’acide, ombres chinoises se transformant en créatures carnivores, le tout au moyen de trucages aussi simples que visuellement efficaces. Le film ne tient malheureusement pas toutes ses promesses, la faute à un récit manquant souvent de rythme et répétant trop facilement les mêmes gags ; les personnages volontairement caricaturaux sont plutôt pesants et l’utilisation humoristique de tous les clichés du film d’invasion est un peu trop systématique. KILLER KLOWNS FROM OUTER SPACE reste finalement une sympathique série B bricolée avec amour, pleine de petites trouvailles mais aussi de défauts (rythme inégal, éléments horrifiques trop en retrait, …). Le film jouit d’un petit statut culte et une suite fut longtemps envisagée par les frères Chiodo ; le projet semble être resté au point mort. Dans le registre de la parodie burlesque et colorée des films d’invasion extraterrestre, la relève eut lieu dix ans plus tard avec le réjouissant MARS ATTACKS de Tim Burton.

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