Knock Knock

Un texte signé Sophie Schweitzer

Evan Webber est un homme heureux et accompli. Cet architecte, ayant dépassé la quarantaine, exerce le boulot de ses rêves, a une femme sublime et deux enfants, ainsi qu’une belle maison. Autant dire qu’il a tout ce dont on peut rêver. Mais, la fête des pères va bouleverser son existence. Coincé chez lui à cause d’un travail de dernière minute, il se retrouve seul. Sa solitude sera cependant vite trompée par l’arrivée de deux jeunes personnes. Perdues, trempées, les jeunes femmes ont un corps de rêve, et visiblement très envie d’user de leur charme. Evan tente tant bien que mal de résister à la tentation, sans savoir que s’il y cède, un jeu pervers et malsain va commencer.

Eli Roth réinvente le home invasion. Ce genre horrifique consiste à mettre en scène une attaque insidieuse au sein du foyer. FUNNY GAME de Michael Haneke sorti en 1997 en est l’exemple le plus marquant. KNOCK KNOCK s’inscrit dans cette lignée tout en renouvelant les codes du genre. D’ordinaire, le home invasion implique une famille heureuse attaquée par des jeunes hommes en quête d’amusement. Séances de torture et de viol sont généralement au programme. Mais cette fois-ci, la menace est féminine ! Et la victime, un père de famille sans sa famille.

La thématique du film tourne autour du sexe. Les deux jeunes filles s’invitant chez Evan de force, ou quasi, sont très désirables, et se montrent sexuellement agressives. Face à tant de débauche, le père de famille tente bien de leur résister, mais finit par céder à la tentation. À travers leurs actes, les jeunes filles dénoncent une société dans laquelle le sexe débridé en vient à détruire la cellule familiale. La perte des valeurs familiales générée par une société biberonnée par des sites pornographiques en libre-service, accessibles à tous, n’importe quand. Plus encore, le personnage de Bel qui s’amuse à appeler le héros Papa, dénonce une situation malsaine où des pères de famille peuvent coucher avec des femmes ayant l’âge de leurs filles…

En accusant Evan de pédophilie, les deux femmes portent aussi un regard critique envers la société. Celle-ci favorise, d’une part, tous les vices via le porno, l’existence de sites borderlines et surtout leur succès, mais d’autre part, font du mot pédophile une arme d’une violence absolue. Sa simple évocation ayant le pouvoir de ruiner la vie d’un homme sans qu’une quelconque preuve soit fournie. Aujourd’hui, la chasse aux pédophiles s’apparente parfois à une chasse aux sorcières.

Intéressant dans sa thématique, autant que dans le bouleversement des règles du genre, KNOCK KNOCK a cependant quelques défauts relativement importants. D’abord, on peut relever plusieurs incohérences : la facilité qu’ont les jeunes femmes à déjouer la vigilance du héros par deux fois et l’absence totale de système de sécurité dans une villa située dans un quartier très bourgeois. L’autre défaut est le casting. Autant le dire, Keanu Reeves ne convainc pas dans le rôle du père de famille. Incapable de jouer convenablement la peur, il rend son personnage peu crédible. Par conséquent, il est difficile d’accrocher au film.

Dommage, KNOCK KNOCK avait pourtant les clés pour être un HOSTEL bis et pour relancer un genre en lui donnant un nouveau souffle. Espérons que GREEN INFERNO soit plus efficace que ne l’est KNOCK KNOCK.


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà

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