Un texte signé Alexandre Thevenot

France - 1981 - Philippe Puicouyoul
Interprètes : Pierre Clémenti, Anouschka, Pierre-Jean Cayatte, Ricky Darling, Denise Dahlman

DossierMaudits Films 2012retrospective

La brune et moi

Anouschka est une jeune punk. Elle quitte un copain dans la rue, mais, en se retournant, se fait bousculer par un homme d’affaires pressé. Il s’arrête, regarde cette jeune fille et en tombe tout de suite amoureux. Pour parvenir à se faire aimer d’elle, il devra réaliser ses rêves : devenir une rock-star.
Le film a été réalisé par Philippe Puicouyoul qui est aujourd’hui connu pour son travail dans l’art vidéo. Il travaille souvent en partenariat avec le centre Pompidou.

Passons sur l’histoire dont le dynamisme repose sur la confrontation de deux milieux totalement opposés : l’attitude punk et l’aspect marginal, hors du système qui y est associé, et le monde des affaires, extrêmement cadré, que ce soit dans les tenues ou les dialogues, et profondément ancré dans le système. L’intérêt du métrage réside essentiellement dans sa valeur documentaire. L’esthétique du film est plutôt à relier au clip, dans une moindre mesure à une forme d’art vidéo plus qu’à une vraie œuvre cinématographique. Sur les cinquante minutes du film, plus des trois quarts sont entièrement musicales et de ce fait ne permettent pas de mieux développer l’histoire entre les deux personnages. Les groupes présents sont plus ou moins connus, parmi eux les Dogs, Go Go Pigalles, Marquis de Sade ou encore Les privés, sans qui le film n’aurait jamais pu voir le jour puisque ce sont eux qui jouent la formation qui doit faire d’Anoushka une rock star. Les morceaux musicaux font partie intégrante du film et permettent vraiment de se (re)plonger dans l’ambiance de l’époque. Qui dit ambiance dit aussi les looks, les phénomènes de bandes, le côté fauché du mouvement qui est révélé et dans lequel l’homme d’affaires a d’ailleurs beaucoup de mal à s’intégrer.

Les deux personnages principaux ne sont pas vraiment sympathiques. La jeune punk profite de l’attention puérile que lui porte l’homme d’affaires pour lui soutirer de l’argent et par extension de l’aide, tandis que lui semble très naïf dans sa capacité à se faire avoir. Quoi qu’il s’agit peut-être de l’ironie du sort vers lequel le film semble tendre : c’est un homme d’amour en argent mais pas un homme d’affaire en amour. Il se laisse berner.

Si le résultat final laisse à désirer sur un plan cinématographique, la mise en scène n’est pas pour autant inintéressante. En fait, elle est en accord avec l’esprit punk. Les angles choisis, les cadrages de travers, les effets de décadrage, les zooms et dézooms inutiles, tout ce qui empêche le film de devenir vraiment intéressant, le sert en affirmant une identité propre et non consensuelle. Le manque de budget total se fait sentir à tous les instants et apporte une dimension réaliste non négligeable. La qualité de l’image en elle même, parfois instable ou d’aspect crasseux, en témoigne, et fait un peu partie de cette vision de la culture punk. Le contraste est d’autant plus fort que le vulgaire est sans cesse confronté aux règles de la société de l’homme d’affaires. Dans la meilleure scène du film, Anoushka débarque au bureau de son amoureux sous les yeux outragés de la secrétaire avec une jupe extra courte et explique ce qu’elle veut obtenir. Comme dans une dimension parallèle issue de l’imagination, les musiciens entourent le bureau et jouent une chanson. Les changements de plan laissent toujours place à des effets de rapprochement ou d’éloignement. L’impression d’instabilité qui émane à la fois de la dimension du rêve et de l’essence de la culture punk se rejoignent pour gangrener symboliquement le monde des affaires.

Relativement court, LA BRUNE ET MOI est le symbole d’une époque révolue. Il ne faudra pas chercher dans le film un chef d’œuvre méconnu mais un document essentiel et unique, sorte de vestige filmique du mouvement punk-new wave français. En cela, le film prend tout son intérêt, sans compter la présence de tous ces groupes qui, quand on aime ce genre de musique, font plaisir à voir et à entendre.


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Alexandre Thevenot

- Ses films préférés :


=> Pour prolonger votre lecture, nous vous proposons ce lien.
Share via
Copy link