La Chambre indienne

Un texte signé Angélique Boloré

France - 2000 - Brussolo Serge

Pour La Chambre indienne, Serge Brussolo, l’auteur français si prolifique, que cela soit dans les genres abordés (science-fiction, fantastique, polar, roman historique…) ou le nombre de romans (plus de 200 en 2017) pose son action aux États-Unis, dans une petite bourgade du Middle West, étriquée et recroquevillée sur elle-même. Jusque-là, on reste en terrain connu, Brussolo adore offrir comme écrin à ses histoires des endroits isolés peuplés d’autochtones.

Sarah est une jeune mère célibataire qui fuit avec son fils Timmy le père de son petit enfant. En effet, ce dernier est un homme dangereux et obsédé par des idées fixes. Le grand-père de Sarah, un marginal survivant de la guerre du Vietnam vient de mourir. Elle voit là une opportunité et s’installe dans la maison du vieil homme, un endroit sordide sans meubles, sans confort, ni eau ni électricité. Elle pense que cette bourgade insignifiante et sa nouvelle vie reculée la protégeront du sinistre géniteur de son enfant et du gâchis qu’elle fait de sa vie.

Là, elle côtoie une voisine qui construit une fusée spatiale de planches pour rejoindre son fils enlevé par des extra-terrestres, des habitants condescendants et moralisateurs, des fermiers en mal d’enfant prêts à lui louer son fils. Elle supporte ces bizarreries avec un manque d’intérêt patent jusqu’à ce que son fils soit enlevé par un mystérieux kidnappeur. Qui est le coupable ? Les vieilles filles esseulées qui le gâtaient honteusement pour s’accaparer ses attentions de bambin charmeur ? La folle d’à côté ? Les fermiers-négriers désespérés ?
La police la soupçonne, les voisins l’accusent de maltraitance, ses parents se détournent d’elle. Les années passent et Sarah s’enfonce dans une déchéance coupable physique et psychologique impardonnables.

La puissance de ce récit réside dans son personnage féminin. Cette mère incompétente et paranoïaque touche le lecteur profondément. Elle raconte son histoire à la première personne, expose avec une justesse touchante ses angoisses, ses manquements et ses lâchetés. Serge Brussolo dépeint une jeune mère dépassée, n’aimant pas son enfant, incapable du moindre geste d’affection vers lui et pourtant se désespérant de sa disparition.
Sous la plume de Serge Brussolo, Sarah n’est pas hystérique ou invraisemblable, elle est fragile et désespérément humaine. Le lecteur sera également emporté par ses rapports avec le père de l’enfant qu’elle dépeint comme un être sauvage, un homme sans foi ni loi, dangereux et exerçant une malsaine fascination. Elle pensait trouver son “bad guy” rebelle mais c’est un loup qu’elle a débusqué. Et quand Timmy disparaît, elle le voit alors comme l’ange vengeur invincible qui la sauvera. Un tel retournement de situation, c’est toujours fascinant de voir comment Serge Brussolo parvient à le manier dans un sens puis dans un autre avec un brio incroyable.

La Chambre indienne, c’est comme d’habitude avec Brussolo, des personnages époustouflants, des situations qui pourraient paraître rocambolesques voire ridicules si elles avaient été décrites par quelqu’un d’autre mais qui ne le sont jamais sous sa plume. La folle qui construit une fusée dans son jardin pour tenter de rejoindre son fils disparu depuis des années et qu’elle croit enlevé par des extra-terrestres est pathétique et dans le même temps effrayante. Brussolo sait faire ça, explorer toutes les possibilités des situations incroyables qu’il imagine.
Dans ce polar psychologique, c’est à tombeau ouvert qu’il entraîne le lecteur dans un véritable match de boxe, allant de rebondissements à droite en coups de théâtre à gauche avant de, une fois le lecteur à terre, filer tout droit jusqu’aux surprenants dénouements (dénouement avec un « s »).


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Angélique Boloré

- Ses films préférés : Autant en Emporte le Vent, Les dents de la Mer, Cannibal Holocaust, Hurlement, L’invasion des Profanateurs de Sépultures

Share via
Copy link